Dans l’homme qui ment Marc Lavoine livre sa vérité

Avec son livre l’homme qui ment Marc Lavoine se plie-t-il à son tour à l’obligatoire récit autobiographique pour vedette du cinéma, voire d’une chanson écrite comme souvent à quatre mains ? On craignait le pire. Pourtant, avec ce « récit basé sur une histoire fausse », Marc Lavoine écrit un beau texte. Bien loin des clichés attendus.

 

marc lavoine l'homme qui ment livre véritéIl est difficile d’être le fils de son père. D’être le fils de sa mère. Et d’être le frère de son frère. Surtout quand le père s’appelle Lulu et court les femmes et l’alcool. Quand la mère s’appelle Michou, qu’elle voulait une fille et qu’elle est dépressive. Et quand le frère, Francis, l’aîné couve toute cette famille pour la protéger comme un père de famille qu’il n’est pas.

Et le petit Marc, qui aurait dû s’appeler Brigitte, né le 6 août 1962, doit se débrouiller avec tout cela pour grandir et devenir un homme. Il y a de l’Antoine Doinel des « Quatre cents coups » de Truffaut dans cet apprentissage, mais un Antoine de la banlieue parisienne, de Wissous exactement dans « cette couronne de banlieue, la grande, près des champs de pommes de terre et des avions qui décollent ». Et puis contrairement au film de la nouvelle vague, c’est le papa qui est infidèle et pas la maman. Mais pour le reste, cela se ressemble drôlement.

Légères, amusantes, distrayantes, les passades, les maîtresses, les trois femmes officielles, Michou, Catherine et Géromie, deviennent peu à peu pesantes et même traumatisantes. Bien sûr, il y a de la légèreté, des petits bonheurs quotidiens. Ces années soixante sont celles des débuts de la société de consommation, et même Lulu, communiste comme seul on pouvait l’être dans ces années, Lulu qui travaillait aux PTT (Petit Travail Tranquille ») rêvait et achetait une GS, faisant la nique aux bourgeois. On l’imagine Lulu vendant l’Huma avec la gouaille parisienne du charmeur l’œil aussi attentif aux jambes des femmes qu’aux lendemains qui chantent. Il sait être tendre Lulu, cajoler, embrasser, dire « je t’aime » et le grand Marc aujourd’hui adulte lui trouve bien des excuses : « les femmes tu les aimais beaucoup, alors tu en as eu beaucoup et tu as dû t’organiser ». Parfois même en utilisant le petit Marc pour tromper son monde. Difficile alors d’être enfant, d’être un alibi et même un jour d’enterrement de voir son père faire l’amour derrière un rideau, debout, les larmes aux yeux disant en reniflant « Oh Marco j’suis malheureux ».

Il oscille ainsi ce récit de Marc Lavoine entre tendresse, amour, nostalgie d’une époque décrite par petites touches et une forme de descente aux enfers qui ne veut pas dire son nom. Au fil des pages, la douceur devient douleur, la tendresse devient maladresse et le petit Marco essaie de devenir Marc.

Ma vie basculait dans un monde inconnu qui me laissait pensif et perplexe. Je décidai de prendre les choses à la légère, c’est à la longue qu’elles ont pris du poids, jusqu’à devenir vraiment lourdes pour un garçon de mon âge.

marc lavoine homme qui ment éditions fayard véritéÀ défaut de se taper la tête contre les murs, c’est un ballon qu’il tape inlassablement contre des façades. Avant d’aller voir un psy. À défaut d’accepter sa souffrance, c’est la poésie qu’il écrit puis qu’il lit, l’éloignant de son présent. Avant d’aller prendre des cours de théâtre. Et cette poésie Marc Lavoine l’a gardée en lui, c’est elle qui lui permet par une très belle écriture, qui joue avec les mots de l’enfance, ceux de la banlieue, de faire de son texte une véritable œuvre littéraire. Son frère Titi qui voulait être artiste peintre a « brûlé ses toiles comme on brûle ses illusions ». Marc a su garder les mots pour nous faire partager les débuts de sa vie d’homme. Sans pathos, sans tambour ni trompette. Mais avec la justesse d’un petit Marco ayant aimé son père Lulu, sa maman Michou et son frère Titi. Au-delà de la souffrance et de la violence. Au-delà d’un simple roman de gare.

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L’homme qui ment Marc Lavoine, éditions Fayard, janvier 2015, 192 pages, 17€ 

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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