Green Lads faisait paraître son troisième album, Nebula, le 31 mars 2023 sur le label Viagramophone. Le groupe rennais poursuit avec ardeur son travail de composition électroacoustique d’une musique irlandaise revisitée par les musiques actuelles. Nostalgie et joie de vivre s’y rencontrent dans une danse effrénée. Rencontre avec les membres du groupe.
Avec Nebula, le groupe Green Lads vous invite à voyager dans sa constellation celtique. Au chant guilleret des violons, flûte, guitare et cornemuse irlandaise répond le martèlement des claquettes. Le traitement électronique prend ensuite le relais pour mener l’acoustique là où il ne pouvait s’aventurer et amplifier la transe des danseurs et danseuses.
Green Lads est un groupe rennais lancé en 2018. À l’époque, le musicien Antoine Rozé souhaite prolonger son projet Aroze, qui mêlait déjà musique électronique et d’autres esthétiques, dont les musiques celtiques. « Je voulais un projet où il n’y aurait que de la musique celtique et avec plus de musiciens sur scène », confie-t-il. Le violoniste découvre alors les sessions de musique irlandaise au bar La Cité d’Ys, et y fait la rencontre de Félix, violoniste également. Green Lads se forme d’abord en tant que duo et sort un premier EP de reprises du répertoire irlandais.
En 2019, le duo devient trio en conviant un flûtiste et fait paraître ses premières compositions originales dans un nouvel EP. Ces deux EP formeront en 2020 le premier album de Green Lads, Origins, le groupe comptant désormais un guitariste et un danseur de claquettes. Après un nouvel album, Celtitude, en 2021, et un EP en 2022, le groupe change encore de membres pour arriver à sa formule actuelle. Le quintet se compose d’Antoine Rozé et de Fernanda Kostchak au violon et chant, d’Antoine Morin à la flûte, de Neven Sebille Kernaudour à la guitare et au uilleann pipes (cornemuse irlandaise) et de Mary O’Neg aux claquettes.
Âgés de 25 à 42 ans, les membres de Green Lads sont assez représentatifs de l’évolution moderne des musiques celtiques. Chacun et chacune ont des expériences différentes par rapport à elles, d’Antoine Rozé qui les a pleinement découvertes sur le tard à Neven Sebille Kernaudour qui sonne la bombarde et le uilleann pipes depuis l’adolescence et qui a étudié les musiques celtiques à l’université en Irlande. Tous se sont plongés dans cette musique pour la joie de vivre qu’elle dégage, démontant le cliché selon lequel la musique traditionnelle ne serait aujourd’hui écoutée et jouée que par les têtes blanches. « Il y a plein de jeunes qui en font, de la musique bretonne comme irlandaise. Des gens qui ont 20 ans et qui assurent en fest-noz, qui font du rock breton, du rap breton ou du trad », témoigne Antoine Morin. « En Irlande, ce n’est pas réservé à un public âgé. Chaque année, il y a de nouveaux étudiants et des musiciens du monde entier qui viennent pour la musique et qui la perpétuent », ajoute Neven Sebille Kernaudour.
Et en effet, les musiques traditionnelles se perpétuent, en partie par leur renouvellement. Après le rap armoricain de Manau à la fin des années 1990, le groupe Fleuves, comme bien d’autres, mêle l’électronique à la musique bretonne. Les Lyonnais de Super Parquet offrent une vision expérimentale de la musique auvergnate. Du côté des musiques irlandaises, les artistes y mêlant les musiques électroniques peinent encore à émerger selon Antoine Rozé qui cite tout de même le groupe italien The Sidh. On peut également évoquer le groupe breton Tekmao qui convoque les références irlandaises dans son dernier EP, The Drunken Rebelioñs.
Avec sa formule électroacoustique, le groupe Green Lads se pose en trait d’union entre musiques traditionnelles et actuelles. « Ce qui est intéressant à la base dans la musique trad, c’est le style de jeu. C’est pour ça que les musiciens se permettent de jouer des airs déjà joués par d’autres avant eux. Dans nos compositions, on garde les mêmes rythmiques et dynamiques », explique Neven Sebille Kernaudour. « La caractéristique la plus notable qu’on reprend de la codification trad, c’est le fait d’avoir un thème à deux phrases », ajoute Antoine Rozé. Mais contrairement à la structure trad la plus commune avec trois thèmes, les morceaux de Green Lads se contentent d’un seul thème. « Il y a une structure couplets, refrains qui vient plus des musiques actuelles », précise le violoniste.
Quant à la partie électronique, elle est davantage un soutien aux instruments acoustiques. « Chez nous, le terme électronique renvoie plus à l’utilisation de l’ordinateur et de logiciels pour trafiquer le son des instruments acoustiques et créer quelque chose qui ne serait pas possible sinon. Mais l’idée est d’avoir un son le plus acoustique possible. On a plein de morceaux qui utilisent de l’électronique sans qu’on l’entende », détaille Antoine. « On se sert aussi de l’électronique pour créer des ambiances qu’on ne pourrait pas faire avec des instruments, ou pour les transitions entre les morceaux dans notre live », complète Mary O’Neg.
Si la recette ne plaît pas forcément aux plus puristes — « il y a des intégristes partout », déplore Antoine Morin —, nombre d’organisateurs d’événements de musique traditionnelle sont ravis de trouver ces ponts avec la musique actuelle qui peuvent compléter et renouveler des offres existantes tout en attirant un autre public. L’agence de booking de Green Lads, Rage Tour, a d’ailleurs récemment lancé une branche celtique, Keltik Live, pour diffuser ces groupes aux noms tous plus irlandais les uns que les autres.
La formule de Green Lads, travaillée et renforcée au fil des années et des formations du groupe aboutit aujourd’hui à un splendide album de dix titres, Nebula. Alors que les précédents opus étaient principalement composés par Antoine Rozé, ici la composition se fait collective et avec le souci de répartir équitablement les instruments et leur place respective dans chaque morceau. « Il y a un morceau qui commence avec les claquettes, un autre avec le uilleann pipes, un avec la guitare, un avec du chant, un avec le violon », énumère Antoine Rozé. De cette façon, dans Nebula la palette de sonorités irlandaises forme les couleurs d’un joyeux arc-en-ciel au pied duquel se trouve le trésor des Green Lads.
Un trésor verdoyant à découvrir bientôt en concert ! Les Green Lads ont pu bénéficier de trois résidences d’une semaine (au Cabaret La Sirène à Barbe à Dieppe, à la Salle des concerts au Mans et à la MJC Bréquigny à Rennes) pour créer un live inédit et immersif. À la musique se mêlent les jeux de lumière millimétrés et les chorégraphies pour vous embarquer à bord du vaisseau Green Lads dans un voyage à travers Nebula. Sans oublier, bien sûr, les iconiques costumes verts irlandais.