« L ‘Anarchie, plus Trois. » Entretien avec Jacques de Guillebon et Falk van Gaver, auteurs de L’anarchisme chrétien. 3e partie.
Comment expliquez-vous que les appareils de direction socialiste, communiste et anarchiste soient dirigés très largement par des athées souvent antireligieux ? Et pourquoi leurs dirigeants se sont-ils efforcés depuis la Seconde Guerre mondiale de faire oublier l’origine chrétienne qui présidait à la pensée sociale ?


Oui, il faut le rappeler, la pensée sociale est d’origine chrétienne ! Ce sont ces centaines, ces milliers de chrétiens sociaux, dont Frédéric Ozanam est un exemple éminent mais loin d’être solitaire, qui ont, loin de l’étatisme, de l’industrialisme et du libéralisme, forgé une véritable doctrine sociale fondée avant tout sur une pratique sociale directe. Le christianisme, inspiré par de grands principes, est selon la logique du réalisme de l’Incarnation d’un grand pragmatisme dans leur application (ce que l’on peut nommer l’inculturation) : ce pragmatisme n’est pas une compromission ni un oubli des principes mais le réalisme de leur application. C’est cette pensée sociale, cette pratique sociale, étayée, appuyée par l’enseignement des papes depuis Léon XIII jusque Benoît XVI, qui dès le XIXe siècle obtient des réalisations concrètes en faveur des ouvriers, des pauvres, des femmes, des enfants broyés par la société industrielle.
Si les dirigeants socialistes, communistes, anarchistes ont voulu faire oublier que la pensée sociale était d’origine chrétienne, c’est pour lutter contre leur grande et unique rivale sur ce terrain-là : l’Église. C’est aussi que, prisonniers comme leurs jumeaux inversés libéraux de l’idéologie des Lumières, ils ont fait de l’évacuation de la transcendance – divine, ontologique, métaphysique, philosophique – le prélude nécessaire à l’émancipation de l’humanité.
Propos recueillis par Nicolas Roberti
