Le film Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry, sorti le 29 mars 2023, illustre les projets porteurs d’espoir qui se développent et se mettent en place depuis peu en France : la justice restaurative. Retour sur ce film magnifique et émouvant où l’on voit les personnages évoluer au fur et à mesure des réunions vers la guérison de leur démon intérieur.
Après son film magistral Pupille, Jeanne Herry brille une fois encore par son talent dans son dernier film Je verrai toujours vos visages qui parle de la justice restaurative. L’idée innovante derrière ce terme porteur d’espoir est de faire se rencontrer, au cours de réunions encadrées, coupables et victimes, pour que chacun voit comment l’autre vit la situation et qu’à leur sortie, les coupables ne reviennent jamais en ces murs.
Ici, rien n’est manichéen. Tous, victimes comme coupables, ont leur défaut, leur part d’ombre et leur part d’humanité. Les victimes apprennent que souvent derrière une mauvaise décision qui mène derrière les barreaux, il y en a une myriade d’autres et une vie difficile. Les coupables apprennent quant à eux que derrière leur décision mue par un devoir de nécessité il y a des victimes, des vies, des familles, impactées à jamais par leur choix et qu’ils ne peuvent et ne doivent pas se cacher derrière cette nécessité, au risque de refaire les mêmes erreurs à l’infini. Faire le bien ou faire le mal, c’est un choix. Et qui dit choix dit responsabilité.
Les victimes peuvent rencontrer d’autres victimes encore traumatisées, mais aussi, si ce n’est le pardonner, comprendre un peu le choix de leurs agresseurs. Les victimes n’ont pas de lien avec les coupables, ces derniers n’ont pas causé le tort et le traumatisme qui les remuent encore, mais ces hommes condamnés parlent pour tous les autres. Ils s’expliquent sur leur vie de galère, de mauvais choix et sur l’ultime acte qui les a menés là où ils en sont aujourd’hui et aident les victimes à évoluer en répondant à certaines de leurs interrogations et angoisses.
“Moi, je suis là pour vous montrer ce qui se passe pour les victimes quand vous commettez ce genre de choses.”
Nawell
Au fil de ces réunions, ces hommes écorchés par une vie de mauvais choix humanisent leurs crimes les empêchant d’en commettre d’autres. Derrière, il y a en effet d’autres Sabine, d’autres Nawell, d’autres Grégoire qui, pour une agression de quelques minutes et quelques billets, en subiront les conséquences des années durant. En racontant ce moment où leur vie était suspendue entre les mains d’un autre, l’idée est que les coupables prennent conscience de la gravité de leur geste. Même si c’était « juste pour faire peur » ou que le prévenu « ne savait pas ».
Mais cette justice restaurative ne tient pas du miracle, de la magie. Comme le dit une encadrante, « certains diront que vous avez fait de la magie, vous vous saurez que c’est du travail, non de la magie ». Comme tout travail, ou tour de prestidigitation, parfois ce parcours de reconstruction tourne à vide et le bourreau ne prend pas la mesure de son acte. Certains, à l’aube de leur paternité prochaine, concluront d’un odieux « je ne t’en veux plus » à l’adresse de leur victime. Victime qui, elle, en ressort grandie et apaisée de ce long chemin périlleux. On en vient finalement à trouver pathétique cet éternel bourreau qui, même libre, ne sortira jamais de sa prison intérieure.
La justice restaurative reste une belle initiative magnifiquement illustrée par ce film qui porte le titre d’une phrase d’un ancien détenu qui faisait partie du processus, nouvellement sorti de prison : « Je verrai toujours vos visages ».
Je verrai toujours vos visages, un film somptueux et émouvant, agrémenté d’un casting impressionnant (notamment Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti, Gilles Lellouche, Miou-Miou). À voir absolument !