À quoi ressemble la Bretagne ? C’est pour répondre à cette question que Benjamin Keltz est parti sur les routes et revient avec dans sa besace 30 histoires bretonnes. Un carnet de route de trente reportages afin de décrire notre région et avec le souhait d’être au plus proche de ses habitants. Pari réussi ?
C’est l’histoire de la RN12 de Rennes à Brest, d’un loto à Tinténiac, d’une vie sur une île à Ouessant et à Houat… ce sont des histoires de Bretons. Des histoires qui ne sont pas choisies au hasard par Benjamin Keltz, journaliste et éditeur :
C’était surtout des intuitions. Par exemple, je savais que sur les îles on allait évoquer les problèmes insulaires et le coût de l’immobilier explique l’auteur.
Dans un chapitre consacré à l’île d’Ouessant, les habitants racontent leur quotidien, mais aussi les difficultés d’être coupés du monde. Benjamin Keltz s’immisce alors dans les vies sans en perturber la routine afin de rendre authentiques les témoignages. “Je ne suis pas le premier à faire ça. Le but était d’aller à la rencontre des gens sans forcément avoir d’approche sociologique”. L’auteur raconte la Bretagne, ses Bretons, ses villages, ses événements, loin des clichés des cirés jaunes et des bonnets rouges.
“Depuis des mois, je sillonne la Bretagne pour écouter ses habitants. Je ne prépare rien. Je choisis simplement un endroit banal et je débarque à l’improviste”.
Car l’objectif était de répondre à la question À quoi ressemble la Bretagne ? pose en avant-propos. Une interrogation qui a donné à l’auteur l’idée de lancer cette série de reportages. “C’est compliqué d’y répondre. Il n’y a pas une Bretagne, il y a des Bretagne. Ce sont des gens qui réagissent tous différemment. Un habitant proche de la RN12 ne réagira pas comme un habitant d’une résidence secondaire à Saint-Malo. Pourtant ils ont tous cet attachement à la région”, explique Benjamin Keltz.
D’Ouessant à Nantes, en passant par Baud et Callac, le journaliste ratisse larger. Même la Loire-Atlantique. Y compris des endroits reculés peu médiatisés.
“J’ouvre mon livre avec le bar à Gourin, dans le Morbihan. C’est le reportage qui synthétise le plus ce que je raconte ensuite. Car on y croise les histoires du médecin, d’un syndicat… Dans ce reportage on y voit vraiment un brassage de la population locale”.
Les récits campent bien les personnes ; le lecteur a l’impression de rencontrer chacun des protagonistes rencontrés.
De simples descriptions de vie ? Oui, mais pas uniquement. Derrière chaque sujet se cache une problématique. À Gourin, c’est le vieillissement de la population et les commerces qui se ferment. À Ouessant, ce sont les problèmes de liaisons avec le continent. Parfois, un lieu suffit pour décrire une ville, tel le tramway à Brest. C’est là le reproche premier qu’on fera à J’ai rencontré la Bretagne : on aurait bien aimé en savoir un peu plus… Comment tel ou tel problème impacte les Bretons ? Certaines anecdotes citées dans le livre cachent de véritables difficultés vécues quotidiennement par les habitants :
“Alors lorsque l’inspectrice de l’académie a laissé un message sur le répondeur de la directrice quelques jours avant la rentrée, Nadia a tremblé. Elle a craint une nouvelle fermeture de classe”.
Ce passage traduit un problème trop courant en Bretagne et en France. Malheureusement, il n’est évoqué qu’ici. En revanche quelques pages plus loin, Benjamin Keltz décrit avec précision 15 minutes d’une partie de foot lors d’une récréation. Cela démontre que l’auteur s’est montré proche de ses témoins, mais on aurait apprécié savoir comment les professeurs s’adaptent aux changements imposés…
C’est avec un sentiment de frustration que le lecteur referme l’ouvrage. Il a voyagé, même s’il connaît déjà par cœur les paysages, il a souri, il a été ému, il a rigolé, il a sauté quelques pages aussi au regard des longueurs. Et il aurait tellement aimé en savoir davantage à propos des réels problèmes du quotidien des Bretons. Benjamin Keltz justifie ce manque d’approfondissement par les “15.000 signes imposés pour le magazine. Il reste encore plein de choses à découvrir”. Voilà le meilleur de cet ouvrage : donner envie au lecteur de partir en voyage à la rencontre de ces gens dont on ne parle que rarement.
Benjamin Keltz : J’ai rencontré la Bretagne, éditions Du coin de la rue. 10 novembre 2018. 20€. 310 pages.