Rencontrer Geneviève de Fontenay, c’est être vengé de tous les rendez-vous ennuyeux. Nous avions pris date dans un bar du XVIe arrondissement de Paris. Au moment de lui offrir mes fleurs, je me suis senti penaud, soudain conscient qu’elle avait dû recevoir mille bouquets plus jolis que le mien. Mes quelques roses ont malgré tout semblé la ravir. J’ai découvert une femme élégante, courtoise, bienveillante, qui n’hésite pas à poser avec les balayeurs de rue lorsqu’ils le lui demandent, une femme d’assurance, explosive dans ses convictions, une femme en blanc et noir parce qu’elle ne vit pas entre gris clair et gris foncé. Une femme sans compromis.
Jérôme Enez-Vriad : Vous bénéficiez d’une popularité intergénérationnelle, mais plus on monte dans l’échelle sociale et plus on ressent un certain mépris à l’égard de votre personnage. Comment l’expliquez-vous et qu’avez-vous à dire à ceux qui vous regardent de haut ?
Geneviève de Fontenay : Je ne le vis pas ainsi. Tout le monde est toujours charmant avec moi. C’est vrai, on m’accoste davantage dans les milieux populaires parce que le rapport éducatif est différent. Mais je suis toujours très bien reçue partout. Je signe d’ailleurs autant d’autographes dans les quartiers populaires que Porte de Saint-Cloud.
La dernière fois, c’était où ?
Il y a quelques jours, dans le TGV. Les femmes de ménage m’ont demandé de poser avec elles entre les seaux et les balais. J’y ai pris autant de plaisir qu’à discuter avec vous.
Si l’on voulait caricaturer la liberté de la femme aujourd’hui, on pourrait dire qu’elle se situe entre le topless sur plage et le voile musulman. Lequel de ces deux extrêmes vous choque le plus ?
Ce qui me choque, ce sont les femmes qui salissent la féminité. Les Zahia, les Nabila et bien d’autres. Sous couvert de glamour, elles surfent sur des modes outrancières et font rêver dans le mauvais sens. Aujourd’hui, certaines petites filles disent que, plus tard, elles veulent être des Zahia ou des Nabila. Imaginez qu’à leur âge votre mère ait pris pour modèle une couverture de Playboy ! Et puis tous ces publicitaires qui, pour vendre des parfums, allongent une femme nue sur un lit alors que l’homme qui s’en écarte se rhabille. La liberté de la femme est dans le refus de normaliser ces images.
Mais la liberté de la femme ne devrait-elle pas être un va sans dire ?
Bien sûr, à condition qu’une femme libre cela soit Louise Michel, Simone Veil ou Françoise Sagan,mais pas quelqu’un qui ouvre les cuisses, ni même le laisse croire.
1944 fut l’année du droit de vote des femmes ; 1967 celle de la mise en vente de la pilule ; la loi Veil sur l’avortement date de 1974… Vous avez la chance d’avoir connu toutes les dates charnières de l’émancipation féminine. Comment la femme que vous êtes a ressenti ces basculements successifs ?
Toutes ces dates sont l’échelonnage administratif de libertés acquises trop tard. Les Suédoises ont obtenu le droit de vote au XVIIIe siècle, les Françaises au milieu du XXe : il n’y a pas de quoi être fier ! Je suis l’ainée d’une famille de 10 enfants dont l’un des maîtres à penser était Mendes France. Il dirigeait le Parti Radical au sein duquel les femmes avaient déjà des responsabilités à la fin des années 50. Dans ma famille, l’idée de la femme a toujours été celle d’un esprit libre dans un corps libre. Je vais peut-être vous surprendre, mais je ne suis pas contre la prostitution si elle est exercée sans contrainte. Raison pour laquelle je ne suis pas pour la verbalisation des clients. À croire que le gouvernement n’a pas mieux à faire. C’est comme le mariage pour tous…
Précisément, que deux femmes puissent désormais se marier, est-ce une émancipation supplémentaire ?
Ah non ! La loi Taubira est un « hold-up » sur le mot « mariage » entre personnes de même sexe. Je cautionne l’expression « contre nature » d’Alain Delon sur ce sujet, même si elle est plus maladroite qu’accusatrice. Que tout le monde ait les mêmes droits, c’est une chose. Mais les lois de la nature sont ce qu’elles sont, nous venons tous du ventre d’une femme et de sa relation avec un homme. Ce n’est pas être homophobe que de penser ni même dire cela. C’est un état de fait auquel adhère l’essentiel des Français.
Malgré vos propos, vous êtes pourtant très appréciée par la communauté homosexuelle ?
Pourquoi malgré ? Oui, c’est vrai, j’ai beaucoup d’amis homosexuels. D’ailleurs, ils sont très peu à avoir revendiqué cette loi et les autres s’en moquent totalement. Au final, vous verrez, ils ne seront pas bien nombreux à se marier, comme moi qui suis veuve depuis plus de 30 ans sans n’être jamais passée devant monsieur le maire.
Les femmes ne sont-elles pas devenues leur propre ennemie à lutter pour des causes insignifiantes, comme la féminisation de certains mots, alors qu’elles peuvent prétendre à d’autres combats plus essentiels ?
Je suis pour la féminisation des fonctions et des titres.
Certaines fonctions ne s’y prêtent guère. Pompier/pompière, ce n’est pas très heureux. Et puis que fait-on avec une femme cafetier ?
Ce n’est qu’une question d’habitude. Peut-être faudra-t-il trouver des équivalences. Après tout, on a bien masculinisé sage-femme par obstétricien.
Les féministes reprochent aux concours de miss d’assujettir l’image de la femme à l’admiration des hommes, mais ces concours sont aussi le signe d’une démocratie en bonne santé, car là où la femme a toute liberté d’exister la démocratie semble moins menacée. Comment expliquez-vous cette opposition ?
Parce que ce sont les hommes qui maltraitent la démocratie. Il faut davantage de femmes aux postes-clefs. En France et ailleurs. La femme engage des actions auxquelles l’homme ne pense même pas. Voyez l’interdiction des concours de mini-miss qui vient d’être signifiée par le gouvernement, c’est le fruit du remarquable travail de Chantal Jouanno. Il faut aussi en finir avec les attributs masculins du pouvoir, comme le défilé du 14 juillet qui est un défilé d’hommes, par et pour les hommes ; en finir avec tout ce qui se rapporte à la guerre : militaires, armes, munitions ; il faut honorer la paix, faire défiler des civils qui œuvrent pour, les grandes écoles, les instituts de recherches, et davantage de femmes. Aucun homme ne proposera de réformer ainsi le défilé du 14 juillet, ce sera l’œuvre d’une femme, car elles donnent la vie et sont moins enclines à la retirer. Et puis finissons en avec la Ve république construite par un homme, un grand homme, mais le Général de Gaulle l’a pensée pour lui et personne d’autre. Passons à la VIe où les femmes auront enfin la place qu’elles méritent. Où elles ne seront pas évincées du gouvernement comme cette pauvre Delphine Batho qui n’aurait jamais été remerciée si elle avait eu une bosse au creux du pantalon.
Dans votre chronique quotidienne sur MFM, vous évoquez les travers et les ridicules de notre société en prenant l’actualité pour exemple. C’est souvent drôle et fort à propos, mais il vous arrive aussi d’aller très loin en citant des noms. Quelles sont les limites de vos coups de nerfs ?
Le respect d’autrui. Et s’il m’arrive d’en égratigner certains, c’est uniquement à travers des vérités que le grand public connaît. Je choisis moi-même mes sujets et ils sont diffusés sans montage. Lorsque j’évoque certaines ministres qui arrivent en jean ou fagotées n’importe comment à l’Élysée, c’est parce qu’elles devraient montrer l’exemple, ça fait partie de leur fonction. On ne leur demande pas d’avoir du charisme, mais d’accorder un minimum image et responsabilité. Sinon comment voulez-vous convaincre les jeunes filles d’avoir une tenue adéquate au collège ?
Aucune femme du gouvernent Ayrault n’a donc grâce à vos yeux ?
Pour ce qui est de l’élégance vestimentaire, non. Sauf Najat Vallaud-Belkacem et Fleur Pellerin. Mais dans ce domaine, aucune ministre française n’arrive au niveau d’Angela Merkel ! Qu’elle s’habille chez un couturier allemand est tout à fait compréhensible, il faudrait seulement choisir le bon. Karl Lagerfeld, par exemple, concilierait talent et nationalité. Seulement, peut-être n’a-t-il pas envie de relooker Madame Merkel !
Y a-t-il une mode ou un tic social qui vous insupporte ?
Le laisser-aller est inadmissible. Par exemple, cette habitude chez les hommes d’avoir le col de chemise ouvert… Il faudrait leur dire que c’est laid. Vous, vous avez la peau tendue comme un tambour, mais certains hommes ne se rendent pas compte que passé un âge, seul un col bien serré masque l’effet « cou de poulet ». Il faut savoir se regarder dans un miroir autrement qu’avec une admiration béate. Pourquoi croyez-vous que je porte un foulard ? Et puis l’appauvrissement du langage est insupportable. Le vocabulaire se réduit comme peau de chagrin… Mais c’est un autre sujet.
Nous arrivons à la fin de la conversation. Je vous propose d’inverser les rôles le temps d’une question.
Pourquoi, vous si jeune, vous intéressez-vous à moi qui doit être à mille lieues de votre univers ?
(Parce que j’avais envie de vous envisager sous un angle différent de celui des intervieweurs habituels.)
Le dernier livre que vous ayez lu et dont vous aimeriez faire partager la découverte ?
Je lis la presse. J’essaie de me tenir au courant de l’actualité. Voyez-vous, moi qui suis une femme de gauche, le seul journal à avoir eu la gentillesse de m’offrir un abonnement, c’est Le Figaro dans lequel je trouve toujours des choses passionnantes. Comme quoi.
Me permettez-vous de vous appeler Geneviève ?
Bien sûr, Jérôme. Tout le monde m’appelle Geneviève.
Si vous aviez le dernier mot, Geneviève ?
Amen.
Geneviève m’embrasse. Elle s’installe au volant d’une Space Star spécialement customisée à ses couleurs par Mitsubishi. La portière claque puis elle s’engage porte de Saint-Cloud avant de se fondre dans la circulation. Reste un léger effluve emporté par le vent… Joy, de Jean Patou. Le parfum aux mille roses. Mon bouquet n’en tenait que vingt.
# # #
Les 2 minutes de Geneviève dans le réveil matin de MFM radio – 08h45 du lundi au vendredi
Élection de Miss Prestige Nationale le 12 janvier 2014 au Lido de Paris – Sur réservation