L’année 2016 promet de grands moments de cinéma. Iñárritu, Burton, Scorsese, Malick, sans oublier les frères Coen. Le marathon a commencé aujourd’hui avec la sortie nationale de Huit Salopards, The Hateful Eight, « le huitième film de Quentin Tarantino ». Que dire ? Si l’on suit un peu près la recette, un gâteau blanc reste toujours un gâteau blanc, c’est-à-dire une valeur sûre. Tarantino fait donc du Tarantino, la surprise en moins.
Mother Fucker ! Nous pourrions trouver au moins huit bonnes raisons de nous précipiter dans les salles obscures voir le dernier Tarantino, les Huit Salopards. Photographie au poil, bande originale d’Ennio Morricone, projection en 70 mm, acteurs au sommet. Ça fait quatre raisons. Cinq, c’est un film de Tarantino. Et puis…du sang, de la chique et du molard ! Impossible de ne pas rire devant les longues tirades et le rire de Samuel L. Jackson, ou les superbes performances de Tim Roth, Walton Goggins et Jennifer Jason Leigh. Dure pareillement de ne pas prendre du plaisir face au déluge grand-guignolesque d’hémoglobine. C’est peu ou prou ce que l’on attend d’un film de Tarantino. C’est du moins à ces éléments qu’il nous a habitués.
Pour ce nouvel opus intitulé les Huit Salopards, le réalisateur et scénariste de Reservoir Dogs et Pulp Fiction choisit de retravailler un genre cinématographique ultra-codifié : le western. L’action se déroule quelques années après la guerre de Sécession, dans le Wyoming. Exception faite de quelques scènes extérieures, par ailleurs grandioses, le film se déroule en huis-clos : dans la mercerie de Minnie (dans une veine cinématographique assez russe d’ailleurs). Tout un microcosme américain doit y séjourner durant le blizzard : chasseurs de primes, prisonnière, bourreau, cowboy, ancien confédéré, shérif. Dès lors qu’ils rentrent dans le gîte, on sait exactement – Tarantino oblige – que le film va se terminer sur un… carnage.
Le problème des Huit Salopards ? Tarantino livre autant un produit qu’une œuvre cinématographique. Son art poétique vire à la recette de grand-mère. On prend les mêmes, et on recommence. Les Tarantinados ne pourront plus nous répliquer les éternels arguments de la parodie, du détournement, ou des sacro-saintes références à l’histoire du cinéma. Une œuvre d’art peut-elle se satisfaire de flatter le spectateur par l’entre-soi d’une culture commune ? Si encore le cinéaste creusait le propos général de son œuvre, nous pourrions nous en réjouir. Depuis Inglorious Basterds, on assiste à une sorte d’auto-plagiat qui n’est pas sans ressembler à la burtonisation du réalisateur éponyme ou la woody-aliénation du cinéaste de Manhattan.
Non seulement Tarantino remâche sa propre soupe, mais il le fait de moins en moins bien. On peut se réjouir qu’il n’ait pas continué le virage commencé avec Inglorious Basterds et Django, à savoir une sorte de réécriture presque uchronique de l’histoire. Mais où sont passés cette ductilité narrative, ce rythme, ces dialogues cultissimes ? Le cinéaste réitère son organisation en chapitres mais la structure du film demeure globalement bancale. 3 heures de film, et la moitié à attendre qu’il devienne un minimum jubilant. D’accord, plastiquement, on tient quelque chose. Et puis, un western sous la neige, cela brise radicalement les codes. Surtout, cela brise le cœur de voir un artiste devenir l’ombre de lui-même. On rigole peu, on s’ennuie beaucoup. La caméra capte certes parfaitement l’ambiance et les recoins du huis-clos. Mais n’est-ce-pas cette obsession du méta qui, à la fin, en plus de lasser, empêche complètement le spectateur d’immerger dans la paranoïa de la situation ou la recherche du twist ?
Titre original : The Hateful Eight
Titre français : Les Huit Salopards
Titre québecois : Les Huit Enragés
Réalisation et scénario : Quentin Tarantino
Photographie : Robert Richardson
Montage : Fred Raskin
Décors : Yohei Taneda
Costumes : Courtney Hoffman
Musique originale : Ennio Morricone
Production : Richard N. Gladstein, Shannon McIntosh et Stacey Sher
Société de production : The Weinstein Company
Sociétés de distribution : The Weinstein Company (États-Unis), SND (France)2, E1 Entertainment Benelux (Belgique, Luxembourg), Les Films Séville (Québec)
Budget : 44 000 000 $3
Pays d’origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur – 2,76:1 – 70 mm
Genre : western
Durée : 167 minutes
Distribution :
Samuel L. Jackson
Kurt Russell
Jennifer Jason Leigh
Walton Goggins
Demián Bichir
Tim Roth
Michael Madsen
Bruce Dern
James Parks