La compagnie du Tiroir est implantée à Laval depuis sa création en 1987, plus précisément aujourd’hui au Petit Théâtre Jean Macé. Elle s’adresse à un public varié issu de tous les quartiers mais aussi des zones rurales. Aujourd’hui, autour du responsable artistique Jean-Luc Bansard, une vingtaine d’intermittents est soutenue par une équipe de permanents qui font vivre à la fois les créations de la compagnie (une à deux par an, trente à ce jour) et un lieu de diffusion. Leur dernière création, La supplication, a déjà été représentée plusieurs fois depuis le printemps et continue à se produire (notamment, aujourd’hui à 20h30 à la Mancellière). Présentation enrichie des précisions apportées par son directeur artistique.
Présentation
Après la catastrophe de Tchernobyl, la journaliste et écrivain Svetlana Alexievitch recueille les témoignages des victimes et écrit La Supplication. La dissidente biélorusse s’efface derrière leurs paroles : les uns et les autres ne savent pas comment réagir devant un phénomène dont certains prétendent qu’il est anodin. Faut-il partir, fuir, tout abandonner, tout perdre ? Comment survivre, comment se révolter, et contre qui ? Telles sont les questions que posent ces récits. Le théâtre d’aujourd’hui doit pouvoir saisir leur histoire contemporaine et la mettre en lumière. La parole des victimes de Tchernobyl doit être lue, entendue, et nous renseigner sur nous-mêmes jusqu’à rendre impossible une nouvelle catastrophe.
Jean-Luc Bansard, pourquoi avoir retenu les Témoignages recueillis par Svetlana Alexievitch ?
Ma rencontre avec le drame de Tchernobyl s’est faite par la lecture de ce livre. Je crois qu’un artiste de théâtre qui, par définition, porte une parole publique ne prend la parole sur scène que pour dire au monde qu’il pense du monde. Ce choc du nucléaire est un tournant dans l’histoire de l’humanité : l’homme est dépassé par son invention jusqu’à mettre en danger sa propre existence. Ce livre de Stvetlana Alexievitch est une parole qui parle au monde par la voix des sans voix, la voix des sinistrés;
En tant comédien metteur en scène, je me dois d’être l’interprète de ceux qui ne peuvent parler.
Pour “dire Tchernobyl”, Tsvetlana a choisi elle aussi la voix des sans voix sans parler elle-même. Je me reconnais dans cette démarche et je la fais mienne.
Pourquoi en faire une lecture accompagnée d’un violoncelle ?
Deux violoncelles accompagnent la lecture avec des œuvres de Bach, de Bartok et des improvisations. Pour moi, le violoncelle est l’instrument le plus proche de la voix humaine.
Nous disons le texte à deux voix, ce qui fait avec les deux violoncelles, quatre voix. Nous approchons là du théâtre antique des grandes tragédies grecques, celle des chœurs à voix multiples.
Le livre d’Alexievitch est conçu comme un récital d’un chœur antique et tragique, nous tentons de transmettre ce sentiment.
Au-delà de la question environnementale, quel message, questionnement ou sentiment spirituel souhaitez-vous susciter chez les spectateurs ?
Notre but est d’abord de transmettre l’humain par le menu, par l’intime. C’est un chemin peut-être pour atteindre l’infime du monde, sa fragilité.
Les “messages” au théâtre sont très difficiles à faire passer. Le risque du “militantisme” appartient plutôt à la rue et à la force des masses en mouvement qui devraient – si la conscience collective le permet – se lever après Fukushima – remake de Tchernobyl.
Pour nous, fragiles comédiens – tout comme les fragiles victimes démunies de Tchernobyl – n’avons que la force de nos émotions et de notre sincérité pour émouvoir et éveiller les consciences. C’est à quoi nous voulons contribuer.
Comme l’écrit Tsvetlana Alexievitch :
De Tchernobyl nous ne connaissons presque rien. […] C’est un mystère qu’il nous faut élucider. C’est peut-être la tâche du XXIe siècle. […] Reconstituer les sentiments et non les évènements.
Propos recueillis par Nicolas Roberti
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