Rennes 4 septembre. Hortense Belhôte ou l’art de donner des conférences spectaculaires

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Portraits de famille © Hortense Belhôte

La performeuse Hortense Belhôte vient dispenser sa Conférence Spectaculaire Histoires de graffeuses au musée des Beaux-Arts de Rennes, mercredi 4 septembre 2024. Avec l’humour d’un stand-up et la fragilité d’une autobiographie, entre cours d’histoire et approche sociologique, la comédienne et historienne de l’art souhaite vulgariser l’histoire et l’art en montrant, dans un tourbillon de bonne humeur, leur côté émancipateur méconnu. Unidivers l’avait rencontrée lors de sa venue au festival Tombées de la nuit, pour Histoires de graffeuses et Portraits de famille, les oublié.e.s de la Révolution françaises, en juillet 2023.

Les Conférences Spectaculaires ne sont pas des créations parmi tant d’autres de Hortense Belhôte. Sa passion pour le jeu et son intérêt pour l’histoire de l’art alimentent sa pratique depuis ses débuts. Diplômée d’un master 2 en Histoire de l’art, elle a en effet suivi, en parallèle, des cours d’art dramatique dans un petit conservatoire parisien d’arrondissement, avec la certitude que les deux disciplines pouvaient s’unir. « Je me suis vite rendue compte que les problématiques culturelles étaient les mêmes », déclare Hortense Belhôte. À 18 ans déjà, sa première performance consistait en des cours d’histoire de l’art qui partaient joyeusement en cacahuète, comme elle la qualifie elle-même.

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Portraits de famille © Hortense Belhôte

Elle a néanmoins longtemps séparé les deux : d’un côté, elle donnait des cours dans des écoles d’arts appliqués ou de design, de l’autre, elle était comédienne au théâtre, pour des petits rôles ou des projets indépendants et punk dans les fonds de bar. C’est en donnant un stage de théâtre aux Comores que l’ancienne professeure se rend compte que son mélange, peut-être illogique pour certains, était au contraire cohérent pour ses élèves. « Les personnes inscrites étaient les mêmes que celles qui faisaient partie de l’association de sauvegarde du patrimoine bâti », se souvient-elle. « En Occident, on a créé une séparation au sein de la culture entre art vivant et patrimoine alors que dans plein de cultures, les disciplines sont plus poreuses. » Et l’outil powerpoint, qu’elle découvre quand elle devient enseignante, lui apporte l’outil dont elle a besoin pour réunir ses deux amours. Il devient la trame de ses spectacles humoristiques, pédagogiques et subtilement effrontés à la forme singulière entre cours magistraux et stand-up. La première conférence, Une histoire de football au féminin (2015), naît de sa collaboration en tant qu’interprète de Footballeuses du chorégraphe Mickaël Phellipeau.

Par la suite, Hortense Belhôte brille dans la web-série Merci de ne pas toucher, diffusée sur Arte. Mais tout est lié puisqu’à l’origine de cette série, la performance autour de l’érotisme dans l’art classique commandée par le Festival du Film de Fesses (Paris) se révèle en fait l’adaptation d’une conférence spectaculaire… Chaque épisode décrypte un chefs d’œuvre de l’art classique européen dans une mise en scène parfois décalée. « Ce qui m’intéresse, c’est voir que même dans des sujets pas très sexy, on peut trouver des leviers d’émancipation et des choses qui peuvent nous aider à vivre dans nos vies d’aujourd’hui. »

La comédienne aborde des sujets classés à tort dans la catégorie d’un savoir élitiste, dans le but de les rendre accessibles. « Beaucoup se sentent illégitimes d’en parler et en font un complexe. Je pense que tout un travail de sacralisation des œuvres a été fait, mais aussi de chasse gardée du savoir de l’histoire de l’art », explique-t-elle. « L’argument d’autorité de l’histoire a été et est encore trop souvent utilisé comme point de non-retour dans des débats. Toute la branche réactionnaire de l’échiquier politique utilise cette vision fantasmée de l’histoire. »

Hortense Belhôte souhaite démontrer que l’histoire peut permettre de modéliser différemment le présent. « Mon idée était vraiment d’ouvrir des portes et d’essayer de ne pas reproduire la domination que le savoir historique crée. » Avec six conférences spectaculaires à son répertoire, elle dépoussière l’histoire et l’art, accorde une place particulière à la femme et aux perspectives queer et libertaires et met en avant le côté émancipateur de l’actualité de la recherche. « J’aime l’histoire et l’histoire de l’art, mais ce qui m’intéresse, c’est plutôt de l’histoire du regard ou des représentations, ce qui se rapproche de la sociologie au final. »

Certaines conférences spectaculaires ont été commandées, tel que Performeureuses, une commande du théâtre de Vanves, et Histoires de graffeuses (vendredi 7 juillet 2023, 19h au 4 bis), demandée par le centre dramatique national de Besançon pour un festival d’art urbain. D’autres viennent de sa propre initiative, à l’instar de Portraits de famille, Les oublié.e.s de la Révolution française (samedi 8 juillet 2023, 17h et 22h au 4 Bis) qui raconte l’histoire d’une dizaine de personnages aux parcours différents. « J’avais fait toutes les recherches historiques il y a dix ans pour faire un bouquin sur l’actualité de la recherche. J’ai composé la conférence à partir de cette matière déjà existante. »

Chaque conférence comprend un sujet historique à défricher. « Il n’y a pas de déconstruction de l’histoire de l’art dans mon rapport à lui, j’aime avoir l’aval des personnes qui travaillent sur ces sujets », nous apprend-elle. Pour Portraits de Famille, Anne Lafont, dix-huitièmiste qui a travaillé sur les questions autour de la figure du noir, des femmes artistes et le rapport à la race, Charlotte Guichard pour la question des femmes artistes et Sylvie Steinberg du CNRS, spécialiste de la question du travestissement, sont autant de chercheuses qui ont nourri sa création. Concernant Histoires de graffeuses, elle est allée chercher du côté de la sociologue Julie Vaslin, spécialiste des politiques culturelles en matière de street art, et a interviewé des street-artistes femmes pour apprendre cet art actuel reconnu depuis quelques années maintenant comme un mouvement à part entière de l’histoire de l’art.

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Histoires de graffeuses © Hortense Belhôte

Elle explore les sujets qu’elle explore avec deux ingrédients principaux : l’autobiographie et la pop-culture. « C’est un peu la déontologie du chercheur, se demander quel est son rapport personnel au sujet et comment les grandes questions historiques influent sur nos petites vies lambda. » L’autobiographie apporte le côté narratif, fragile, et intime qui attrape le public. « C’est l’idée de rester dans une vérité et de ne rien inventer, à la fois sur les aspects historique qu’autobiographique », déclare-t-elle. « Dans Histoires de graffeuses, je montre mes photos de classe et je sais que le public repense à ses propres photos. Il y a quelque chose qui se joue avec le commun et le banal, de l’ordre de la fragilité et de la décomplexion.» 

De la même manière, l’historienne de l’art utilise le modèle du stand-up dans la conception de ses spectacles. Elle pense des blagues culturellement référencées qui nous font prendre conscience de notre propre univers culturel. « Au-delà de l’aspect pédagogique, c’est ce qui fait qu’on se souvient de ce qu’on vient de voir. Un peu comme quand les profs nous racontaient des anecdotes », affirme la performeuse, tout en prenant en compte les questions générationnelles. « Si je joue devant un public de lycéens ou d’adultes, ce sera différent, car l’univers culturel de départ n’est pas le même. »

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Portraits de famille © Hortense Belhôte

Après six performances solo, Hortense Belhôte souhaite « renouer avec les gens ». Sans trop s’éloigner de l’histoire de l’art tout de même, puisque son prochain projet consistera en une carte blanche au musée d’Orsay. En se basant sur les collections permanentes, Hortense Belhôte va imaginer des visites insolites sur le modèle de l’escape game avec comme problématique “comment échapper à l’héritage raciste capitaliste et misogyne du XIXe siècle en 60 minutes chrono”. Une adaptation en spectacle sera ensuite proposée dans l’auditorium du musée d’Orsay en juin 2024, avec quatre personnes au plateau. « Je me pose justement pas mal de questions sur le rapport à l’autobiographie, comment l’intégrer à partir du moment où on est un collectif. » La réponse, l’année prochaine donc… 

INFOS PRATIQUES :

Histoires de graffeuses, Hortense Belhôte, mercredi 4 septembre à 18 h au musée des Beaux-Arts de Rennes, 20 quai Emile Zola. La conférence sera suivie d’une visite de l’exposition Aérosol.

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