Juliette Rousseau, Aurélie Olivier, Gaëlle Pairel, Gerty Dambury et Aurélie Fontaine ont toutes un lien en commun : elles font de la question des femmes en littérature leur sujet central et sondent le silence où l’on a cantonné les femmes depuis des siècles. Elles sont cinq femmes d’origine bretonne ou résidentes en Bretagne, engagées chacune suivant leur profession et à leur manière dans une manifestation féministe et militante de la littérature. Elles témoignent et débattent de ce que serait pour elles une bonne histoire…
La position de la femme de lettres dans la société est restée longtemps radicalement différente de celle de son homologue du sexe opposé. Les auteures, citées ci-dessus, rappellent, que quelle que soit l’époque, quelle que soit l’origine sociale, il y a toujours eu une femme qui était là et qui a écrit, mais que seule la voix et seuls les écrits des hommes ont été entendus et lus ! Les femmes n’avaient pas d’interdiction d’écrire, mais leurs manuscrits n’étaient pas édités tant étaient rares les éditeurs qui osaient s’engager !
Les auteures étaient également invisibles dans les manuels scolaires et l’enseignement de l’histoire, les textes relatifs au patrimoine classique étant réservés aux hommes ; ce qui a entraîné l’absence de la mémoire des femmes dans l’Histoire, au profit de celle des hommes. Durant des siècles, les femmes n’ont pas eu leur place dans l’espace public. Pour exemple, il suffit de faire référence à la célèbre romancière Colette (1873-1954) qui au début de sa carrière à la fin du XIXe siècle écrivait en qualité de prêtre plumes, sous le pseudonyme de son mari Henry Gauthier-Villars, soit Willy : c’est ainsi qu’elle rédige la série des Claudine entre 1895 et 1906, date à laquelle elle divorce aussi de son mari !
Aujourd’hui encore, des femmes de Lettres s’interrogent sur les conditions d’écriture et d’édition, sur le partage de la valeur dans l’édition et sur la rémunération de la création, alors que l’on tente actuellement de définir un statut européen d’artiste auteur et autrice…
- Juliette Rousseau est née dans un hameau d’une commune enclavée parmi les plus pauvres du département d’Ille-et-Vilaine, une campagne très endommagée par l’agriculture conventionnelle. Elle a fait le choix de rester y vivre ! Autrice, éditrice, traductrice, militante féministe et écologiste, elle a traversé différents terrains de lutte : du syndicalisme étudiant à l’altermondialisme, en passant par le féminisme et la justice climatique : elle devient coordinatrice de la Coalition climat 21, en 2015. En 2017, elle s’installe avec des amis à la Zad de Notre-Dame-des-Landes (à une cinquantaine de km de chez elle !). Elle éprouve pour ce combat un attachement affectif très fort. En 2018, Juliette Rousseau publie au mois de novembre : Lutter ensemble, un livre qui explore l’organisation des luttes sous l’angle des rapports de domination. C’est à cette occasion qu’elle découvre, avec des amies, l’écoféminisme qui lui permet de considérer que le féminisme pouvait devenir son terrain de lutte. Il devient pour elle un outil dans sa réflexion sur l’imbrication des dominations, de la dichotomie nature-culture et du patriarcat. Il est surtout pour elle, une façon de se situer en tant que femme dans les luttes écolos. Juliette Rousseau travaille maintenant pour la maison d’édition coopérative : les éditions du Commun, dont elle dirige la collection de poésie. Elle est aussi membre du collectif Éditer en féministes.
2) Aurélie Olivier, poétesse bretonne de Trégrom dans les Côtes-d’Armor, crée en 2013 l’association Littérature etc., dont elle est aussi la coprésidente. Parmi les nombreuses et diverses activités de l’association, elle fait dialoguer la création contemporaine avec des textes d’écrivaines dans le cadre d’ateliers d’écritures qui ont pour objectif de transmettre le matrimoine, cet héritage laissé par les générations précédentes de femmes. En 2021, elle dirige l’ouvrage collectif Lettres aux jeunes poétesses, et écrit son premier recueil autobiographique, intitulé Mon corps de ferme, publié aux Editions du Commun. L’ouvrage est une exploration sur son enfance rurale catholique au sein d’une exploitation laitière qui cultive, à renfort de statistiques sur l’industrie agroalimentaire en Bretagne, une prose géographique ! Aurélie Olivier raconte sa vie sur une exploitation agricole quand on est dedans pour de vrai, avant de basculer dans la vie de poétesse ! Aurélie Olivier examine ce que l’industrie agro-alimentaire et les fermes qui en sont à la base disent du monde. Elle dissèque l’enfance rurale qui a été la sienne, entre catholicisme, genre et sexualisation des corps…
3) La Quimpéroise Gaëlle Pairel, née à Saint-Malo (35), a créé cette année, la collection de poche UniversELLES. Elle est auteure et coéditrice aux Éditions Goater. Après des études d’Histoire contemporaine et l’obtention d’une Licence d’information-communication, elle exerce en qualité de responsable de l’action culturelle et communication à la Fnac en région parisienne. Elle travaille ensuite pendant une quinzaine d’années au sein de la Fédération des cafés-librairies de Bretagne.
L’œuvre de la vie de Gaëlle Pairel est l’étude du Matrimoine breton : elle est, en 2021, l’initiatrice de l’anthologie Femmes de lettres en Bretagne, matrimoine littéraire et itinéraires de lecture, une bonne histoire : il s’agit d’une histoire intime qui rejoint l’universel et où elle trouve sa place ! Gaëlle Pairel met en valeur 250 autrices telles que : Marie de France et ses poèmes de l’époque Renaissance ; la journaliste Fanny Raoul (1771- 1833) de Saint-Pol-de-Léon (29) qui en 1801 publie Opinion d’une femme sur les femmes ; la Brestoise Claire de Duras (1777- 1828) auteure de Ourika en 1823 qui relate les questions d’égalité raciale et sexuelle ; l’historienne et philosophe Mona Ozouf, née Annig en 1931, spécialisée dans la Révolution française et qui a écrit Dans Les mots des femmes en 1995 pour faire découvrir la diversité inventive des cheminements féminins ; la poétesse paysanne du Trégot : Anjela Duval (1905-1981), née au Vieux Marché dans les Côtes du Nord (Côtes-d’Armor), dont l’oeuvre révèle son amour lucide de la nature et sa rage contre le déclin ; Claire Bretécher (1940-2020) qui avait fait du féminisme l’une des inspirations de ses bandes dessinées ; la romancière de livres du terroir Nathalie de Broc (née en 1955) qui a publié en 2023 Les victimes ne sont pas seules, sur le thème des violences conjugales ; l’auteure et chanteuse Nolwenn Korbell (née en 1968), etc.
4) La metteuse en scène, romancière et poétesse Gerty Dambury, née en 1957 en Guadeloupe à Pointe-à-Pitre, est désormais établie dans les Côtes-d’Armor. Ses œuvres théâtrales, écrites en français et en créole, ont été montrées dans le monde entier. Pour elle, toutes les formes de littérature ne peuvent pas s’approfondir sans la rencontre avec les autres cultures. Militante afro-féministe, elle est active au sein du collectif Décoloniser les Arts, fondé en 2015 et dont elle est l’une des fondatrices. L’association milite pour une meilleure représentation des minorités ethniques dans les institutions publiques en France, ainsi que dans le domaine des arts et de la culture.
La pièce musicale de Gerty Dambury, La Radio des bonnes nouvelles, est une mission de bonnes ondes et une ode aux figures féminines ayant marqué l’histoire. L’émission fait revivre les voix de femmes militantes : Anne Théroigne de Méricourt (1762-1817), femme politique durant la Révolution française ; l’institutrice, écrivaine et militante anarchiste Louise Michel (1830-1905) ; Angela Davis, née en 1944 : professeure de philosophie écrivaine américaine et militante communiste, et toutes les autres, etc.
5) Aurélie Fontaine, résidente de Locquénolé dans le Finistère, est journaliste et créatrice du podcast Bretonnes et féministes. Pour elle, la lecture lui a mis le pied à l’étrier pour des pratiques de liberté. Elle décentralise la parole et la donne à des personnes aux parcours et aux histoires très différentes. Après plusieurs années passées en Afrique, elle redécouvre sa Bretagne natale et part à la rencontre des Bretonnes et Bretons qui œuvrent pour l’égalité femmes-hommes. Pour Aurélie Fontaine, aucun thème n’est tabou : la parentalité, la contraception, l’intimité racontée aux enfants, les actions féministes. Tout est traité dans ses épisodes ! Pour briser les stéréotypes filles-garçons, elle a écrit un livret intitulé : Ce que peuvent les garçons. Il est destiné aux enfants à partir de l’âge de six ans : c’est un ouvrage fort sur les métiers genrés, qui appelle à la différence, à l’ouverture d’esprit et qui prouve aux petits comme aux grands que tout est possible malgré les préjugés…