Haïkus du bout de la terre, dix-huitième ouvrage de poésie à La Part Commune ! Une aventure commencée voilà près de 20 ans avec Yves Landrein. De la poésie par touches légères comme celles de Silence hôpital et Les heures lentes. Et puis, il y a les haïkus. Pierre Tanguy y revient toujours, c’est plus fort que lui.
Quand je l’interroge sur le pourquoi de cette attirance voici ce qu’il me répond. « Le haïku fixe des instants dans leur précarité avant qu’ils ne disparaissent. Il leur redonne vie. Une manière d’affronter le dépérissement et la mort. “La lumière qui se dégage des choses, il faut la fixer dans les mots avant qu’elle ne s’éteigne”, ajoute-t-il en citant là Bashô, le poète japonais (1644-1694) considéré comme le fondateur de ce genre poétique. C’est aussi un art du dépouillement, de l’attention particulière à l’infime. Ou encore l’art de déceler l’inconnu ou le merveilleux au cœur du familier, de l’ordinaire. Une forme enfin de spiritualité. »
Textes de quelques strophes, quelques mots chacune, dérisoires grains de sable, particules de poussière, il ne faut pas grand-chose à Pierre Tanguy pour frapper à la porte du Monde, l’ouvrir en grand et nous faire entendre ce monde.
« Mer immense
la petite fille pleure
elle ne veut plus marcher »
Il y a dans cette forme merveilleusement brève, une exigence incroyable avant que tout s’éclaire et n’émerge l’émotion, un paysage, une odeur de saison, une histoire.
« Chemin des crêtes
à pas de loup
l’ombre des maquisards »
Alain Kervern, son préfacier, grand connaisseur lui-même d’haïkus, parle de passeurs de culture pour ceux qui ont recréé et recréent chez nous ce genre japonais ancien. Les haïkus des chemins de Bretagne (éditions La Part Commune, 2007 et 2008) de Pierre se prolongent ici en « Finisterre ». Il sait de quoi il parle puisque né au nord et habitant au sud d’une terre de ce nom. Vents hurleurs, grandes marées, ciels passants, voilà son univers. Et derrière ces terres d’intérieur et ces traits de côte, une vie, des vies. Marcheur infatigable, explorateur de l’intime, musique à la fois silence, il y a toujours chez Pierre Tanguy comme une naissance.
« Sous ce chêne
on oublie
la rumeur du monde
Des couvertures
sur le dos des chevaux
matin de givre »
Ici, tout est nature. Gestes quotidiens, matins et soirs ordinaires, rythmes du temps. Il suffit simplement de savoir écouter et regarder le monde. C’est aussi ce que nous dit Rachel La Prairie dans ses peintures. Ses bleus nuit, ses bleus encre, ses gris légers ou sombres. Et puis, des traces devant nous, sous nos pas. Partout. Comme une invitation à les suivre.
l’haïku vent debout
pigeon vole et mot s’envole
un livre est à l’ancre
Coureur de grève, marcheur tranquille, il m’arrive de trouver un haïku de Pierre Tanguy dans les écritures laissées sur l’estran par les vers marins …