“Les arbres au départ c’était une errance et c’est devenu une inspiration. Un arbre, c’est comme un grand homme“. François Fontes Abrantes expose ses photographies sur le campus Villejean du 8 novembre 2021 au au 20 février 2022. En plein air, découvrez L’Arbre d’énergie, une œuvre poétique qui interroge la face cachée des arbres.
Capacités sensorielles, aptitude à la communication, développement d’une mémoire, symbiose avec d’autres espèces et influence climatique… la science a permis de montrer que les arbres possèdent toutes ces facultés. Au-delà de mettre en lumière leur beauté, votre travail tend également à montrer l’invisible. Que donnez-vous à voir à celui·celle qui regarde vos photographies ?
François Fontes Abrantes – En effet, sans m’en rendre compte, je me suis aperçu que mon travail avait une relation intime avec l’invisible ou plutôt avec notre ignorance à voir et à ressentir. La lumière et la façon dont je l’ai exploitée participent à cette atmosphère. Au plus profond de nous, nous savons que nous avons une histoire commune, celle de la planète Terre. Intrinsèquement nous savons que les arbres nous sont utiles et précieux. Ils sont liés à notre propre histoire. Ils sont symbole d’immortalité, de puissance, de sacré, de résilience ou de générosité. L’arbre occupe une place centrale dans la culture des hommes. Comment ne pas ressentir un sentiment de paix et d’éternité à côté d’un arbre millénaire. Alors l’envie d’en faire le portrait, de leur donner une âme, était pour moi une façon de leur rendre hommage. C’est une reconnaissance à notre propre mémoire.
Vous vous définissez comme un « Portraitistes d’arbres ». Vos images montrent un lien fort et intime avec ceux-ci. Votre regard sur eux a-t-il évolué au fur et à mesure de l’avancée de ce projet ?
François Fontes Abrantes – Je suis rentré dans ce projet par hasard, vide de sens. J’en suis ressorti transformé et en parfaite harmonie avec moi-même. J’ai ressenti au fur et à mesure de ce projet une force intérieure nouvelle, de nouvelles vibrations aussi. Les arbres m’ont happé. Ce rapport que j’ai entretenu avec eux en faisait des nouveaux amis bienveillants qui étaient capables de me ressourcer et de développer des émotions nouvelles et intenses. Ce rapport est même devenu obsessionnel, je les cherchais sans cesse et je passais de l’un à l’autre. Chacun d’entre eux avait quelque chose à me montrer ou à me raconter. Ma quête était devenue sans fin. Au bout de plusieurs années, j’ai entrepris de mettre en avant mon travail. À ce moment, j’ai pu prendre un peu de recul avec cette obsession végétale. Bien souvent, j’en rencontre certains et je les regarde comme de vieux amis avec qui on a partagé de bons moments. Je les respecte d’autant plus qu’ils m’ont apporté de belles émotions créatives.
De vos images se dégage une atmosphère particulière, de l’ordre du mystique ou de l’onirique. Pouvez-vous nous parler de votre esthétique ? Comment s’est-elle construite ?
François Fontes Abrantes – Quand j’ai commencé ce travail en 2016, je traversais une période de doute existentiel. Une crise comme tout le monde peut en traverser au cours de sa vie. Le seul refuge que j’ai trouvé a été de me réfugier derrière mon appareil photo, et d’aller tous les matins dès le lever du jour dans la campagne, loin du bruit et du mouvement. Mon errance inconsciente m’emmenait chaque jour à photographier des arbres. Au début, je ne comprenais pas le sens de ces virées matinales. Pendant plusieurs mois, j’ai parcouru la campagne autour de chez moi, puis petit à petit j’ai élargi le cercle, toujours en quête de nouveaux clichés, de nouveaux arbres, de nouvelles forêts. Je ne savais pas quel était le but de cette quête, mais je m’y sentais bien. J’avais accumulé des centaines et des centaines de clichés d’arbres communs qui à mon sens avaient peu d’intérêt, mais malgré tout je continuais ce travail.
Un jour, devant mon ordinateur, j’ai commencé à m’interroger sur ce que j’allais faire de toutes ces images. Je suis photographe depuis plus de 35 ans, et mon premier métier photographique à été Technicien de laboratoire photographique. Le travail d’un technicien de laboratoire photographique est de travailler avec le temps, la lumière, la colorimétrie et la chimie. Donc très naturellement, j’ai reproduit ce travail avec la lumière sur mes arbres. Je cherchais à m’inspirer du travail des photographes portraitistes qui en studio arrivaient à créer des chef d’œuvres à l’aide de l’éclairage artificiel. Je venais de trouver mon fil conducteur : transcender la lumière naturelle, l’exploiter et recréer mon propre univers poétique. Rechercher l’invisible et le donner à voir. En repeignant ces arbres avec la lumière, je me suis aperçu que je donnais à voir des teintes, des matières jusque là invisibles à l’œil nu, et d’une certaine manière je découvrais en eux toute une face cachée.
Sans m’en rendre compte, ils m’ont guéri et plus encore, ils ont développé chez moi une autre façon de regarder les choses, la vie, les gens, la nature. Quelque chose de mystique peut être…Oui.
François Fontes Abrantes – Quels ouvrages conseilleriez-vous pour prolonger la réflexion sur notre rapport à ces grands protagonistes du monde, aujourd’hui menacés d’extinction ?
F.F.A. Quelques livres de ma bibliothèque sur les arbres :
- La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben (Les Arenes Eds, 2017)
- Arboretum de Versailles-Chèvreloup (Éditions du Rouergue / Muséum national d’Histoire naturelle, 2017)
- La planète verte, Forêts tropicales, Stephen Dalton et George Bernard (Photographies), Andrew Mitchell (Texte), (Édition Atlas, 1990)
- Tree Houses. Maisons dans les arbres de Philip Jodidio (Édition Taschen, 2017)
- Un petit roman plein de poésie aussi : Le baron perché de Italo Calvino Éditeur (Seuil, 1980)
- Et pour celles et ceux qui souhaiteraient en savoir un peu plus sur mon travail, je peux recommander mon livre L’Arbre d’énergie (2008).
Le site de François Fontes Abrantes
Communiqué