Jusqu’au 30 décembre 2021, la ville de Bécherel accueille les œuvres du photographe Freddy Rapin. Réalisés dans le cadre de la randonnée artistique du PAYS, diptyques et portraits s’affichent et créent une balade urbaine au coeur de la cité du livre : Portraits du paysage ou comment ramener de la nature dans la ville ?
À Bécherel, des photographies grand format habillent depuis quelques semaines l’architecture de la cité du livre, et ce jusqu’au 30 décembre 2021. La nouvelle exposition en plein air, Portraits de paysages, rassemble diptyques et portraits du photographe Freddy Rapin, réalisés à l’occasion de la randonnée artistique du PAYS, en juin dernier.
Le photographe bécherellais Freddy Rapin, également éditeur de cartes postales, est un amoureux de la photographie, des mots et des histoires. Son histoire avec le medium photographique, découvert un peu par hasard, a commencé sur les bancs de l’université Rennes 2 où il étudiait l’art. L’étudiant qu’il était ressort chamboulé d’un cours où a été diffusé le film documentaire I’ll be your mirror de la photographe américaine Nan Goldin. « Je suis sorti en me disant » je veux être photographe « », se remémore le photographe. Il achète un appareil photo dans la foulée et depuis, il ne s’est jamais arrêté. « Nan Goldin a traversé beaucoup de difficultés dans sa vie. À un moment, elle va croire que, peut-être, photographier peut empêcher les gens proches d’elle de mourir. » Cette naïveté de croire que la photographie permet de garder les personnes en vie l’a profondément touché, comprenant l’espoir, quelque part, de l’Américaine qui se rattachait à ce fantasme. « Le documentaire est très poignant. On en arrive à la conclusion que, non seulement la photographie n’empêche pas les gens de mourir, mais en plus, elle est une trace pérenne qui permet de voir ce qu’on a perdu… »
Peut-être est-ce l’impact qu’a eu ce documentaire sur le photographe, mais la présence de l’humain est naturellement devenue primordiale dans sa pratique. « J’aime photographier la nature et les paysages, mais j’ai besoin de rencontrer l’humain dans mon image. » Au début, il ne photographiait que son cercle de proches, avant de partir vers l’inconnu. À sa rencontre justement.
Le projet de la randonnée artistique du PAYS est un parfait exemple de la sensibilité artistique, et humaine, de Freddy.
Pensé par le metteur en scène et plasticien Simon Gauchet, en partenariat avec l’École Parallèle Imaginaire, la Maison du Livre et le théâtre-paysage de Bécherel, une équipe de sept artistes, paysagistes et agronomes a travaillé à la mise en place d’une randonnée artistique dans le massif granitique du Pays de Bécherel, qui traverse les communes de Bécherel, Cardroc, Les Iffs, Longaulnay, Miniac-sous-Bécherel, Plouasne et Saint-Pern.
Le photographe a été invité à rejoindre l’aventure afin d’immortaliser les visages et paysages de ce sentier qu’une centaine de marcheurs ont arpenté le 5 et 6 juin dernier. Se déroulant sur deux jours, les deux circuits, de 15 km chacun, étaient ponctués de propositions artistiques et théâtrales. « Il y avait cette idée de faire marcher un peuple, de s’intéresser à tout le folklore qui pouvait exister dans le passé, aux rites dans les fêtes traditionnelles. » Durant un week-end, les participants et participantes étaient ainsi invité.e.s à se reconnecter à la nature, « à recréer un paysage », dans une expérience autant culturelle qu’humaine. « Le but était aussi de savoir comment on se nourrit dans ce paysage, quelle plante manger, comment s’habiller. »
« Je voulais aller plus loin qu’une photographie de reportage, simple témoin de ce qu’il s’est passé. J’ai voulu trouver une autre écriture pour aller plus loin », tout en prenant assez de recul afin que le spectateur ne connaissant pas le projet puisse comprendre et se raconter une histoire. Son choix s’est alors naturellement porté sur des diptyques, un format qu’il affectionne particulièrement, son premier datant de 2009. « À partir du moment où on associe deux images, on crée une histoire. Mais celle que je me raconte n’es pas forcément la même que celle que le public se racontera. C’est la magie de cette association. »
Et cet amoureux des mots n’a résisté à l’envie de les intégrer à son projet. « Bécherel est référencé » Cité du livre « , les marcheurs étaient invités à laisser des morceaux de textes et à écrire durant la randonnée ». Voulant conserver ce lien avec le texte, les mots viennent dialoguer avec les images, « comme une troisième image », pour s’aventurer dans un terrain plus poétique, et moins figuratif. « On dit souvent qu’une photographie est bonne si elle ne dévoile pas tout dès la première seconde. C’est toujours intéressant quand une photo raconte une histoire, mais qui peut aussi laisser la porte ouverte à l’interprétation. » Disséminant plusieurs traces et plusieurs interprétations possibles, Freddy laisse libre court à l’imagination du regardeur.
En plus de photographier les deux jours de marche, un atelier photographique a été imaginé le samedi soir afin de réaliser les portraits des personnes participantes. « Nous avions imaginé une récolte de végétaux pour faire des parures ou pour s’habiller. »
Éclairage chaud et fond neutre noir, Freddy immortalise marcheurs et marcheuses en toute simplicité afin de mettre la lumière sur les parures végétales confectionnées par leurs soins. « En termes de traitement graphique, j’aimais l’idée que l’on puisse évoquer la notion de peinture. » Aux côtés des instants figés de la randonnée artistique, des portraits solennels se dressent ainsi dans la ville. « Les personnes devant un objectif sont généralement mal à l’aise. Ils demandent toujours comment se tenir. Je voulais les faire sortir de ce schéma donc je leur ai tout simplement dit de s’imaginer l’image qu’il voulait laisser si une personne tombait sur celle-ci dans 150 ans. »
Le contraste entre les tenues modernes et les parures végétales donnent une nouvelle dimension à la photographie, celle du retour à la nature recherché dans la randonnée artistique. Certains portent des parures d’apparat semblables aux accessoires cérémoniels d’aborigènes, et d’autres des créations plus délicates, d’une grande finesse.
Au total, 15 diptyques (1,20 x 2,76 m) et 32 affiches (1,20 x 1,76 m) tendent à ramener le paysage dans la ville dans une échelle proche de l’échelle 1, l’échelle humaine, dans le but de créer une proximité avec le public. « Le spectateur peut presque dialoguer avec le portrait. J’aime cette possibilité de relation entre les personnes proposées sur les images et le spectateur. »
Alternant lieux fréquentés et endroits plus isolés, Freddy propose une nouvelle cartographie de Bécherel. Un parcours insoupçonné qui ravive les souvenirs de ce rituel contemporain qu’a été la randonnée artistique, à chaque nouvelle découverte photographique. « On a essayé de trouver des petits coins où l’on peut s’isoler. La notion d’intimité est importante pour moi », confie-t-il. « J’ai par exemple demandé l’autorisation de publier aux personnes présentes sur les photographies. Si la personne ne s’aime pas sur la photo, elle n’est pas réussie pour moi. »
Le Pays Studio, Ariane, Freddy Rapin Le Pays Studio, Claire, Freddy Rapin.
Du 6 juillet au 30 décembre 2021, Parcours-expo photographique dans les rues de Bécherel, Portraits du paysage de Freddy Rapin.
Se rendre à Bécherel en bus :
> Départ de Rennes : avec le réseau STAR (Rennes Métropole) : des bus circulent du lundi au dimanche au départ de Rennes-Villejean Université. Pour consulter les horaires et les tarifs : ligne 82
> Départ de Dinard / Dinan vers Rennes avec le réseau BreizhGo (Ille-et-Vilaine) : ligne 7