Quelques années après avoir conquis de nombreux noctambules Rennais avec leur coldwave teintée cynisme, le groupe Gwendoline a sorti le 1er mars 2024 un attendu second album C’est à moi ça, accompagné d’une tournée en France. Unidivers s’est entretenu avec le duo à l’occasion d’un passage à Rennes pour roder leur live avec leurs premières dates. Au comptoir, bien sûr.
Le “son” Gwendoline, c’est quoi ? « Des morceaux qui font danser et des refrains qu’on peut gueuler », résume Pierre Barrett derrière un sourire modeste. C’est pourtant plus que ça. Sur une esthétique musicale cold-wave fédératrice, les deux compères de Gwendoline – Pierre Barrett et Mickaël Olivett se sont fait connaitre en enfilant les punch-line incendiaires mi-chantées mi-parlées, enrobées dans un humour mordant. Ces premiers titres, enregistrés à Rennes durant une courte période, ont apporté une vraie reconnaissance au groupe.
Dès leurs premiers morceaux, le duo affiche la couleur : ils n’aiment pas, pèle-mêle, « les cons à la télévision (…) la belle bande de tocards qui sort de l’hôtel Balthazar,(…) les cons du Kenland, “la concierge du premier” »… et ils affirment haut et fort qu’ils « en ont rien à foutre ». Ce cocktail efficace et sans compromis donne naissance à quelques pépites (« Audi RTT », « Chevalier Ricard ») véritables hymnes de soirées et de lendemains qui (dé)chantent pour une toute une génération (désenchantée, bien sûr).
Pourtant, Pierre et Micka restent humbles : « on a eu du bol », sourit Mickaël. Pierre va même un peu plus loin : « le syndrome de l’imposteur, on l’aura toujours, mais on a réussi à prendre du recul et à accepter que des gens aiment ce qu’on fait ».
« C’est l’ADN de ce projet d’être dans une bulle hors de temps »
Après une série de concerts réussis, vient le temps de s’atteler au deuxième album : un exercice toujours périlleux pour un groupe qui a connu le succès dès son premier opus. Pour Gwendoline, les écueils étaient nombreux, le premier étant déjà de dépasser un paradoxe bien analysé par Mickaël : « si on a été remarqués, c’est parce qu’on avait l’audace d’avoir fait un truc ultra sincère : on s’est mis à poil pour Gwendoline car ce n’était pas fait pour être écouté ».
Le deuxième écueil, pour un projet avec autant de caractère, est de réussir à évoluer, garder les ingrédients qui ont marché mais sans lasser ni se caricaturer. « On a cherché à faire un truc qui restait dans la même mouvance. Mais c’était hyper dur, car c’est un état d’esprit qui a fait le son du premier album et cet état d’esprit n’était plus du tout le même forcément », explique Mickaël. Deuxième paradoxe pour le groupe, comme le complète Mickaël : « des morceaux comme “Audi RTT”, c’est moins notre vie aussi maintenant… On a vieilli, on est moins “schlag”, on n’est plus au chômage ».
Ce deuxième album, les membres de Gwendoline l’ont « 100% auto-produit » avec, comme point de départ, de « continuer à faire des concerts ». « On fait tout, on y va à fond et à la fin il y aura quelque chose… ce sera à prendre ou à laisser », commente Mickaël. « On s’attendait à ce que ça se fasse presque par hasard, d’un coup, qu’en deux semaines ce soit fait… », explique Pierre. Mais la réalité rattrape le duo : six semaines, au cœur de l’hiver 2023, seront finalement nécessaires pour boucler les 10 titres de C’est à moi ça.
Ces six semaines, le duo les passe ensemble, dans une maison louée spécialement pour l’occasion à Lampaul Plouarzel. Un impératif pour le duo : « pour écrire, on doit se met dans une bulle, qu’on façonne vraiment à deux … et on écrit dans cette bulle. C’est important que tout soit créé dans le même espace, que rien ne vienne d’ailleurs ». « C’est l’ADN de ce projet d’être dans une bulle hors de temps », confirme Pierre.
Ce préambule permet au groupe de développer son écriture, de manière très partagée. Les deux amis, très complices, créent tout ensemble, à 4 mains. Rien n’est écrit à l’avance, ni dans la musique ni dans les textes. « Notre processus de création part souvent d’une boucle de musique, qui peut être très aboutie ou très minimale. On laisse tourner la boucle : on écrit, on écrit encore, on se balance des phrases… Petit à petit on fait nos couplets et à partir de là le morceau commence à apparaître », explique Mickaël. Leur complicité leur permet également d’être ouvert et de travailler librement : « C’est parfois un sujet qui peut nous inspirer pour la musique, parfois l’inverse ». Aucun thème n’est banni, même si le duo revendique une certaine forme de pudeur : « on ne parle pas d’amour de manière frontale, mais plus de ressentis… », analyse Pierre. « Je préfère parler de thèmes globaux plus que que des sujets précis », confirme Mickaël. Dans ce processus, le groupe suit tout de même un aiguillon : l’humour. « C’est une manière de se faire plaisir : on écrit, on se marre, et quand on faire rire l’autre on sait que notre phrase marche. Ça nous permet de rentrer dans l’état d’esprit nécessaire pour créer ».
Alors, ce second album, que vaut-il ?
Indéniablement, les deux compères confirment leur talent pour les mélodies percutantes et les mots qui tapent justes. Sans partir dans une direction radicalement différente que leur précédent album (hormis l’aventureux, mais convaincant titre « Héros national »), C’est à moi ça semble respirer un peu plus et réserve un peu plus de place pour la musique : « on a pris plus de temps pour la production, à essayer de faire les choses un peu moins sales, placer les instruments », explique Pierre. On apprécie ainsi tous particulièrement les arrangements réussis de « Merci la ville ». « Même si on est fans de cold-wave, on est aussi fan de pop : on aime les mélodies et on a essayé naturellement d’en mettre », renchérit Mickaël. À la fois dansante, sombre et accrocheur la coldwave de Gwendoline ne prend cependant toute sa saveur qu’à l’écoute des paroles.
Le verbe toujours acéré, Gwendoline dénonce et se moque de ce monde injuste et de la vanité des “winners“. Mais Gwendoline renverse toujours la table pour terminer par des hymnes aux soirées trop arrosée, cherchant à noyer leur colère dans la fête, sans prétention ni grandeur (« tous les soirs, c’est la soirée de l’année »). Héritiers d’un monde qui ne leur plait pas (« La fin du monde a commencé au moment où je suis né » chantaient les deux larrons dans « Après c’est gobelet »), Pierre et Mickaël se font, peut-être sans le vouloir (en tout cas sans le revendiquer), le porte-parole ou tout au moins le reflet d’une génération.
Une génération qui se heurte à un monde difficile avec la guerre, la crise écologique, la crise économique… « L’album est fait de toutes ces questions qui nous traversent », reconnait Mickaël. « Dans le sens profond du terme on est complètement dans l’éco-anxiété », complète Pierre. « On pourrait même parler de socialo-anxiété, tout ce qui touche à l’évolution de la société nous perturbe très fortement. » Et oui, le duo ne voit pas la vie rose ! « Les textes du nouvel album sont moins potaches », poursuit Pierre. « Pour notre premier album, on était profondément désespérés par rapport à plein de trucs… Dans celui-là, on parle moins de nous, mais de ce qu’on voit et ça nous désespère tout autant. »
Cyniques et désabusés, le duo flingue tour à tour l’absurdité de nos vacances, la vanité, les gosses de riches, les conspirationnistes, l’hypocrisie des faux-amis, et bien d’autre encore. Dans le très pince sans-rire « Le sang de papa », le propos se fait très politique. Pourtant, Pierre revendique une posture en retrait : « on ne propose rien, on ne s’aligne derrière personne. Mais tout est politique ! On assume de penser que des choses sont complètement absurdes, mais on ne dit pas c’est pas bien, faut faire ci ou ça. Y’a pas ça chez nous et heureusement, ce serait chiant ! », s’exclame Micka.
C’est là le dernier paradoxe surmonté par Gwendoline avec brio : aborder des thématiques aussi lourdes sans “être chiants”. Et c’est leur mérite de proposer un album à la fois entraînant et drôle (difficile de ne pas sourire à l’écoute de « J’ai rêvé d’être riche ») qui promet de beaux moments en tournée. « Y’a un côté “tout est niqué” : on va le dire… mais on va en rire sur les petits trucs sur lesquels on peut se raccrocher et se rassurer quant au fait que c’est pas grave et que tous les soirs ça sera la soirée de l’année », sourit Pierre.
Gwendoline, album C’est à moi ça, sorti chez Born Bad Records, le 1er mars 2024.
Gwendoline en tournée :
Mardi 16 avril 2024 au Cabaret Vauban à Brest (29)
Jeudi 18 avril 2024 à Allonnes (72)
Vendredi 19 avril 2024 à Istres (13)
Mercredi 24 avril 2024 à Nantes (44)
Mardi 30 avril à Lyon (69)
Samedi 25 mai à Messanges (40)
Jeudi 30 mai à Strasbourg (67)
Mardi 11 juin à La Maroquinerie de Paris (94)
Vendredi 21 juin à Rennes, Fête de la Musique (35)
Samedi 29 juin, En Nord Beat fest à Bailleul (59)
Jeudi 18 Juillet 2024 à Dour Belgique
Samedi 27 juillet à Blois (41)
Samedi 10 Août 2024 à Landerneau (29)
Jeudi 23 Janvier 2025La Cigale à Paris (94)
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