Au début était la Forge… Archéologue et spécialiste des religions, Gérard-Nissim Amzallag travaille à l’Université Ben Gourion du Néguev. Il se penche à l’intersection des données du terrain et des textes fondateurs de l’Ancien Testament (Genèse, Exode, etc) sur les origines de YHWH (celui dont on ne prononce pas le nom) et du Yahwisme qui deviendra plus tard le Judaïsme.
Le Proche-Orient, dans les 5 à 10 derniers millénaires, a été le lieu des grandes révolutions qui ont fait passer l’humanité du Néolithique à l’Antiquité. Parmi ces révolutions, on citera bien volontiers les débuts de l’agriculture, les premières cités, l’écriture, les débuts de l’économie de marché, les premières lois et ce qui engendrera les sciences.
À l’époque où tout ceci commençait à se mettre en place, les Hébreux et leurs ancêtres étaient encore des groupes non sédentarisés : l’hébreu עברי (ʽivri) viendrait de la racine du verbe עבר (avar), qui signifie passer. Il s’agissait donc de groupes mobiles circulant pour divers motifs : migration de troupeaux, commerce et trafics divers entre régions éloignées. La période concernée est aussi celle du passage des instruments en pierre et/ou en bois à la transformation des métaux trouvés dans la nature. Ceci concerne de nombreuses groupes humains pas si éloignés : les Hittites, les Chypriotes, les premiers Grecs, etc.
Si l’or peut être travaillé sans recourir à l’usage de la fonderie par simple martellement, il n’en est pas de même du cuivre pourtant fort abondant dans ces territoires. Un certain nombre de ces groupes errants ont acquis, peu à peu ou par contiguïté avec d’autres groupes du Levant, des connaissances métallurgiques et se sont spécialisés dans la production du cuivre. À partir de l’expertise archéologique du site de Timna à 30 km du Golfe de la Mer Rouge, site précédemment occupé par les Égyptiens, et révélant peu ou prou un sanctuaire lié à la transformation du cuivre, l’auteur se livre à une hypothèse brillante, confrontant ces traces aux textes bibliques et propose qu’un de ces groupes a élaboré une théologie monothéiste ésotérique dédiée à YHWH.
Ce groupe dénommé les Qénites, référence à Caïn, a séparé ce Dieu des autres dieux secondaires les Elohim de l’Écriture et a diffusé son message aux autres groupes errants. C’est cette tradition métallurgique et initiatique que l’auteur relie à la constitution du canon hébraïque primordial par une relecture point par point de l’Ancien Testament. Bien sûr comme toute religion, le dogme va évoluer au fur et à mesure de l’Histoire mouvementée du Peuple d’Israël, qui d’une structure organisationnelle relativement libertaire passera, confrontée aux conflits avec ses voisins, à une phase transitoire celle des « dictateurs », les Juges puis à une royauté dont les plus célèbres représentants sont David et Salomon.
Ce livre, que l’on adhère ou pas à l’hypothèse de Nissim Amzallag, mérite une lecture attentive et obligatoirement confrontée au texte biblique et l’immense connaissance de l’auteur en la matière facilite cette progression. Une autre hypothèse, sur les origines du monothéisme dans une région ou les archéologues ont mis en évidence la transition entre écriture hiéroglyphique et les prémisses des écritures sémitiques dont le Phénicien d’où dérive notre alphabet (Aleph Beit…) pourrait aussi concerner la période monothéiste égyptienne du règne d’un certain Akhenaton…