France des décalages > France des décalés, Vers un gouvernement d’union nationale ?

Un récent sondage de l’institut Opinion Way-Fiducial pour le journal La Croix a montré que les candidats à l’élection présidentielle restent éloignés des préoccupations de 74 % de Français ! Ce chiffre peut paraître surprenant, mais il reflète le profond malaise qui existe entre les élites politiques et le peuple français.

De fait, il y a un décalage réel entre les discours, les idées, les propositions des candidats et les principales préoccupations des Français qui sont : « le maintien de l’emploi » pour 52 %, « la lutte contre la hausse des prix des produits de première nécessité » pour 39 % et « le maintien du remboursement de soins » pour 38 % des sondés.

Cette enquête nous apprend aussi que les sympathisants proches de la droite et la gauche sont plus préoccupés par l’emploi (64 % pour le PS, 60 % pour l’UMP) alors que ceux du FN sont plus vigilants sur la hausse des prix (46 %) et la délinquance (41 %).  Et ceux du Modem sur l’accès des jeunes au marché du travail (54 %).

Quels enseignements peut-on tirer de ces chiffres ?

Les électeurs de gauche et de droite républicaine seraient plus raisonnables en privilégiant dans leur choix l’inquiétude liée à « l’emploi ». Ceux du Modem le seraient également, mais en pointant uniquement du doigt le problème « du chômage des jeunes », ce qui est tout de même un peu réducteur, car le chômage concerne tous les pans d’âge, également les plus de 50 ans. Pendant ce temps-là, les électeurs du FN s’effraient de la hausse des prix et de la délinquance. Certes, les prix augmentent, mais ce ne sont pas les chômeurs qui s’en plaignent en premier, plutôt des salariés qui ont déjà un emploi. Cette catégorie d’insérés exprime le sentiment subjectif d’une réalité grandement théâtralisée (l’euro reste associé pour une partie des Français à une perte de pouvoir d’achat). Cette partie du peuple a-t-elle pour autant compris le lien existant entre les conditions économiques et la montée de la délinquance ? Cette corrélation ne l’intéresse pas. Pour elle, c’est la partie émergée de l’iceberg qui prévaut : le prix de l’essence et de la baguette ainsi que les comportements antisociaux. Pour autant, une autre partie du peuple a-t-elle compris la corrélation entre citoyenneté et intégration ?

Désignons ces traits d’électeurs par des vocables.   

On dira les électeurs de l’UMP et du PS « raisonnables », ceux du Modem « idéalistes », et ceux du FN « revendicateurs ». Si l’on rassemblait tous ces traits de caractère, on aurait alors un éventail bien intéressant de l’électorat français. L’électeur serait « raisonnable, revendicateur et idéaliste ». En somme, un Français modéré qui n’oublie pas de se plaindre et de rêver un peu.

Et, au demeurant, c’est de cet idéal-type dont la France à besoin en ces temps de crise et de bouleversements. Avec lui, le pays « saurait raison garder », « tout en étant pour un changement progressif ».

Mais, à l’opposée de cette construction de pensée, le sondage montre que les politiques n’apportent pas les solutions que les électeurs attendent.  Les candidats restent « assez » (49 %) ou « très » (23 %) éloignés des préoccupations de leurs concitoyens. C’est le triste constat d’un profond décalage entre le peuple et les partis politiques.

Les grands partis traditionnels peinent à trouver des solutions pour résoudre les problèmes du chômage, des conditions de travail et du pouvoir d’achat. Le Modem peine à proposer des réponses sensées afin d’améliorer l’accès à l’emploi des jeunes. Et le FN peine à être crédible en cantonnant l’explication du malaise français à la hausse des prix et à la délinquance.

Pourquoi ces distorsions ? Ces partis politiques sont pourtant coachés par des docteurs ès Communication.

On peut d’abord présager que le PS et l’UMP ne peuvent pas apporter de solution définitive à la crise de l’emploi dans ce pays car ils sont bridés par les rouages d’un système économique qu’ils estiment au-dessus des pouvoirs régaliens, du droit et de la politique. Les deux grands partis seraient trop « raisonnables » avec leurs visions rassies. Tandis qu’on peut estimer que le FN est prisonnier de schémas politiques éculés qui ne fonctionnent que par l’instrumentalisation d’un ras-le-bol, d’une fronde et d’une angoisse diffuse qui n’animent pas que les couches dites populaires. Le front national n’épouserait pas assez le principe de réalité au profit de mécanismes émotionnels. Quant au Modem, il parle haut et fort de changement alors qu’il s’est enfermé dans un interstice politicienne centriste qui l’empêche d’opérer de  véritable choix. Pourtant cet interstice pesait autrement plus lourd dans la balance il y vingt ans quand y convergaient radicaux et UDF.

Bref, les uns ne seraient pas assez courageux, les autres seraient trop démagogues ou idéalo-centristes. D’où l’impossibilité des candidats présidentiels d’adhérer aux préoccupations des Français. D’autant plus que chacun d’eux s’exprime à l’envi et sans complexe au nom de tous « les Français » ! C’est une attitude qui va totalement à l’encontre de ce que pensent justement ces Français. Ce nouveau sondage finit de le démontrer. Il démontre ce chacun sait intuitivement depuis longtemps.

Que faire alors de ces traits de caractère divers et partiaux ?

Tentons une idée à la fois surannée, mais pleine d’espérance : les rassembler dans un gouvernement d’Union nationale. Qui sait si une telle union ne serait pas susceptible de sortir la France du chemin de plus en plus épineux qu’elle emprunte ?

Hélas, en France, subsistent des divisions et des haines politiques d’un autre âge. Hélas, en France, une grande partie des élus font carrière. Nombre déploient dans la sphère politique avant tout leur ego. Dès lors, sont-ils prêts à remiser leurs intérêts personnels et corporatiste, leurs oppositions intellectuels et passionnelles afin de conjuguer leurs talents et qualifications à ceux des autres ? Aux autres, autrement dit, aussi bien les membres d’un même parti, clientèle ou baronnie, que les autres. Un voeu pieux sans doute. Ah, le bon temps où l’on entrait en politique pour accomplir une tâche précise au service de l’intérêt général, avant de repartir seulement enrichi et auréolé de la gloire du travail bien fait !

Quitte à imaginer un avenir décongestionné : pourquoi les Français ne se mettraient pas à suppléer les élus, au travers de leur vie personnelle, familiale, de quartier, associative, professionnelle ? A eux de trouver le courage d’oublier les différences et griefs passés afin de restaurer une confiance évanouie et s’unir pour affronter un destin radicalement nouveau.


 

* Les candidats restent « assez » (49 %) ou « très » (23 %) éloignés des préoccupations de leurs concitoyens. Seulement 27 % des personnes interrogées estiment que les prétendants à l’Élysée sont proches de leurs inquiétudes.

L’enquête révèle également qu’à la question « quel candidat propose les meilleures solutions aux problèmes quotidiens? », 29 % des Français répondent « aucun ». Une réponse privilégiée à la fois par les catégories socioprofessionnelles favorisées et défavorisées. De plus, les réponses apportées par les candidats sont « moins concrètes » qu’en 2007 pour 30 % des Français. Ils sont deux fois plus (59 %) à les juger « ni plus, ni moins concrètes » et trois fois moins à les estimer « plus concrètes ».

François Hollande apparaît le candidat qui propose les meilleures réponses pour 24 % des sondés, 20 % préfèrent  Nicolas Sarkozy et 16 % Marine Le Pen. Viennent ensuite François Bayrou (15 %), Jean-Luc Mélenchon (9 %) et Eva Joly (7 %).

 

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