La première édition du prix Facile à lire Bretagne a choisi de distinguer l’écrivaine Françoise Legendre le 22 septembre 2017. Organisé conjointement par l’établissement public Livre et lecture en Bretagne et par l’association Les Chemins de lecture, en partenariat avec Unidivers, le prix récompense l’auteure pour son roman La nappe blanche publié aux éditions Thierry Magnier. Un roman accessible à de nombreux publics dans l’optique de la démocratisation culturelle.
Développée avec et pour les personnes en situation de handicap intellectuel, la démarche du « Facile à lire » a pour objectif global de faciliter la compréhension de la communication écrite et audiovisuelle. Le concept vient tout droit des pays du nord de l’Europe et du Canada où il est plus connu sous le nom de « Easy to read squares ». Le terme désigne alors des espaces dédiés au sein des bibliothèques qui mettent à la disposition du public des livres et documents présentés comme « faciles à lire ».
Le prix Facile à lire Bretagne cherche à poursuivre cet héritage. Les treize communes bretonnes partenaires du prix ont organisé au cours de l’année divers temps de discussion autour des huit ouvrages sélectionnés. Après délibération des jurés – un public plutôt éloigné du milieu littéraire –, le prix est venu distinguer l’ouvrage de Françoise Legendre La nappe blanche. Pourtant, selon ses propres mots, l’auteure n’a jamais cherché à écrire son livre dans un français facile à lire. En revanche, elle met un point d’honneur à utiliser un style aussi clair et précis que possible : « Je traque les mots inutiles qui sont en fait des facilités, des traces de “laisser-aller” : cela contribue sans doute à rendre la langue fluide, simple, et, je l’espère dense et forte… »
La nappe blanche n’est pas le premier roman de Françoise Legendre. L’auteure a déjà derrière elle une bibliographie respectable. Sa carrière d’auteure commence en 2006 avec la publication de « Jo la pêche » aux éditions Flammarion. Par la suite, les ouvrages se multiplient. Qu’il s’agisse d’albums illustrés ou de romans, tous sont destinés à la jeunesse. « Ce choix de la littérature jeunesse n’en est pas vraiment un – confie l’auteure – il s’est imposé : il semble que je me sente mieux dans des formes d’écriture et d’histoire qui rencontrent des publics d’enfants ou de jeunes… Même si des adultes et parfois des personnes âgées m’ont assez souvent dit apprécier tel ou tel livre qui les avait beaucoup touchés. »
À la lecture de ses livres, on comprend mieux pourquoi. Françoise Legendre explore dans ses ouvrages des thèmes qui parleront à tous les publics. Ses deux romans « Le petit bol de porcelaine bleue » et « La nappe blanche » dessinent avec beaucoup de délicatesse l’histoire complexe de deux familles dont la mémoire est matérialisée par un bol, par une nappe, etc. « Je suis très touchée par la vie des choses : certains objets accompagnent des vies ou des périodes de la vie, matérialisent un souvenir, concentrent la force d’un sentiment… La mémoire m’intéresse beaucoup, mémoire individuelle, familiale, collective et un objet permet de mieux comprendre, transmettre, “voir” cette mémoire… »
La mémoire « familiale » est également au cœur de l’album « Mon papa roulait les R » publié en 2008. L’histoire est directement inspirée de la vie de l’auteure, de sa propre famille. Car le père de Françoise Legendre était roumain et roulait les r. Ces origines transnationales ont eu une influence décisive sur son amour des mots et des langues. « Avoir un bout de famille dans un autre pays, entendre des accents différents à la maison, passer par l’écriture de lettres pour correspondre avec mes grands-parents roumains qui, pendant longtemps, ne pouvaient pas sortir de leur pays : oui, cela a beaucoup compté dans mon itinéraire et dans ma relation avec les mots et les langues étrangères aussi. »
C’est ainsi que, dès l’enfance, elle se passionne pour la lecture. Aujourd’hui encore, les titres de son enfance sont gravés en sa mémoire : « Caroline », « Isabelle et les géants », et « Bouzou » son livre de lecture de CP. Tous ont participé à développer une inclination pour la littérature qui ne fera que s’accroître avec le temps. À l’adolescence, l’écriture prendra le pas ; elle exercera son style au travers de courts textes et d’un journal intime. L’âge adulte ne la séparera pas de sa passion : après des études de langue, elle deviendra conservatrice de bibliothèque. Elle dirigera ainsi des réseaux de lecture publique à Rouen, au Havre, ainsi que des établissements départementaux dans la Marne et la Seine-Maritime. Un métier qui correspond à son goût pour la littérature, mais également à sa conviction profonde : l’accès au savoir et aux arts est essentiel à la démocratie.
À ce titre, elle porte un regarde bienveillant sur la démarche « Facile à lire » : « Je trouve la démarche Facile à lire très intéressante, bienvenue : il s’agit de prendre en compte des publics d’âges divers qui, pour toutes sortes de raisons, peuvent rencontrer des difficultés de lecture, mais peuvent apprécier textes et histoires à condition qu’ils soient accessibles. Proposer des sélections de livres allant dans ce sens, les mettre en valeur, faciliter le chemin vers ces livres est vraiment utile : c’est une question de prise en compte de ces lecteurs et donc de démocratie culturelle. »
Une mission d’une importance particulière que le réseau Facile à lire en Bretagne a bien l’intention de poursuivre dans les années à venir. À suivre…