I don’t wanna be French : TikTok, théâtre d’une comédie identitaire mondialisée

Une chanson, un vers détourné, quelques clichés et une plateforme virale : c’est la recette d’une nouvelle trend TikTok venue des États-Unis, moquant la France à coups de baguette, de béret et de mauvaise foi en sourdine. Sous le hashtag #Idontwannabefrench, des vidéos parodiques cumulant des millions de vues orchestrent une mise en scène caricaturale du « style de vie français », avec pour bande-son le tube de Lady Gaga, Bad Romance. Mais au lieu d’alimenter un conflit culturel transatlantique, cette tendance a ravivé un étrange sentiment : une forme de patriotisme digital, ironique, pop, générationnel.

Quand la dérision devient mode

Tout part d’un jeu de mots : I don’t wanna be friends devient I don’t wanna be French. Sur TikTok, les Américains s’en donnent à cœur joie : la France, ce pays de grèves, de fromages qui puent, de bureaucratie kafkaïenne et de règles sociales mystérieuses, devient un personnage de sitcom. Le tout dans une mise en scène grotesque, mais assumée, jouant sur l’exagération de stéréotypes souvent bien connus — parfois réels, souvent fantasmés.

En quelques jours, la tendance traverse l’Atlantique et séduit d’autres pays européens. L’Espagne, l’Italie ou la Belgique prennent le relais, chacun y allant de son pastiche des « travers français ». Un phénomène classique des réseaux sociaux : viralité horizontale, humour absurde, effet boule de neige. Et une cible toute trouvée : la France, encore perçue à l’étranger comme ce vieux pays fier de sa culture et de ses principes, parfois à contre-courant du consensus global.

La contre-attaque cocorico

Mais la réaction française a surpris. Loin de se contenter de s’indigner, les internautes français ont détourné la tendance avec un sens de l’autodérision redoutable. En témoignent les vidéos affirmant : « Au moins, on a la carte Vitale », ou encore celles tournant en ridicule les critiques culinaires américaines : « Vous voulez nous attaquer sur la nourriture ? Vous mettez du Sprite dans vos tartes ! »

Plus surprenant encore : la reprise politique du phénomène. L’ancien Premier ministre Gabriel Attal a posté une vidéo sobrement intitulée I wanna be French, réappropriant à son tour l’extrait de Lady Gaga. Sa vidéo a fait fleurir un nouveau hashtag, cette fois revendicatif : célébration de la gastronomie, de la culture populaire, des performances sportives, voire du fameux coup de tête de Zidane en 2006 — devenu un mème universel.

Une génération qui redéfinit le patriotisme

Cette joute numérique révèle surtout un rapport inédit à l’identité nationale. Les jeunes générations — Z et Alpha — qui n’hésitent pas à critiquer leur pays au quotidien, semblent pourtant se regrouper dès lors qu’une attaque extérieure surgit. Un réflexe de défense, certes, mais dans une esthétique ludique, presque affectueuse.

Sur X (ex-Twitter), un internaute résume : « Personne ne critique les Français autant que les Français… mais là, on est plus patriotes qu’en finale de Coupe du monde. » C’est cette ambivalence qui fascine : un nationalisme sans gravité, nourri de pop culture, de second degré et d’un besoin de cohésion face au regard étranger.

L’humour comme diplomatie spontanée

Ce phénomène n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une série de tendances où les cultures nationales sont réduites à des caricatures virales — souvent bon enfant, parfois malveillantes. Mais l’épisode « I don’t wanna be French » témoigne d’un tournant : la capacité d’un peuple à transformer la moquerie en affirmation positive, non pas par la réprobation, mais par le retournement humoristique.

Le rire devient ici une forme de diplomatie spontanée, un outil d’auto-narration collective qui échappe aux institutions. La réponse française, loin de tomber dans le ressentiment, a choisi la voie de la réappropriation par le lol. Et dans un monde saturé d’identités figées, c’est peut-être la plus belle manière d’être français.

« I don’t want to be French » : taclés sur TikTok, les Français sortent leur carte vitale