« Good luck Algeria » ! C’est la phrase prononcée (avec une pointe d’ironie) par le Comité olympique au chef d’entreprise qui décide de participer aux J.O. pour sauver sa boite. Une histoire presque vraie, portée au cinéma par le frère du challenger.
Dans la première scène, on voit trois gamins qui poussent des voitures bricolées avec des bouteilles en plastique et autres déchets. L’un d’eux demande à l’autre (en arabe, sous-titré) : « c’est quoi ta voiture ? » Silence. Le loupiot ne parle pas arabe. Scène suivante : le petit Samir devenu grand (Sami Bouajila), ingénieur et marié à Bianca (Chiara Mastroianni) dirige une entreprise qui fabrique des skis 100 % français. Dur, dur. Pour combler le vide de la trésorerie, son associé (Franck Gastambide) a une idée de génie : participer aux J.O., car l’inscription entraîne de facto une dotation de 20 000 €. Pas au sein de l’équipe de France – niveau trop élevé –, mais pourquoi pas dans celle de son pays d’origine ? Cette aventure réellement vécue par le frère de Farid Bentoumi (pour d’autres motifs) sert de base à ce scénario qui file vers le succès. Mais pas tout schuss ! Le réalisateur a voulu faire :
Un pied de nez à tous les débats sur l’identité nationale ! Mon père est venu d’Algérie pour travailler dans les mines de Saint-Etienne, il a creusé le tunnel du Mont-Blanc… Il a donc contribué à construire la France, où j’ai grandi, où j’ai construit ma famille et mes projets. Mais je suis aussi algérien, et très fier de cette bi-nationalité. Le racisme n’a jamais déterminé mes choix ni ne m’a freiné. Je trouvais important que ce soit la même chose pour mon personnage.
La situation complexe de la bi-nationalité, tellement abordée dans l’actu depuis les attentats, l’est rarement au cinéma. Il se trouve que le producteur Frédéric Jouve, qui a grandi à Marseille, avait lui aussi envie de raconter une histoire positive sur l’immigration.
À force de discussions, il était évident qu’il fallait s’inspirer de la participation de mon frère aux Jeux olympiques d’hiver sous la bannière de l’Algérie à Turin en 2006. Son aventure symbolise vraiment la trajectoire du franco-algérien qui se lance dans un défi qui va le rapprocher de ses racines. L’argument initial relève de la comédie sociale puis le film s’ouvre sur une problématique plus ample sur l’héritage familial et culturel.
Cette thématique est chère à Farid Bentoumi qui a réalisé un documentaire sur sa famille en 2007. Il avoue en avoir gardé « pas mal de frustrations sur la manière de traduire la situation complexe de vivre entre deux pays », comme le font ses parents, admirablement interprétés par Hélène Vincent et le merveilleux Bouchakor Djaltia — ravi de faire le « jeune premier » à 81 ans ! Le père est sans doute le personnage du film qui fait le plus grand chemin : il finit par intégrer non seulement que ses enfants ne récolteront pas les fruits des arbres qu’il a plantés en Algérie, mais lui-même renonce à se faire enterrer dans son pays. L’Algérie, parlons-en. Même s’il ne veut pas s’éterniser sur le sujet de la corruption effrayante qui lamine ce pays (et qui risque de faire capoter la participation de Sam aux J.O.), Farid Bentoumi n’a pas pu y tourner comme il l’envisageait :
Trois semaines avant qu’on demande les autorisations, un Français s’est fait égorger dans les Aurès. Cela devenait trop risqué d’emmener une équipe là-bas. D’ailleurs les assurances ne l’auraient même pas permis. Nous avons donc tourné les scènes dans Alger sur place, mais les autres scènes ont été tournées au Maroc, chez les Berbères. Leur langue est différente alors nous avons dû intégrer des sons enregistrés dans ma famille ou extraits de mon documentaire.
La famille s’est prêtée de bonne grâce aux préparatifs. Farid Bentoumi se souvient :
Quand mon frère a décidé de faire les J.O., mon père a fabriqué des drapeaux, fait un gâteau énorme aux couleurs de l’Algérie. Et il a loué un bus pour qu’on suive Noureddine à Turin ! C’était vraiment énorme !
Mais pour produire un film, la famille ne suffit pas ! D’où la contribution des frères Dardenne : « ils sont cools, respectueux, mais exigeants au montage. Un parrainage juste et salvateur » reconnaît le réalisateur. L’histoire de ce franco-algérien qui décide de participer aux épreuves de ski sous la bannière de l’Algérie a un potentiel comique très fort. Mais le film ne tire pas sur les grosses ficelles de l’humour, façon Les Bronzés font du ski. Il regarde plutôt du côté de Rasta Rockett, un film culte pour Farid Bentoumi. Gageons que celui-ci donnera aussi des idées à d’autres, car il est multiple : c’est un film sur l’entreprise, sur la famille et les racines, sur le sport, avec un brin de poésie. Des qualités qui lui donnent une valeur universelle.
N.B. Soulignons la contribution de Robin Foster à la bande originale. Le musicien « Breton d’adoption » (il réside en Bretagne depuis 20 ans) a permis à Farid Bentoumi d’effectuer quelques allers-retours à Camaret dans son studio d’enregistrement.
Film Good Luck Algeria, Farid Bentoumi
Sortie 30 mars 2016. durée : 90 minutes
http://www.dailymotion.com/video/x1a20o1_l-equipe-jamaicaine-de-bobsleigh-de-1988-qui-avait-inspire-le-film-rasta-rockett_news
LISTE ARTISTIQUE
Sam: Sami BOUAJILA
Stéphane: Franck GASTAMBIDE
Bianca : Chiara MASTROIANNI
Françoise : Helène VINCENT
Kader : Bouchakor Chakor DJALTIA
Stella : Coralie AVRIL
Sarah : Fadila BELKEBLA
LISTE TECHNIQUE
Réalisation et scénario : Farid BENTOUMI
Collaboration au scénario : Noé DEBRÉ, Gaëlle MACÉ
1ére assistante mise en scène : Claire CORBETTA-DOLL
2ème assistante mise en scène : Justine BOSCO
Scripte : Virginie PRIN
Directeur de casting : Antoine CARRARD
Directrice de la photographie : Isabelle DUMAS
1er assistant opérateur : Loïc BOVON
Musique originale : Robin FOSTER
Production : Les films VELVET
Producteur : Frédéric JOUVE
Coproduction : Les Films du Fleuve, France 3 Cinéma Voo / Be TV, RTBF
Distribution : Ad Vitam