L’auteur de La mésange et l’ogresse Harold Cobert sera présent le vendredi 3 février à la FNAC de Rennes en compagnie d’Alexandre Seurat afin d’échanger autour du sujet du « fait-divers » et dédicacer son roman. Unidivers vous en offre un avant-goût.
Table ronde : Quand le fait divers inspire la littérature. FNAC RENNES, le vendredi 3 février 2017 à 18h en présence de Alexandre Seurat pour La Maladroite et Harold Cobert pour La mésange et l’ogresse,
Table ronde : Quand le fait divers inspire la littérature
FNAC NANTES, le samedi 4 février 2017 à 15h en compagnie de Véronique Sousset pour Défense légitime, Samuel Doux L’Eternité de Xavier Dupont de ligonnès, et François Bégaudeau Molécules
Présentation :
Dans son roman La mésange et l’ogresse, Harold Cobert interroge par un habile jeu de miroir littéraire ce qui “ne s’invente pas”… Une histoire, réelle, d’une folie meurtrière incompréhensible et pourtant construite et menée “à bien” avec toute la solidité d’une construction rationnelle.
Dans le Faust de Goethe, Faust écrit “avec assurance” : «au commencement était l’action». Il n’en est rien. Rien de plus faux sinon sans doute le pacte scellé avec Mephistophélès. D’un pacte il est question également dans le dernier ouvrage en date de Harold Cobert. Le pacte, qui dès leurs premiers contacts va unir jusqu’au terme de leur banale et infernale vie commune Michel Fourniret et sa compagne, puis épouse Monique Olivier.
Lui, le tueur à la logique pathologique, sera surnommé L’Ogre des Ardennes. Elle, d’abord effacée, victime manipulée ou témoin subjugué se révélera bien plus que cela. Voire tout autre. Instigatrice du pacte, peut-être, bien plus que signataire abusée. La mésange (ce doux nom dont l’affublait le tueur) inoffensive, sans vraiment passer à l’action est aussi l’ogresse.
Ce visage double, cette apparente innocuité du mal c’est toute l’ambivalence qu’interroge Harold Cobert dans un récit très pertinemment construit. Va et vient de chapitre en chapitre entre les pensées de Monique Fourniret (se remémorant des scènes, des actes, les réécrivant dans sa mémoire), celles plus actives du commissaire fédéral belge Jacques Debiesme et la narration détaillées de certains des actes criminels de Fourniret.
Ce jeu de miroir anime l’action par le verbe, avec une rare maîtrise Harold Cobert peut dès lors se permettre cet éclairant trouble jeu d’immersion et de mise à distance. Par son art l’écrivain démonte l’argutie de Méphistophélès, il défait le fait divers de sa gangue d’immédiateté émotionnelle, de sa charge réactive pour questionner le verbe premier qui dans sa cogitation rationnelle même peut déboucher sur des actes d’une cruauté indicible. Le verbe est la cause de l’action et sa guérison…
Entretien :
Unidivers : Comment avez-vous décidé de vous emparer de l’histoire de Michel et Monique Fourniret ? Aviez-vous suivi de près à l’époque, l’enquête et le procès ?
Harold Cobert : J’ai eu l’idée du roman au moment du procès à Charleville-Mézières lorsque, comme tout citoyen lambda, j’ai découvert l’horreur et les horreurs que ce couple avait perpétrées. J’avais donc suivi cette affaire de près, via la presse.
U. :Sur le bandeau qui accompagne votre livre on lit “dans la tête de Monique Fourniret”, certes, mais aussi et tout autant dans la tête de Jacques Debiesme, l’inspecteur en charge de l’enquête. Il faut pour raconter “ce qui ne s’invente” pas trouver un vecteur de normalité, un personnage positif, pour ne pas se retrouver seul face à une folie incompréhensible ?
Harold Cobert : Mon projet initial, en 2008, était de me glisser uniquement dans la tête de Monique Fourniret. C’est elle qui m’a intéressé dès le début. Lui, Michel Fourniret, n’est au fond qu’un criminel sexuel parmi tant d’autres. Il est l’un des pires, aucun doute là-dessus, mais il y en a eu d’autres avant lui et il y en aura hélas d’autres après lui. En revanche, qu’une femme puisse être complice de tels actes, qu’elle ait pu servir d’appât, instrumentaliser sa grossesse puis l’enfant qu’elle a eu avec Michel Fourniret pour rassurer les jeunes filles et faire en sorte qu’elles montent sans méfiance dans la voiture ou la camionnette les menant à mort, qu’une femme ait pu être active dans la réalisation d’un tel projet criminel, voilà qui me laissait sidéré, horrifié, fasciné. J’ai pris le temps, car je n’étais pas prêt, ni littérairement ni humainement, je manquais encore de technique et de maturité. J’ai laissé infusé pendant des années, continuant de lire, et c’est dans cette longue incubation que m’est venue l’idée d’alterner le point de vue de Monique Fourniret avec celui du commissaire fédéral belge chargé de l’enquête. Ce n’était pas pour avoir un personnage positif, mais pour avoir une voix de la normalité à opposer à celle de la folie (notamment dans leurs incarnations littéraires respectives) et prendre ainsi du champ pour interroger l’horreur, ses racines sociétales.
U. : Dans votre introduction vous soulignez bien que La mésange et l’ogresse est avant tout une œuvre de fiction, un roman du réel qui permettrait de comprendre, par l’angle intime, des personnes, des mœurs, une société. La lecture de votre livre est captivante mais à la fin le mystère de ses personnalités demeure difficilement pénétrable… Mais n’en aurait-il pas été de même si vous aviez également changé les noms des coupables, des lieux… ?
Harold Cobert : Il aurait été présomptueux de prétendre percer le mystère d’une psychologie aussi complexe que celle de Monique Fourniret. Je me suis borné à proposer une interprétation possible de ses motivations, sans jamais la juger, ce qui veut dire ne pas la condamner mais ne pas l’excuser non plus, juste essayer de voir le monde à travers ses yeux. La question de changer les noms des assassins s’est posée avant la publication du roman, notamment parce que j’avais changé les noms des victimes et ceux des autres protagonistes de cette histoire. Mais j’ai préféré assumer ma dette à la réalité. Je trouvais ridicule de devoir répondre à la question : vous êtes-vous inspiré de l’affaire Fourniret ? Je préférais passer directement au dur du sujet.
U. : Et vous-même ? Quel est l’impact sur l’auteur d’un travail sur cette part inhumaine dans les êtres humains ?
Harold Cobert : Cela m’a rendu définitivement paranoïaque ! Je vais mieux depuis que l’écriture à proprement parler est terminée. J’ai vécu un an avec la voix de Monique Fourniret dans ma tête. Beaucoup de cauchemars et peu de sommeil. Mais maintenant, elle est enfermée dans ce roman, elle ne me parle plus.
U. : Votre livre traite du mal, finalement, plus que l’étude du réel n’est-ce pas comme le pensait Georges Bataille, le sujet central et pourtant indicible de la littérature ?
Harold Cobert : L’indicible n’est pas forcément ineffable, raison pour laquelle on peut essayer de le dire.
La Mésange et l’ogresse (dans la tête de Monique Fourniret) est un roman de Harold Cobert paru en 2016 aux éditions Plon, 425 pages, 20 €
Table ronde : Quand le fait divers inspire la littérature, FNAC RENNES, le 3 février 2017 à 18h00 en présence de Alexandre Seurat et Harold Cobert. Entrée gratuite dans la limite des places disponibles