Marion vit avec ses deux ados, Adèle et Timothée. Le mari, Antoine, vit ailleurs. Ils sont séparés. Dans cet espace, les jeunes entrent, sortent, mangent, font un peu leurs devoirs, consomment leur quotidien… La mère travaille, mais reste attentive à ses enfants, qui grandissent, et vivent leur adolescence discrètement. Le frère et la sœur se supportent c’est tout. Rien qu’une famille sans histoire…
La fille ne regardait pas l’objectif, d’ailleurs elle ne regardait rien, à part peut-être une pensée, un regret, un projet, à l’intérieur d’elle-même. Elle ne souriait pas. Elle était tout simplement absente. En quelques jours, une foule innombrable de gens croisa ce visage. Et tous se dirent qu’elle avait l’air de poser pour son propre avis de recherche.
Et puis un jour Adèle disparaît, discrètement, sans laisser aucune trace derrière elle. Marion, paniquée, appelle Antoine, le père des deux jeunes gens. Celui-ci n’angoisse pas comme son ex-femme, les fugues sont connues chez les adolescents. Adèle finira bien par rentrer. Timothée, le frère, lui non plus ne s’inquiète pas outre mesure, il est même plutôt content de bénéficier de l’appartement pour lui tout seul ; il n’a pas grand-chose à partager avec sa sœur. Mais la peur emplit peu à peu Marion. Normale après tout. Nombre de jeunes disparaissent chaque année sans qu’on les retrouve nécessairement. Alors la mère prévient les autorités qui ne se montrent pas plus alarmées et alarmistes que cela non plus.
Et puis un jour, un attentat est perpétré au Forum des Halles. Il y a des blessés, des morts. On recherche des individus suspects. Marion s’affole, elle regarde les infos en boucle, elle redoute plus que tout que sa fille fasse partie des victimes de ce crime revendiqué par Daech. On essaie de la tranquilliser, on vérifie partout… Adèle n’apparaît sur aucune liste de blessés ou pire. La mère n’est pas soulagée pour autant. Encore moins, quand on diffuse les visages des gens recherchés (complices des terroristes) … Marion reconnaît sa fille qui n’est plus Adèle mais Hasna Bellaouar, dissimulée sous un hidjab et qui fait l’objet d’un mandat de recherche. Elle aurait quitté le pays quelques jours avant la tuerie des Halles pour la Syrie.
Comment et pourquoi Adèle s’est-elle radicalisée ? Comment est-elle tombée dans le piège, la spirale infernale, la nasse des Fous de Dieu. Comment a-t-elle glissé d’une vie ouverte, libre, à une existence au cœur même de l’obscurantisme ? Pourquoi s’est-elle convertie à l’Islam radical ? a-t-elle suivi un homme sur le théâtre des opérations de Daech en Syrie ? Que va devenir Adèle ? Peut-elle s’en sortir ? Peut-elle rentrer en France ? Et quid de sa vie là-bas ?
Toutes ces interrogations, toutes ces angoisses, tout ce drame vont dès lors transformer l’existence de Marion, d’Antoine et de Timothée. L’inexorable quête d’une mère pour retrouver sa fille commence.
Roman fort, fiction inspirée d’une réalité presque quotidienne qui touche nos démocraties occidentales depuis près d’une décennie. Récit tracé d’une plume sèche et efficace, on ne sourit pas, on lit, un nœud au ventre parce qu’on prend conscience, si on l’ignorait encore, que cela peut toucher celles et ceux que nous côtoyons, parce que l’adolescence, notamment, est un passage propice à ce genre de glissement fatal, parce qu’on est influençable et vulnérable quand on a encore tant à apprendre de l’existence. Parce que l’innocence des unes comme des autres fait le bonheur des loups.
La dernière fois que j’ai vu Adèle – Éditions Mercure de France – Astrid Eliard – 218 pages. Parution : 22 août 2019. Prix : 18,80 €.
Couverture : © plainpicture – Photo auteur Astrid ELIARD © DR
Astrid Eliard est née en 1981. Elle est l’auteur d’un recueil de nouvelles, Nuits de noces (prix SGDL de la nouvelle) et de trois romans, Déjà l’automne, Sacrée Marie ! et Danser (prix Marcel Pagnol).