Depuis douze ans, le parc d’Ar Milin à Chateaubourg offre ses 5 ha traversés par la Vilaine à des sculpteurs confirmés ou en herbe. Cette année, la manifestation revendique une tonalité franchement « art contemporain » – au point de le mettre entre guillemets. Quelque chose a-t-il changé ?
Nouveauté : le catalogue. La couverture déclinant habituellement le vert, symbole de la nature environnante, se pare cette fois de couleurs primaires et d’une maquette très graphique, à la Mondrian.
Deuxième point : peu ou prou d’art figuratif à part les grands gardiens d’Alain Kirulo et les vanneries géantes de Roger Rigorth. Ce dernier, en résidence pendant trois semaines, a construit avec ses assistants des « Dragons de la terre » patiemment tissés avec de la fibre de coco, autour de trois troncs de pins Douglas de 6 m. Formé à l’école des Arts appliqués et métiers d’art de Paris, Alain Kirulo travaille lui, autour de la silhouette qu’il étire, épure, au point de leur faire tutoyer les nuages. Le mélange de matériaux utilisés (acier, inox, terre, raku, résine) leur confère une profondeur somptueuse.
Samuel Dougados vit à Arcangues commune du Pays basque où l’on aime sculpter la pierre (il y a un très joli cimetière où repose Luis Mariano). Lui revendique la création d’« une interaction entre l’œuvre, son environnement et le public ». Son tunnel, vaste structure géométrique noire et rouge incite à s’y glisser.
Né en Belgique, et installé près d’Agen, David Vanorbeek a « cherché seul son chemin » et « essaye de rendre la vie plus sympa ». Ses premières sculptures en métal abandonné représentaient des insectes, puis il s’est dirigé vers l’abstrait. Le grand carré contenant un cercle vide incarne son objectif d’offrir un spectacle sur la nature et (aussi) «du bonheur pour oublier les souffrances ».
Jérôme Leyre l’affirme tout de go : « j’habite au confluent de la Gazelle et de la Loire », indiquant clairement que le fleuve est sa principale source d’inspiration. Artiste reconnu dans le domaine du land’art, il joue le décalage avec son matériau de prédilection, le bois. Son œuvre ici le déploie comme une multitude d’éventails soudés les uns aux autres en un élégant et harmonieux colimaçon sans fin.
Last but nos least, le Rennais de l’étape, Erick Deroost pose la question de la désindustrialisation et de la délocalisation. Ses installations implantent des objets techniques dans la nature : « mes constructions en caoutchouc butyle (d’énormes chambres à air) invitent au jeu, au calcul et au dialogue entre l’œuvre et le « regardant » (tiens, il parle comme les cadres de l’Éducation nationale !).
Initiative de Gisèle Burel (Ar-Milin et Sulky) cette expo financée par des entrepreneurs mécènes ne se contente pas de présenter des artistes dans le parc d’Ar Milin – ce qui est déjà très bien ! Les entrepreneurs vont plus loin en achetant des œuvres qui enrichissent leur cadre de travail (citons Samsic, l’imprimerie des Hauts de Vilaine, MX, RMS Courtage, Sojasun Triballat, etc.) et financent des ateliers d’art plastique dans cinq écoles du pays (école Sainte-Marie de Servon-Sur-Vilaine, école du Plessis, école primaire et collège Saint Joseph de Châteaubourg, école primaire publique de Saint Didier) avec l’appui de la Bourse de la Fondation d’entreprises de la Banque Populaire (BPCE). Résultat : les œuvres des enfants s’exposent aux côtés des œuvres des «vrais » sculpteurs professionnels. Le projet pédagogique s’étend sur une période de trois ans. L’implication des « apprenants » est telle que certains ont conçu de grandes sculptures qui ornent désormais leur cour d’école. Les voilà donc « regardants » au quotidien !
Jusqu’au 14 septembre 2014, dans le Parc d’Ar Milin, 30 rue de Paris, 35221 Châteaubourg.
Entrée libre et gratuite, tous les jours. Renseignements au 02 99 00 30 91. http://www.facebook.com/jardindesarts35