HISTOIRE MONDIALE DE LA FRANCE, somme historique d’un genre nouveau

HISTOIRE MONDIALE DE LA FRANCE : ainsi se nomme l’ouvrage, paru le 12 janvier 2017 au Seuil, dirigé par l’historien français Patrick Boucheron. 146 dates, 122 historiens et historiennes, pour une période allant de la grotte de Chauvet aux attentats de 2015 – le projet ne cache pas son ambition ! Cette histoire se veut surtout mondiale ; il s’agit « d’expliquer la France par le monde ».

 

HISTOIRE MONDIALE DE LA FRANCE Histoire mondiale de la France, et non « histoire de la France mondiale » : dans son « ouverture », Patrick Boucheron tente de clarifier les grandes lignes de ce projet historiographique. Professeur au Collège de France, spécialiste de l’Europe du Moyen Âge et de la Renaissance, Patrick Boucheron ne cesse de penser et repenser sa discipline. Sa leçon inaugurale au Collège de France, en décembre 2015, intitulée « Ce que peut l’histoire » parlait du besoin d’histoire comme « une halte pour reposer la conscience, pour que demeure la possibilité d’une conscience – non pas seulement le siège d’une pensée, mais d’une raison pratique, donnant toute latitude d’agir ». Dans l’ouverture à cette histoire mondiale de la France, il cite, et donc marche sur les traces, des grands noms de l’historiographique française que sont Michelet ou Lucien Febvre.

HISTOIRE MONDIALE FRANCE
Patrick Boucheron

Son introduction se pose en mise en garde : Patrick Boucheron sait la discipline historique traversée par les idéologies ou menacée par ses propres limites. Il commence par parler, en fait, non d’introduction, mais d’ouverture. Il reprend par ce terme l’idée photographique de « profondeur de champ », mais aussi d’ouverture au lecteur, c’est-à-dire d’accessibilité de l’histoire. Cette Histoire mondiale de la France évitera donc l’écueil de la théorisation à outrance ou « les dédales de la déconstruction ». Mais comment allier, alors, « l’art du récit et l’exigence critique » ? La première ambition, « politique » selon les termes de Patrick Boucheron, réside dans l’écriture d’une histoire plurielle. En effet, et contrairement à L’histoire universelle de Michelet, ce n’est pas un, mais bien 122 historiens et historiennes qui ont participé à cette somme historique.

HISTOIRE MONDIALE FRANCE
Jules Michelet

Plurielle, certes, mais aussi mondiale. En exergue apparaît la fameuse phrase de Michelet : « Ce ne serait pas trop de l’histoire du monde pour expliquer la France ». Est-ce à dire, cependant, que l’ouvrage collectif se place sous l’égide de Michelet ? « Si Michelet apparaît déplacé dans son temps, il n’est pas pour autant de plain-pied avec la nôtre », écrit Patrick Boucheron. Faire une histoire mondiale de la France ne signifie pas renouer avec l’idée d’une vocation universaliste et civilisatrice du pays. Il s’agit au contraire de se défaire d’une vision universalisante de l’historiographie française et de la clôture du récit uniquement national. Pas question d’éluder néanmoins les dates canoniques, mais les revisiter et les intégrer à une chronique faisant aussi la part belle à d’autres endroits « de la mémoire du monde ». Faire, en somme, la somme d’une histoire de la France dans son rapport « en mouvement » avec le monde, là vers la Méditerranée, ici vers l’Eurasie, revenir sur « la mondialisation à la française » du XIXe siècle comme sur la globalisation actuelle.

HISTOIRE MONDIALE FRANCECette Histoire mondiale de la France se pense comme une chronique au sens générique du terme, c’est-à-dire un recueil de faits historiques classés de manière chronologique. D’ailleurs, la forme éditoriale de l’ouvrage reprend le graphisme d’une éphéméride, avec une date rouge. Patrick Boucheron parle d’enquête (le premier sens du mot histoire) pour désigner la démarche des historiens. Il cite également « le principe de plaisir ». L’écriture comme la lecture d’une histoire mondiale de la France doit susciter une joie de la connaissance, ainsi que le bonheur d’une ouverture sur le monde. On le sent à chaque date : le premier texte sur la grotte de Chauvet, ainsi, commence par un récit, à la première personne, d’un homme de Cro-Magnon. Débute ainsi un voyage dans le temps et l’espace : « Troyes, capitale du Talmud », l’histoire d’un « esclave noir à Pamiers », le rapport de « Napoléon et l’Espagne », « la vision kanake » sur la Grande Guerre en Europe, la mort de « Michel Foucault », et enfin, une date qui n’est justement pas une fin, 2015, « le retour du drapeau ». Ce dernier texte ressaisit les attentats de 2015 plus largement : perçoit-on une égalité des mémoires et commémorations, entre les différents attentats qui ont frappé le monde ces dernières années ? Assiste-t-on à une instrumentalisation de ces attaques ? Que nous apprend le parallèle entre le bicentenaire de la Révolution française, en 1989, et les marches commémoratives de 2015 ? Les événements récents sont appréhendés par la couleur : « Le bleu, le blanc et le rouge sont revenus au balcon. Les multiples nuances qu’ils recouvraient en 1989 ont été lessivées, mais ne sont pas encore effacées. Par qui, et dans quel but, seront-elles ravivées ? ».

Histoire mondiale de la France est un ouvrage collectif publié par les éditions du Seuil le 12 janvier 2017 réunissant 122 historiens et historiennes, sous la direction de Patrick Boucheron, 790 pages, 29 euros.

 

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