Ille-et-Vilaine. L’escape game Charlotte sensibilise aux violences intrafamiliales

escape game charlotte

L’escape game « Charlotte », développé par l’agence départementale des Pays de Redon – Vallon en Vilaine, est un outil ludique créé par Pascal Pelian et Eric Valentin dans le but de sensibiliser aux violences intrafamiliales. Pari réussi.

Nous sommes samedi matin et Charlotte, une adolescente de 14 ans, n’était pas dans sa chambre au réveil. Inquiète, sa mère appelle les amis de sa fille et leur laisse une heure pour la retrouver et la ramener chez elle avant d’appeler la police. Les amis, ce sont les participants de l’escape game « Charlotte » qui vont devoir comprendre ce que Charlotte a vécu les jours précédents. Le projet a été construit à l‘initiative de l’Agence départementale des Pays de Redon et Vallons de Vilaine avec deux animateurs numériques, Pascal Pelian et Eric Valentin. À destination des professionnel.les de santé, qui souhaitent aborder le sujet de violences intrafamiliales, ou un public averti à partir de 14 ans, le jeu permet de questionner nos actions face aux victimes. Il évoque trois thématiques sensibles : les relations amoureuses, le consentement et les violences intrafamiliales.

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Pascal Pellan et Eric Valentin © Jérôme Sevrette

Les violences intrafamiliales concernent les violences conjugales, physiques, sexuelles, verbales et psychologiques. Il est impossible de savoir exactement combien de personnes ont été ou sont aujourd’hui victimes de ces violences. Malgré une libération de la parole, l’inaction de la part de l’entourage, la peur, la pression et la manipulation sur la victime restent toujours présentes. Et quand bien même il y a dépôt de plainte, les affaires peuvent être classées sans suite, et la victime se voit toujours exposée aux mêmes violences. D’après les chiffres de l’INSEE, en 2019 en France, 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles enregistrées par les services de sécurité concernent des violences commises au sein de la famille. Cela représente 160 000 victimes dont 41 000 mineures. Des chiffres qui n’ont cessé d’augmenter, et qui peuvent s’expliquer d’une part par l’isolement contraint des confinements qui ont accentué les tensions au sein des foyers. D’autre part – et probablement en lien avec le Grenelle sur les violences conjugales (ensemble de tables rondes organisé par le gouvernement) – les plaintes ont augmenté du fait d’un meilleur accueil dans les services de sécurité, un encouragement des signalements et une incitation pour les victimes à davantage déposer plaintes. 

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Il est alors important de libérer la parole, de communiquer, de se questionner, de comprendre et de savoir quand agir. Mais comment parler de ces sujets délicats ? Pascal Pelian et Eric Valentin, amateurs de jeux immersifs et professionnels de l’animation depuis trente ans, ont choisi le format de l’escape game comme outil de sensibilisation. « L’escape game est un format ludique et pédagogique qui peut toucher les plus jeunes, même s’ils se rendent bien compte que c’est loin d’être un jeu. C’est aussi destiné aux personnels de santé, qui sont parfois confrontés à ces sujets dans leur travail et veulent savoir comment les aborder. Nous préférons plutôt appeler ça un exercice ou une expérience sociale », explique Pascal Pelian. « Il est en revanche compliqué de mettre en œuvre cet exercice dans un collège ou un lycée puisqu’il s’expérimente par petits groupes. Les adolescents risquent alors de divulguer la fin de l’escape game à leurs camarades, et de gâcher l’objectif de l’exercice. Avec Eric Valentin, nous réfléchissons plutôt à faire participer un groupe avec chaque délégué de classe. »

Les participants, par groupe de six, se mettent dans la peau des amis de Charlotte et vont récupérer au fil de l’énigme des indices (journal intime, photo, numéro de téléphone, etc.) pour essayer de la retrouver. Au-delà d’une simple enquête, l’ambition est de se questionner sur notre manière d’agir face à la violence et de comprendre la victime. « Il faut se rendre compte de la puissance que la mise en situation peut provoquer chez le participant, surtout avec des sujets aussi sensibles. » L’expérience est d’autant plus délicate que l’immersion peut faire remonter certains souvenirs aux participant.es. « En créant l’escape game Charlotte, on ne se rendait pas compte du nombre de personnes impactées par les violences intrafamiliales. Ce fût une grosse surprise de voir qu’à chaque session l’émotion gagnait nos participants. » raconte Pascal Pelian. Avec quarante-huit sessions à son actif, l’escape game prend une tournure différente selon les réactions de chaque personne : « Nous faisons participer des adultes et des jeunes qui ont pu encaisser certaines violences au cours de leur vie. Il est déjà arrivé pour certains d’être complètement déstabilisés ou de ne plus savoir où ils ont garé leur voiture en partant ».

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L’escape game dure une heure et, à la fin, un temps d’écoute et d’échange est obligatoire pour les personnes participantes. « Accompagné par des professionnels, assistante sociale, psychologue ou sage-femme, le groupe peut échanger sur ce qu’il vient de vivre et comment auraient-ils agit en situation réelle ». Il y a parfois des personnes qui veulent se confier sur leur vécu, mais Pascal Pelian insiste : « Nous mettons un point d’honneur à ne pas tomber dans une thérapie de groupe, puisque ce n’est pas le but et que nous ne sommes pas formés à ça ».

Après l’avoir testé auprès de leurs collègues de l’agence départementale des Pays de Redon, Pascal Pelian et Eric Valentin sont à près d’une cinquantaine de séances d’escape game et comptent développer le projet dans d’autres villes comme Saint-Malo, Montfort-Sur-Meu ou à Vitré. « Le format d’escape game est très accessible, ludique et pédagogique. Nous en avions déjà créé un sur la thématique des dangers du numérique, et bientôt nous mettrons en place un escape game sur les souvenirs générationnelles dans les maisons de retraite ». ajoute Pascal Pelian.

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