JAMAIS, UNE BD POUR TOUJOURS

Dans la BD Jamais, une fable poétique et drôle, Duhamel évoque avec tendresse la fin de vie d’une aveugle qui ne veut pas quitter sa falaise normande. Un récit qui mêle gravité et humour.

BD JAMAIS DUHAMEL

 

Quand on a 80 ans environ, que l’on est veuve de Jules son marin chéri, que l’on est aveugle et que l’on vit en compagnie de son seul Balthazar, un gros chat, l’existence semble se dérouler sur un fil tendu au-dessus du vide. Et quand votre maison, riche de tous vous souvenirs, située au bord d’une falaise normande est sur le point de basculer dans la mer, tout semble perdu. Pourtant Madeleine, au caractère bien trempé n’a pas peur et veut poursuivre son existence chez elle, indifférente aux dangers et aux imprécations du maire. Lorsque le dernier massif de fleurs vient de tomber à la mer, et qu’une tempête est annoncée, le premier magistrat de Troumesnil va tenter d’organiser une évacuation de Madeleine. Rien ne va se passer comme prévu, car Madeleine est plus beaucoup plus résistante que la craie qu’elle a sous ses pieds.

BD JAMAIS DUHAMEL

Si c’est pas malheureux d’être obligée d’arroser ici en Normandie. Plus de 5 jours qu’il n’a pas plu. On n’a pas vu ça depuis les années 70.

BD JAMAIS DUHAMEL

Duhamel est Normand et l’on ressent bien dans son récit sa connaissance d’un problème majeur de sa région : le recul de la falaise vaincue par les vagues et les intempéries. Comme les marées, toute la BD oscille ainsi entre légèreté et gravité. Sous des apparences ironiques, appuyées par des dialogues qui nous rappellent parfois ceux des Vieux Fourneaux, l’auteur mêle au long de son histoire des situations comiques avec des problèmes contemporains bien réels.

BD JAMAIS DUHAMEL

La légèreté c’est celle du dessin qui s’inspire des BD franco-belges des années soixante quand les colères s’exprimaient par des phylactères noirs de suie. Lorsqu’il dessine les personnages, le ressort humoristique prend le pas pour caricaturer des pêcheurs, des élus, des pompiers plus proches d’Achille Talon que de la réalité. Schématisé, interprété, s’appuyant sur des repérages de Quiberville à Varangéville, le dessin des paysages, comme celui de la couverture, alterne poésie et réalisme. Par des traits simples, Duhamel exprime parfaitement l’âme d’une région, de cette bande côtière qui de Trouville à Ault, expose sa blancheur crayeuse aux vents impétueux et aux pluies grises…

BD JAMAIS DUHAMEL

 

En contrepoint de la légèreté de son dessin, le récit de Duhamel dépasse la farce et le comique de situation pour évoquer, sans lourdeur, les problèmes écologiques, la responsabilité des élus, la solitude de la vieillesse, la difficulté de vivre avec ses souvenirs, le choix de finir sa vie comme on le souhaite. La visite de Madeleine à la résidence des Hortensias pour personnes âgées, située à côté du cimetière, qui se veut amusante et caustique se révèle grave, effrayante, finalement proche de l’actualité de la semaine. C’est bien un acte de résistance auquel se livre Madeleine, celui de mourir chez elle. Même lorsque sa maison ne repose plus que sur un modeste morceau de craie.

BD JAMAIS DUHAMEL

Cet album, tendre et joliment poétique, se termine, comme dans une fable, par une véritable morale, moins superficielle que prévu, offrant un bon petit moment de lecture. Et puis, découvrir la Normandie sous le soleil est une minute de fiction suffisamment rare pour vous inviter à vous rendre chez votre libraire le plus cher. Parole de Normand.

BD JAMAIS DUHAMEL

BD JAMAIS de Bruno Duhamel. Éditions Grand Angle. 60 pages. 15,90€. Janvier 2018. Aux éditions Bamboo/Grand Angle.

Photos et Illustrations © Duhamel / Grand Angle

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Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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