Le polar, le Noir sont-ils réellement un effet de mode ? Les adaptations de romans plus ou moins célèbres s’enchaînent bon an mal an avec des résultats plus ou moins réussies. Parmi elles, on pourrait citer Drive de Nicolas Winding Refn (2011, voir notre article) ou encore The Girl with the dragon Tattoo de David Fincher (2011) qui ont été saluées par la critique comme leur succès dans les salles.
A l’occasion de sa sortie en DVD le 4 février, revenons sur Killer Joe, œuvre de William Friedkin autrement connu pour des chef d’œuvres tels French Connection ou encore l’Exorciste. Tirée d’une pièce de théâtre éponyme, adaptée par Tracy Letts qui en est également l’auteur, le réalisateur s’empare des codes du Noir et nous livre une chose nerveuse et étrangement dérangeante.
« – Je vous ai entendus quand vous parliez de tuer Maman. Je crois que c’est une bonne idée. » (Dottie Smith)
Tout commence par l’ambiance lourde d’un orage et d’une pluie battante. Chris Smith, jeune trafiquant texan croule sous les dettes et sa vie ne tient qu’à un fil face à ses créanciers mafieux. Une idée est née, celle de tuer sa mère pour récupérer les 50 000 $ de l’assurance vie en mettant dans la combine son père, Ansel, sa nouvelle compagne ainsi que sa sœur Dottie, légataire intégrale de l’assurance. Pour réussir, ils ont besoin de Joe Cooper dit « Killer Joe », un tueur, flic pourri qui arrondi ses fins de mois avec ces petits contrats. Mais rien ne se passe comme prévu…
Chronique cynique de pied nickelés en quête d’argent dans une ville texane surréaliste quasiment déserte, l’intérêt se porte sur les personnages. Une famille de rednecks vit dans un bungalow minable où l’omniprésence de l’écran télévisuel donne une présence et abreuve en clichés et en références le spectateur averti.
La mise en scène est ciselée dans des décors sombres et rudes à l’esthétique glaçante qui concourent à la mise en place d’un huis-clos presque spatial où les relations qui se nouent entre les différents protagonistes et nous montre ici le vrai propos du film, celui de la folie ordinaire. Chris envieux toujours en quête d’argent, le père en suiveur attardé de son fils et sa compagne, qui quant à elle, essaie d’y trouver son intérêt. Enfin, il y a Dottie, en femme enfant lunaire et prophétique qui surnage dans ce monde de violence et de drogue, qui noue une relation forcée et intime avec Joe Cooper personnage froid aux mœurs étranges.
Chacun dévoile petit à petit ses névroses, le meurtre et l’argent n’étant que le catalyseur d’une situation qui va crescendo vers l’explosion en atteignant une (s)cène de fin mémorable, voir même insoutenable, aux yeux de certains. Comme au théâtre, on attend un Deus ex machina, une ligne de fuite dans le décor qui ne pendra sûrement pas la forme que l’on pensait.
On ressort de ce film abasourdi autant par la maîtrise des plans, par la direction des acteurs que Friedkin a su mettre en place comme par la fin abrupte et crue qu’il donne à son œuvre. Juno Temple et Matthew McConaughey (déjà aperçu dans Paper Boy, voir notre article, ou dans La Défense Lincoln) nous livrent ici une prestation hors norme, en Dottie Smith pour l’une et l’inquiétant Killer Joe pour l’autre. A eux seuls, elles valent le détour des 103 minutes devant un écran. Qui plus est, quand on sait que c’est Friedkin qui est derrière à la réalisation, on ne peut que recommander ce film sombre et inquiétant.
Antoine Mottier
Killer Joe (2012, 103min, Réalistion : William Friedkin sur une adaptation et une scénarisation de Tracy Letts. Avec Matthew McConaughey, Juno Temple Emile Hirsch). Sortie DVD le 4 février.