Janine, vibrant et émouvant hommage à la jeunesse rock incendiaire. Janine, musicienne talentueuse, l’une de ses égéries fulgurantes du rock français tel qu’il s’est vaillamment animé à la fin des années 70 et au long des années 80. Janine / Françoise Wald, fugace image de l’urgence musicale, Olivier Hodasava l’a croisée. Une fois… De ces fois qui marquent comme au fer rouge vos souvenirs. Comme ce premier roman.
Oh my love, Janine
I’m helpless for your smile
Like a Polish wanderer
I travel ever onwards to your land
And were it not just for the jewels,
I’d close your hand
(David Bowie, Janine, Space Oddity, 1969)

Nos souvenirs ne sont en rien des fiches bristol sur lesquelles sont consignées les événements que nous avons vécus et qu’il suffirait de ressortir tels quels le moment venu. Nos souvenirs sont des souvenirs de souvenirs. Ou plutôt même des souvenirs de souvenirs de souvenirs. Avec le temps imperceptiblement se créent des distorsions. C’est un peu comme dans ce jeu où il s’agit de souffler une phrase dans l’oreille de son voisin qui lui-même la souffle dans celle de celui qui se trouve après lui dans la chaîne et ainsi de suite. Il suffit d’une dizaine de « rebonds », de légères dérivations accumulées, pour que la phrase devienne méconnaissable. (p.79)
La face obscure des jeunes gens modernes

Né dans la ferveur un peu foutraque et potache du mouvement punk français, A3 dans les WC / WC3 était de ces combos fervents qui allaient de l’avant. Un brin gouailleur le groupe était surtout virulent et puisque contrairement au slogan punk il y allait bel et bien y avoir un futur c’est de ce futur-là, sombre, mécanique et technologique mais toujours humain, toujours obnubilé par le sexe et la mort, c’est de ce monde-là que WC3 entendait écrire la bande-son. Brillante musicienne (passée par toutes les contraintes du conservatoire) Janine eut certainement un rôle non négligeable dans cette orientation. Ses propres tourments aussi, qui la rendait si sensible à l’obscure grandiloquence torturée de Ian Curtis et Joy Division…

Il ne faut guère en dire plus. Olivier Hodasava sait comment nous guider dans les méandres de cette histoire qui n’est jamais plus personnelle que lorsqu’elle est collective. Il ne prend pas de ligne droite mais en courbes parfaitement dessinées il nous montre, sans insistance, à la dérobée comment s’immiscent les unes dans les autres nos mémoires, les échos de souvenirs, ce qu’ils taisent de nous, tout ce qu’ils toisent de sentiments communs à une génération, comme ils se transmettent. Les souvenirs sont faits aussi d’oubli et de non-dits. Les témoins qu’il a rencontré disent leur réalité. Son imaginaire, ses souvenirs, réels mais relus et rendus à travers les mots des autres, tenant compte des aspérités des sentiments, des fictions racontées fait le reste, font le reste, font le récit d’une vie précipitée.
Janine c’est beau, ça ce lit d’une traite, en une nuit, c’est mieux. Un voyage éclair, comme une vie, ça vous laisse dans l’air un parfum capiteux et, malgré la tristesse, l’envie de recommencer… A le lire, à le vivre !
Janine Olivier Hodasava, éditions Inculte, 112 pages, 16,90€
Voir aussi : Olivier Hodosava, 48e parallèle Nord, série projet artistique 2014, Unidivers.frhttps://unidivers.fr/appel-a-projets-artistiques-2016-unidivers/
Enfant, Olivier Hodasava, né en 1966 à Grenoble, passait des heures à observer à la loupe les détails des cartes postales. Il se perdait aussi dans la contemplation des plans de sous-préfectures des Guides Rouge Michelin. Plus tard, il a participé à des aventures éditoriales (éditions Ad Hoc ; éditions Moreno) consistant à produire des objets atypiques (livres tamponnés, cartes dépliantes, etc). Il est aujourd’hui directeur artistique dans la presse et l’édition. Chaque jour ou presque, sur Dreamlands Virtual Tour, son blog, il fait le compte-rendu d’un voyage virtuel. Il a précédemment publié aux éditions Inculte le très remarqué Eclats d’Amérique (chronique d’un voyage virtuel).
Crédit photo : Antoine Le Roux
