La Coupe du Monde de football 2018 organisée par la FIFA – cercle du ballon rond et quadrature de l’indécence et de la corruption – se déroule en Russie. Le sport (médiatisé) et la dictature (nationaliste) font bon ménage. Avant, il y a eu Sotchi, Pékin, Berlin. Glorification du physique au détriment de l’esprit mais aussi recherche de respectabilité internationale. Rien de nouveau depuis Chaplin et à sa géniale scène du Dictateur (1940).
« Le développement du spectacle sportif représente l’une des grandes nouveautés de la vie sociale et politique de l’entre-deux-guerres. Différentes causes expliquent le glissement du sport vers le spectacle qui caractérise toute l’Europe dans cette période. Au lendemain de la Grande Guerre, les gouvernements veulent agir contre le déclin physique de leurs populations et cherchent à exploiter les vertus médicales et hygiéniques du sport. Ils contribuent ainsi, sur leur territoire national, à la diffusion des pratiques physiques. Mais la “découverte” des vertus du sport sur le corps humain n’explique pas à elle seule le formidable développement du sport dans cette période. La pratique physique, en effet, devient indissociable d’un cadre idéologique : le nationalisme, le socialisme, le communisme, la foi religieuse, etc., sont les bases des différents mouvements sportifs. Leur force est précisément cette alliance, jusque-là inexploitée, de l’activité physique et de l’engagement “spirituel”. Les ambitieux projets pédagogiques des communautés sportives attirent à la fois les pratiquants et les spectateurs. Dans cet environnement où naissent les mouvements de masse, les médias amplifient encore le rôle du sport comme langage populaire. Outre la radiophonie qui révolutionne la communication et la propagande, la presse écrite donne la parole à des acteurs sociaux, notamment les sportifs, jusqu’alors secondaires ou ignorés. »
(Daphné Bolz, La mise en scène sportive de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie : la Coupe du monde de football (1934) et les Jeux olympiques de Berlin (1936) in LES POLITIQUES AU STADE, p. 167, PUR, 2007, p. 167)
En mémoire d’Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006.