Le principal parti d’opposition français est en faillite. Au-delà du symbole et de l’exemple de bonne gestion, c’est peut-être le moment de remettre en cause le modèle de financement des partis politiques français.
11 millions d’euros, voilà la somme que doit rembourser l’UMP ! Une somme colossale dont on connaît le montant depuis la fin de la campagne, la gestion du parti étant un puits sans fond depuis quelques années. Car si l’UMP a le plus grand nombre d’adhérents, ses dépenses sont considérables – entre l’immobilier et les grand-messes de l’ère Sarkozy et Copé. Rien n’est trop beau pour montrer la puissance du parti au pommier. Alors pour renflouer les caisses, on comptait sur le remboursement de la campagne présidentielle par l’État, comme c’est le cas pour les autres partis. Le problème est qu’avec l’utilisation des moyens de l’Élysée, le plafond autorisé pour les dépenses de campagnes est dépassé de 2,1 %, ce qui représente tout de même 466 118€. À titre de comparaison, le budget de campagne de la candidate EELV était 12 fois inférieur à celui de l’UMP et du PS, sensiblement égaux, plafonnés qu’ils sont tous les trois ans par décret.
Des montants disparates
Il ne s’agit donc pas d’une question de montant mais de provenance, comme l’avait souligné dès le début de la campagne la commission chargée d’en contrôler les dépenses, la CNCCP. Cette commission est présidée par François Logerot, ancien élève de l’ENA qui a fait sa carrière dans la Cour des comptes. Elle a dû faire le tri entre les déplacements présidentiels et les déplacements de candidat. Elle a aussi tenu compte des dépenses des primaires pour le candidat socialiste. (Les rôles risquent d’ailleurs d’être inversés pour les prochaines échéances électorales.)
À lire les progressions des plafonds, il est légitime de se demander si tout cela est raisonnable et ne creuse pas un fossé entre grands et petits candidats, d’autant que les budgets ne sont pas toujours en cohérence avec le nombre d’adhérents ou d’électeurs. Ainsi le FN jouissait de 12 millions de budgets en 2002, Jean-Pierre Chevènement et François Bayrou de 9 millions, les Verts de 5 millions. Eva Joly a vu son budget divisé par 3, Bayrou a perdu 2 millions et le Front de Gauche comme le FN ont fait jeu égal à 9 millions en 2012. Ces budgets sont remboursés à hauteur de 47,5 % par l’Etat, donc… par le contribuable. Il est évident qu’un plafonnement inférieur des budgets de campagne permettrait un meilleur équilibre des candidats tout en diminuant les dépenses de l’État de quelques millions.
La part de l’État, part du riche
Mais le refus de ce remboursement à l’UMP aboutit à un autre paradoxe. Les dons aux partis sont remboursables à hauteur de 66 % par crédit d’impôt aux donateurs. La somme de 11 millions de déficits se retrouve donc financée à hauteur de 66 % par l’État, si tant est que l’UMP arrive à réunir autant de dons et que ces dons ne dépassent pas individuellement les plafonds des impôts.
Le financement des partis par l’Etat dépend actuellement du nombre d’élus et de la parité homme/femme des listes dont le non-respect entraîne des pénalités (l’UMP a connu 4,3 millions d’amende contre 900 000 pour le PS et 0€ pour le FN et EELV). Les dons privés sont également plafonnés par la loi pour éviter les dérives. Pour 2011, il est possible de consulter les comptes des partis ici. Un simple examen révèle qu’à l’UMP la part des élus est de 3,3 % contre 26 % au PS ou 4,9 % au front national qui en dispose de peu. Mais c’est 62,3 % de financement public qui permet à l’UMP de vivre en 2011 contre 15 % pour les plus petits partis. Seul le Modem fait pire avec 74,5 % – avec un budget ridiculement faible cela dit. La moyenne est de 40 % de financement public et de 13 % de cotisation des adhérents (NPA et LO étant ceux comptant le plus sur cette dernière manne).
Une autre voie ?
La lecture de ces chiffres et rapports ainsi que l’appel au don de l’UMP devraient conduire à une profonde révision de notre vie politique et du financement des partis. En Allemagne, le FDP ou la CDU sont abondés à hauteur de 30 % par l’État et les cotisations. Dans les pays nordiques, il règne une certaine opacité dans ce domaine, qui est justement remise en cause à la suite de scandales récurrents. Au Japon, les campagnes sont plus austères, avec des fonds limités après les abus des années 80. Aucune solution de plafonnement drastique ne semble se détacher dans le monde occidental. Le débat mériterait d’être urgemment ouvert dans notre pays afin de sauver la barque de la chose politique française qui n’en finit pas de couler.
Didier Ackermann