Klezmer symphonie avec David Krakauer était donné à Rennes à l’invite de l’OSB le 10 mars. « On dirait la musique dans Rabbi Jacob ». Ce résumé d’un des jeunes représentants du collège Gandhi de Fougères, perchés au troisième balcon, ne peut que prêter à sourire. Après tout, cette référence en vaut bien une autre, elle est de surcroît en partie exacte. L’illustre personnage immortalisé par Louis de Funès incarne exactement ce qu’ont vécu d’importantes fractions de la communauté juive d’Europe de l’Est : l’exode. David Krakauer en est la vivante illustration et au travers de la master class donnée à ces jeunes gens dans la salle de répétition de l’Osb, il avait par la parole et par la musique raconté une histoire d’exil, une autre d’espoir.
C’est avec Last round de Osvaldo Golijov, lui-même membre de la diaspora juive en Argentine, que l’orchestre symphonique de Bretagne accueille un nombreux public qui n’a pas craint l’inconfort des strapontins. Ce Last round, composé en partie en 1996, après le choc national qu’avait été le décès du bandonéoniste et compositeur argentin Astor Piazzolla en 1992, rend hommage à ce pape du bandonéon et de la culture « Tango ». Osvaldo Golijov dit de lui :
Le bandonéon de Astor Piazzolla synthétise tous les symboles du tango. Dans ses doigts virtuoses, il a transcrit l’érotisme des mouvements de jambes et des torses qui jaillissent de la danse. La mélancolie de la voix du chanteur a été transposée dans la respiration de l’instrument et dans l’attitude virile de l’interprétation.
Ce morceau métaphorique illustre tous les combats qui ont émaillé la vie du plus illustre des Argentins.
Sans doute soucieux de nous démontrer qu’au-delà de sa virtuosité dans la musique klezmer il est avant toute chose un clarinettiste capable d’évoluer dans tous les registres, David Krakauer se lance dans l’exécution de l’unique concerto pour clarinette de Mozart K.622. Il en propose une interprétation aussi vivante que parfois déroutante. Il est pourtant impossible de n’être pas submergé par l’émotion au second mouvement, Adagio. Les notes longues et comme suspendues en l’air créent une musique d’une divine beauté et d’une évocation sans égal. Tout paraît simple, tout est essentiel. Cette œuvre majeure et prophétique fut terminée le 7 octobre 1791, soit moins de deux mois avant la mort de celui qui est et restera sans doute le plus grand musicien qu’ait connu l’humanité.
Nous retournons après ces pages incomparables dans le monde joyeux et coloré de David Krakauer et pour cela quoi de mieux que ces étourdissantes danses de mariages dont le monde ashkénaze a le secret ? Ces rythmes heureux et énergiques nous les rencontrerons dans « Der gasn nign » comme dans « Der heyser bulgar » qui illustrent l’enthousiasme et le plaisir d’être ensemble.
C’est une nouvelle séquence émotion que nous propose David Krakauer en nous contant l’histoire de ce petit garçon juif assistant à l’entrée d’Hitler à Vienne au moment de l’Anschluss. Robert Starer, puisque tel est son nom, s’en ira vivre avec sa famille en Palestine, où il découvrira la musique des juifs d’Europe de l’Est et celle des Arabes qu’il étudie avec intérêt. David Krakauer, qui l’a rencontré, en parle avec conviction et nous invite à écouter « k’li zemer : Rikkudim », une de ses œuvres qui métisse avec talent la musique klezmer à des sonorités contemporaines. Il en ressort une musique pleine de vie et de conviction.
Le retour à Osvaldo Golijov s’opère avec « Les histoires mystiques d’Isaac l’aveugle ». C’est une initiation à la vie spirituelle juive. On y entend aussi bien la prière du berger au moment de la fête Roch Hachana que l’appel lancinant du chofar, corne de bélier utilisée comme trompe et qui marque la fin des offices du soir et du matin. La montée en puissance est progressive et contient quelque chose d’oppressant. On passe de la prière à l’imprécation, et les mélodies saccadées ne sont pas exemptes d’une certaine violence.
Après une impro pleine d’énergie et de virtuosité, David Krakauer réussira à stimuler le public et à le faire spontanément battre des mains. C’est un signe intéressant, il donne pourtant à penser que si le métissage des genres est souvent stimulant, il a peut-être manqué à ce concert un peu de musique klezmer plus traditionnelle et plus familière à l’oreille du public.
Le dernier mot reviendra à l’orchestre symphonique de Bretagne, dirigé pour la troisième fois et à la satisfaction de tous, par son chef Grant Llewellyn que nous retrouvons avec un plaisir non dissimulé. Il nous délivrera une interprétation pleine de vie de l’œuvre « Les danses de Galanta » du Hongrois Zoltan Kodaly, qui rendent hommage au village de son enfance. C’est une musique puissante, masculine, parfois facétieuse, mais en tout cas éminemment slave. Elle met en valeur les instruments à vent, comme le cor toujours subtil de Jean-Michel Péresse ou la clarinette très séduisante de la jeune et talentueuse Sonia Borhani. Un vrai plaisir !
Il ne reste plus qu’à vous inviter à la prochaine manifestation de marque de l’OSB avec le Requiem de Gabriel Fauré à la cathédrale Saint Pierre les 16 et 17 mars à 20 h. C’est vraiment l’événement à ne pas manquer. Occasion de retrouver l’excellent ensemble Mélismes de Gildas Pungier pour une œuvre profonde et émouvante.
Essentiel #9, Opéra de Rennes, David Krakauer Klezmer symphonie
Photo de David Krakauer : GMD Three
https://www.youtube.com/watch?v=O6voZQRJhEU
Les essentiels de l’Osb #10 :
Gabriel Fauré
Cantique de Jean Racine op. 11
Paul Ladmirault
Chansons écossaises (orchestration Gildas Pungier)
Gabriel Fauré
Requiem op. 48
L’Orchestre Symphonique de Bretagne continue ses retrouvailles avec la musique sacrée dans la Cathédrale de Rennes rendue à sa splendeur d’antan. Amira Selim, soprane à la voix pleine d’émotion, sera aux côtés du baryton Richard Rittelmann, un des chanteurs le plus prometteurs de la nouvelle génération. Le Requiem de Fauré est une des œuvres les plus émouvantes et mystiques de la musique française. Sous la direction de Gildas Pungier, avec son chœur Mélisme(s) dans l’écrin de la Cathédrale Saint Pierre, ce concert sera un des joyaux de la saison.
Mercredi 16 mars 2016 à 20h / Jeudi 17 mars 2016 à 20h
Rennes / Cathédrale Saint Pierre
Vendredi 18 mars 2016 à 20h30 Saint Brieuc / La Passerelle
Dimanche 20 mars 2016 à 16h Dol de Bretagne / L’Odyssée
Mercredi 23 mars 2016 à 20h30 Fouesnant / L’Archipel
Jeudi 24 mars 2016 à 20h30 Cesson Sévigné / Le Carré Sévigné
Mardi 29 mars 2016 à 20h30 Brest / Le Quartz