Le groupe toulousain La Polvadera revisite le répertoire de la musique traditionnelle du Golfe du Mexique et de la région de Veracruz. Les cinq musiciens étaient à Rennes ce week-end : invités du café-librairie La Cour des Miracles vendredi puis de la MJC Bréquigny samedi pour fêter… le Dia de Muertos. A travers cette tradition mexicaine, leur formation a fait découvrir aux Rennais un folklore baroque et nostalgique.
La formation internationale est arrivée dans la soirée, de Toulouse, fatiguée, mais enthousiaste. À l’étage de la Cour des Miracles, dans un cadre intimiste, les musiciens s’installent et saisissent de drôles d’instruments. Violeta, musicienne mexicaine, introduit les chansons. La Polvadera tire son nom de la poussière qui s’élève du sol lors des danses populaires. D’emblée, la musique semble ravir la petite assemblée : quatre instruments à corde, accompagnée d’une percussion étrange, entonnent El Siquisiri, un son jarocho. Charlotte, aux percussions, explique ce sur quoi elle joue, un quijadas, instrument façonné à partir d’une mâchoire d’âne.
Le son jarocho est un tempo pratiqué dans la région de Veracruz, au Mexique. Ces fêtes duraient toute la nuit et réunissaient jusqu’à cinquante personnes, danseurs et musiciens. Tous se tenaient autour de la tarima, planche de bois sur laquelle les femmes, principalement, dansaient sur le rythme du zapateado. Violeta explique à l’assemblée que ces chansons pouvaient servir à déclamer son amour, raconter l’histoire cachée du Mexique ou chasser le diable. La musique est basée sur une structure principale à partir de laquelle les participants improvisent des coplas, des vers ou des pas de danse.
Des contes introduisent les chansons. Le groupe entonne un pantenera, un palo de flamenco (un chant). Car le son jarocho est un tempo basé sur le syncrétisme. Né dans le conflit, lors de la colonisation espagnole du Mexique, ce style s’est développé par la suite en alliant la musique des colons et des influences afro-cubaines. La Polvadera investit des musiques comme le fandango, issu de la tradition ibérique, ou encore le forró, d’origine brésilienne.
Pour Maxime, l’un des musiciens du groupe, ce mélange est constitutif du son jaracho. Selon lui, même empruntée au pays colonisateur, cette musique a gardé un double sens, une ironie, la culture souterraine et indigène du Mexique. Influencé par le flamenco espagnol, le son jaracho a produit à son tour des influences sur la musique européenne. « Véritable patrimoine d’une culture afromeztiza », ce répertoire demande à être redécouvert et brassé. La Polvadera croise cette musique avec des influences françaises et occitanes. « On retrouve des similitudes, involontairement, entre les cultures, par exemple entre l’occitan, sa déclamation, et la culture mexicaine », nous dit Maxime.
Chaque mardi, le groupe organise à Toulouse des ateliers pour recréer l’atmosphère festive et collective du son jarocho. Il s’engage aussi à respecter ce patrimoine musical, en utilisant des instruments anciens. Le requinto¸ la jarana et la leona produisent des sons profonds, lointains, très rythmés. Ils se produiront en décembre 2015 au Festivalgérie, rencontre des musiques anciennes dans la capitale algérienne. Formation ouverte, multiculturelle, La Polvadera entretient une mémoire.
La MJC Bréquigny a d’ailleurs invité les musiciens dans le cadre de son événement Dia de Muertos. Alors que les fêtes d’Halloween se multiplient à la veille de la Toussaint, découvrir une autre festivité liée à cette période peut sembler intéressant. La Fête des Morts, d’origine mexicaine, conserve un caractère festif, baroque, mais aussi mélancolique. La Polvadera, par la lointaine voix qu’elle fait renaître, à la fois dans la joie et la tristesse, s’inscrit pleinement dans ce mouvement.
Site de La Polvadera