À la maison du livre de Bécherel, Ilann Vogt tient une exposition surprenante, du 18 septembre au 23 décembre 2022. Il y expose ses tissages qui ont la particularité d’être réalisés à partir d’œuvres littéraires. Allant des poèmes de Rimbaud à la Recherche du temps perdu de Marcel Proust, l’artiste tisse patiemment ces textes, pour leur donner vie. De la patience, il en faut, certains livres lui demandent presque un an de travail…
Ilann Vogt, né d’un père écrivain, marchand d’art et éditeur, grandit dans le monde des livres et leur richesse sensible. Après un baccalauréat en arts appliqués, il apprend notamment la technique du tissage qu’il adopte rapidement et fait sienne. Il y a une dizaine d’années maintenant, l’idée émerge pour le jeune artiste que les livres que nous lisons peuvent être des matériaux à tisser.
« En discutant avec un ami qui fait des calligrammes je me suis rendu compte qu’une ligne de texte pouvait être un fil de papier. J’ai commencé avec un poème, ensuite avec une nouvelle, puis un roman. Je ne me suis pas arrêté. »
Commence alors pour Ilann Vogt la grande aventure du tissage de texte, domaine artistique où il est encore seul en piste. Depuis 2011, il tisse régulièrement et depuis 2013, il expose dans le Grand Ouest, à Paris ainsi que dans le Nord. À la maison du livre de Bécherel, c’est sa seconde exposition, la première datant de 2015.
Aujourd’hui, il a à son actif entre 400 et 500 œuvres littéraires devenues plastiques, toujours motivé par cette idée de donner une présence physique à ces œuvres uniques, choisies dans leurs langues d’origine et dans leur intégralité. « Je me suis aperçu que je pouvais faire autant de tissages qu’il existait de livres, et j’ai commencé ainsi ma bibliothèque des œuvres tissées », nous dit-il. « Avec une règle et un cutter, en prenant garde à ne pas couper le texte, je lui donne vie. Avec moi, ils obtiennent une présence ».
« Avec mes tissages, en une fraction de seconde, on peut saisir une émotion, une impression du livre dans sa globalité. L’Œuvre reste oeuvre, mais exprimée de manière différente avec le tissage. »
Cette idée de pont artistique entre le monde littéraire et le monde de l’art plastique, et d’incarnation de l’œuvre, est le leitmotiv de l’artiste. Il considère ainsi le textile comme une langue à part entière et sa démarche artistique comme une traduction du texte au textile. Il ne traite donc pas les écrits de Proust de la même manière que ceux de Borges ou de Faulkner. Il varie les styles d’écritures, les tailles de police, les types de tissage (en croix ou de façon aléatoire), pour en faire des œuvres uniques. Le papier utilisé est le plus souvent celui des livres de poche. « Contrairement à l’idée reçue, le tissage du papier n’est pas si friable ou difficile au contraire. Tissées entre elles, les lamelles se fortifient et deviennent à la fois souples et plus résistantes qu’une feuille de papier standard », explique-t-il.
Le papier est le plus naturel possible, seul un vernis sec anti-UV recouvre les pièces pour les préserver de l’action du soleil. Comme Ilann Vogt l’explique, tissé puis mis sous verre, le papier devient plus solide et plus résistant aux aléas du temps. Peut-être les tissages d’Ilann Vogt survivront-ils aux écrits desquels ils sont issus ?
« C’est un travail au long cours, le tissage pourrait être infini, à l’image de Pénélope qui tissait jour après jour… avec ma pratique, j’essaye d’embrasser, de faire exister et transmettre, une toute petite part de l’infinité de livres et d’histoires qu’ils contiennent. »
La Maison du livre de Bécherel vous accueille jusqu’au 23 décembre 2022 pour y découvrir ces fragments d’humanité tissés.
4 Route de Montfort, 35190 Bécherel. Ouvert de 10h à 13h et de 14h à 18h du mardi au vendredi et de 14h à 18h le samedi et dimanche.