Le Guide de la Bretagne mystérieuse de Gwenc’hlan Le Scouëzec ne ressemble guère aux cicérones touristiques actuels : l’ouvrage pèse un peu plus lourd et s’avère parfois daté. L’histoire et l’originalité pourtant ne se démodent jamais. Pour les amateurs de légendes et de vieux sentiers, ce guide phare de Gwenc’hlan Le Scouëzec reste pourtant un appréciable allié.
Bientôt, l’été et les congés. Quoi de mieux qu’un guide pour tracer l’itinéraire de ses pérégrinations estivales ? Bonne idée de la part de Coop Breizh de rééditer à nouveau le Guide de la Bretagne mystérieuse de Gwenc’hlan Le Souëzec. Publié à l’origine en 1966, l’ouvrage a rencontré un franc succès. Depuis lors les rééditions se poursuivent à un rythme régulier et ce singulier guide est devenu une sorte de référence, un best-seller dans son genre. Mais quel est ce genre ?
Nulle bonne adresse de restaurant, aucun renseignement sur un gite charmant et insolite dans les Monts d’Arrée… Légendes historiques, spiritualisme et régionalisme sont par contre au rendez-vous. Les belles illustrations photographiques les plus « récentes », en noir et blanc, sont l’œuvre de Jean-Robert Masson, éditeur et photographe, né en 1930, qui fut l’ami de l’auteur Gwenc’hlan Le Scouëzec.
Pour une meilleure compréhension de ce qu’est ce guide, à l’usage de ceux qui l’ignorent, il convient de se pencher sur l’histoire personnelle de l’auteur.
Né Heol Loïc Gwennglan Le Scouëzec le 11 novembre 1929 à Plouescat, Gwenc’hlan Le Scouëzec est le fils de l’immense peintre Maurice Le Scouëzec (1880-1940). Suivant son pérégrin de père il apprend à marcher à Madagascar, puis passe son enfance entre Paris, Landivisiau, Douarnenez, Quimper, Tours. Il commence a étudier l’histoire à la Sorbonne puis c’est le service militaire en 1951-1953 qu’il effectue comme officier de réserve à la Légion étrangère à Sidi bel Abbès et à Daya en Algérie. Il enseigne ensuite le français en Crète et à Athènes de 1953 à 1957 avant d’être rappelé au 5e régiment étranger en 1957-1958. Après son service, il est professeur à l’Institut français d’Athènes. Revenu en France, il enseignera à Saint-Didier-en-Velay et à Versailles avant d’entamer, en 1960 des études de médecine. Après l’obtention de son diplôme, cet ancien du mouvement scout breton Bleimor, indéfectiblement attaché à la Bretagne, s’installera à Quimper en 1969 comme médecin allergologue. Activité qu’il quittera en 1985 pour créer les éditions Beltan et s’installer comme libraire et galeriste à Brasparts où il décédera en 2008.
Gwenc’hlan Le Scouëzec aura eu sa vie durant la Bretagne chevillée au corps. Ses talents de plume, il les mettra principalement au service de deux causes, la mémoire de Maurice Le Scouëzec, son artiste de père (auquel il consacrera plusieurs livres qu’il éditera également) et la tradition bretonne, en particulier à travers son engagement dans le néo-druidisme. Dès 1979, il est élu Grand-Druide adjoint de la Gorsedd de Bretagne. Le 1er novembre 1980, il en devient premier Grand-Druide ; c’est à sa demande que cette assemblée, un brin folklorique (fondée en 1900 à Guingamp, qui compta et compte parmi ses membres des artistes et scientifiques conséquents tels Yann-Ber Calloc’h, Émile Ernault, Francis Gourvil, Loeiz Herrieu, François Vallée, Gilles Servat… ) ajoutera à son titre l’appellation de Fraternité des druides, bardes et ovates de Bretagne.
Militant socialiste de longue date, scientifique et médecin, Gwenc’hlan Le Scouëzec n’a jamais pour autant rejeté l’aspect spirituel de la vie, bien au contraire. Son approche, plus philosophique que religieuse, l’a toutefois mené vers une vision assez naturaliste et panthéiste de la spiritualité. Respectueux de l’histoire la plus longue, ses interprétations symboliques tendent malgré tout, malheureusement, vers des interprétations unilatérales qui sont aujourd’hui battues en brèches par les meilleurs spécialistes des religions anciennes, en particulier celtiques. Tributaire d’un courant celtomane et occultiste datant du XIXe siècle, l’approche de l’histoire et du légendaire de Bretagne de Gwenc’hlan Le Scouëzec n’en demeure pas moins surprenante et enrichissante, tout autant que sa prose.
Le Guide de la Bretagne mystérieuse est un ouvrage à posséder. Sans doute plutôt pour un voyage en chambre par temps gris que pour réellement se caler des visites originales sur des sites peu connus. Désormais, Google Maps a remplacé les guides autant que les bardes, mais une écriture sincère, amoureuse, ornementée d’anecdotes savoureuses et ésotériques promptes à vous faire basculer vers des terres imaginaires inexplorées aucun GPS ne vous la fournira. Peut-être à l’avenir pourrions-nous souhaiter une nouvelle édition sans les désuets repères des Cartes Michelins ou bien agrémentée de photographies plus actuelles, de meilleure qualité… Fontaines sacrées, croix envoûtées, menhirs de fécondités, calvaires protecteurs ou lavoirs enchantés le mériteraient bien. Tout nouvel amoureux de la Bretagne, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs, se doit de posséder ce guide, ce véritable « précis » des mystères de Bretagne. Somme toute, un dictionnaire réaliste magique de la mémoire antique de ces lieux propices aux rêveries qui enseignent bien mieux que n’importe quelle signalisation.