Les chorégraphes Ambra Senatore et Marc Lacourt embarquent le public du Triangle – Cité de la danse dans un spectacle hybride, ludique et drôle vendredi 1er avril 2022. Il nous faudrait un secrétaire amène l’art chorégraphique dans un ailleurs où compte seulement l’expérience collective.
Derrière la création Il nous faudrait un secrétaire, présentée vendredi 1er avril au Triangle – Cité de la danse, se trouvent la directrice du Centre Chorégraphique National de Nantes (CCNN) Ambra Senatore, et le chorégraphe Marc Lacourt. Tous deux s’allient à nouveau dans un duo fantaisiste qui pousse l’art chorégraphique dans un ailleurs artistique, dans lequel le public est au centre du plateau.
Interprète pour des chorégraphes italiens tels Roberto Castello et Rafaela Giordano avant de devenir chorégraphe elle-même, la première a développé un univers empreint du milieu du cinéma dans lequel elle recompose, en interaction avec son public, le puzzle du réel et de la vie à la manière d’un réalisateur. « C’est la vie de tous les jours, dans nos mouvements et nos relations dans l’espace et aux autres, par le biais de l’espace et du corps, qui me parle et m’appelle », déclare Ambra Senatore. D’interprète, le second passe chorégraphe avec une première pièce en 2015 et la création d’une compagnie en 2018, MA Compagnie. La pratique de Marc Lacourt s’adresse particulièrement aux enfants et familles, et donne à voir une danse insolite et fantaisiste, dans laquelle l’humour est toujours au rendez-vous.
Dix ans après leur première rencontre, Ambra Senatore et Marc Lacourt récidivent dans la collaboration avec le spectacle Il nous faudrait un secrétaire. « En 2012, je cherchais à compléter un quatuor pour la création John », se remémore-t-elle. « Ce que j’avais apprécié chez Marc c’est son rapport au spectateur. Il a un relationnel direct, naturel et joueur. » De cette première rencontre est née une évidence, celle d’une sensibilité commune pour le rapport au public et une approche ludique de la création. Leur prochaine association chorégraphique s’effectuera en 2018. La directrice du CCNN fait appel « au pro du jeune public » et lui propose de co-écrire un bal participatif pour les enfants et les familles. Gio di pista naît dans la revisite des gestes quotidiens et l’interaction avec le public. Des éléments que l’on retrouve dans Il nous faudrait un secrétaire, un duo plus frontal que le précédent.
Entre construction et déconstruction, leur dernière création est née de leur imagination commune et révèle leurs intérêts communs, leur sensibilité artistique. Au-delà d’une affection particulière pour le faire ensemble, les deux artistes se retrouvent dans leur manière de penser une pièce autour des notions d’ordre et désordre, et du composé et recomposé dans une dramaturgie. « On a envie de découper les choses, de mettre une histoire dans le désordre avant de la recomposer à peu près dans l’ordre, mais pas vraiment… » souligne Marc Lacourt.
Dans une alternance entre écriture et improvisation, la directrice du CCNN cherche dans le vide et dans des jeux d’improvisation le surgissement d’éléments phares à sa création. « J’aime quand les éléments viennent du corps, qu’ils surgissent en improvisation et étonnent, sans que tout soit pensé autour d’une table. » A contrario, les créations du chorégraphe émergent quant à elles de l’ordre et de l’intellectuel, telle une horloge avec un mécanisme bien rodé. Il rêve, fabrique et écrit sa pièce avec minutie avant de venir déconstruire ledit mécanisme au plateau. « J’arrive avec une base, des éléments vers lesquels j’ai envie d’aller alors qu’Ambra arrive dans le néant. Et c’est dans ce néant qu’apparaît des rencontres humaines », compare-t-il. « De par ces rencontres va surgir cette approche surréaliste, humoristique alors que je travaille avec une base que je viens ensuite déconstruire. »
Malgré leur processus créatif inversé, tous deux se retrouvent dans la notion de déconstruction et créent des pièces semblables. « On a tous les deux lu Jacques Derrida [philosophe français qui a créé et développé l’école de pensée autour du déconstructionnisme, nldr.] et on n’a rien compris tous les deux. Mais on essaie de le faire quand même », s’amuse Marc Lacourt. Et Ambra Senatore d’enchérir avec humour : « Quand on aura compris, on arrêtera d’être auteur.rices ». Leur attirance pour le côté burlesque les amène à créer des œuvres à la touche humoristique tandis que leur approche singulière du public cristallise la part humaine du spectacle, et l’échange dynamique d’un moment particulier.
Leur complémentarité et la fine connaissance de l’un.e et de l’autre permettent de sortir de leur pratique respective tout en la prolongeant d’une certaine manière au plateau. Chacun.e se laisse amener dans le processus créatif avec étonnement pour un renouvellement chorégraphique et artistique constant. « On essaie toujours de ne pas être dans le confort, moins dans le conformisme. Mais il faut lutter contre cet automatisme, c’est facile de tomber dans le savoir-faire. Le travail à deux, et notre manière différente de créer, permet parfois d’éviter ces choses-là. »
« Notre travail est une mécanique, une horloge. Et l’humour un tempo, une musique. Si on n’a pas le temps, ça ne fonctionnera pas. La part d’improvisation existe, mais elle est faible. »
Marc Lacourt
Il nous faudrait un secrétaire cite le voyage, les départs et les retours, et est empreint de leurs expériences de famille. « À un moment, Marc est chargé de tous les objets qui se trouvaient dans la salle. Ça me rappelle ces grands départs où tu essaies de prendre ce que tu peux avec toi avant de partir », raconte Ambra.
Le duo embarque le public dans un univers à la frontière des arts, où danse, théâtre, et même arts plastiques, ne sont plus des catégories, mais de véritables outils pour une expérience collective, une rencontre entre les artistes et le public. « Ce qui nous intéresse c’est ce qui se passe sur le plateau, et la rencontre avec les spectateurs », explique Marc Lacourt avant de poursuivre : « Que vient-on faire ensemble dans une salle de spectacle ? Que vient-on y chercher ? Si pour y répondre, j’ai besoin de faire de la musique ou un dessin, je ferai de notre mieux. Le tout c’est qu’à un moment, cette parole, qui peut être théâtrale, ou la danse nous servent pour le spectacle en cours. »
Entre des espaces et des rendez-vous écrits, et des instants chorégraphiés plus improvisés, le duo place le spectateur au centre de la pièce, l’amenant à devenir un spectateur complice et plus seulement un spectateur. Les deux chorégraphes s’inscrivent ainsi dans la volonté de certains acteurs du spectacle vivant d’intégrer le public au cœur de la création pour une approche plus ludique et humaine. Ambra Senatore précise : « Si le spectacle vivant m’intéresse, et que j’en ai fait mon métier, c’est parce qu’il est question de partage et d’échange. Le regard est ouvert à la salle qui est prise en compte pendant et dans la pièce. »
Leurs spectacles sont conçus comme une occasion de partage. Et cette expérience se fait au moyen d’interactions, mais également de la thématique abordée, celle du quotidien, qui se révèle un moyen d’identification. Le monde réel est un spectacle qu’ils cherchent à remettre au plateau.
Nourrie par ce quotidien, l’ordinaire des gestes et du corps dans l’espace du réel, Ambra Senatore crée une proximité avec le public de par cette sensibilité particulière. « Depuis l’enfance, je me sens appeler par le spectacle de la vie autour de moi et des chorégraphes, comme Roberto Castello et Rafaela Giordano, m’ont accompagné dans mon parcours, et aussi dans cette voie en tant qu’interprète. » Particulièrement avide de bribes d’instants, de discours qu’elle observe dans la rue ou dans le bus, Ambra Senatore chorégraphie ce goût, à l’image de Marc Lacourt qui agrémente ses geste du quotidien d’un peu de magie. « Ça rapproche chacun de l’objet artistique, il peut ainsi se sentir concerné », précise Ambra.
Conçue par le chorégraphe à partir de musiques déjà composées, la musique appuie le discours et sert à cette identification. « On aime prendre des musiques très référencées, soit dans le cinéma, comme certains morceaux d’Ennio Morricone que l’on peut tous reconnaître, ou d’autres plus disco tels Cambodia de Kim Wilde (1981). Ils font tout de suite appel des références communes, et font réagir », rajoute Marc.
Puzzle décomposé, mais savamment recomposé, Il nous faudrait un secrétaire se révèle ainsi un instant de partage dans lequel le duo cherche à véhiculer le plaisir de la simplicité, et de la vie.
Ambra Senatore et Marc Lacourt, Il nous faudrait un secrétaire, Le Triangle – Cité de la danse.
Vendredi 01 avril 2022, 14:30 et 19:00 (Durée 1 h)
Tarifs :
9€ tarif unique
4€ SORTIR !
2€ SORTIR ! enfant