Mari TammDu dans l’histoire, un livre d’Olivier Le Dour

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Foret de la Trinité de Langonnet

Il est des histoires et des contes qui se chantent à voix nues et appellent à la danse. Qu’elles soient tristes ou rieuses, peu importe puisqu’elles portent la mémoire de Bretagne. Tel est le cas de La gwerz de Mari Tammdu d’Olivier Le Dour, publié aux éditions À l’Ombre des mots paru en octobre 2024

Imaginez un jeune écrivain en herbe découvrant les archives de son grand-père auxquelles personne ne s’intéressait dans la famille. En ouvrant une malle où tout était à ranger, étiqueter, où l’écriture sur les feuilles volantes et les cahiers d’écolier est celle, soignée, d’un ancien instituteur. Ce grand-père cependant ne se résume pas à ce métier, car sa passion est non seulement de collecter des chansons et des récits de ce cœur de Bretagne, c’est aussi parfois de les chanter. Imaginez donc ce jeune écrivain rêvant de découvrir des trésors enfouis dans ces pages d’une mémoire si proche, encore vivante dans les campagnes, et sonnant dans les fest-noz et d’autres fêtes avec les Stivell, Yann-Fañch Kemener, Denez Prigent…. Cet écrivain, qui ne fait d’ailleurs pas métier d’écriture, est passionné par l’émigration bretonne dans le monde1. Gourin, Langonnet, La Faouët, voilà ses terres. Ses lecteurs y ont croisé dans le passé de drôles de paroissiens, des personnages hauts en couleurs, pas toujours recommandables dont il se fait un plaisir de raconter les histoires (cf. Le Consul breton, les neuf vies de l’aventurier Yves Le Roux (1887-1971), Unidivers, 17 février 2022).

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Cette fois aussi, il s’agit d’une sombre histoire, une affaire de meurtre somme toute banale. Il aura fallu de la ténacité à Olivier Le Dour pour en trouver le fil et les protagonistes. Archives de justice, articles de presse comme feuilles de choux locales, témoignages, des années à y venir et y revenir avant enfin d’en percer le mystère. Cette reconstitution nous fait assister aux déclarations des accusés et, sinon aux minutes des procès successifs, aux échanges d’arguments des uns et des autres pour se décharger ou se charger de leurs fautes. Un classique donc. Une femme, deux hommes. L’instigatrice et ses deux hommes de main ? Ou deux meurtriers en puissance et une simple complice par son silence ? Cette histoire se passe autour des années 1880, dans une société refermée sur elle-même, conservatrice, bigote, où la seule langue ou presque est le breton. Un milieu de paysans, journaliers, forgerons, sabotiers, épiciers, boulangers, couturières, chiffonnières et aussi de quelques rentiers et bourgeois, rien là de bien nouveau. Mais le tableau n’est pas tendre. En un mot, Langonnet, un bourg d’à peine 300 âmes au milieu de centaines de hameaux pour au total 3500 habitants. Et pour abreuver de vin ce petit monde, 6 cabarets, s’apparentant plutôt à des tripots au vu des beuveries le soir, accessoirement dotés du noble statut d’aubergistes. La pauvreté y côtoie souvent la misère et toujours l’alcoolisme et l’ignorance.

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Cloître de l’abbaye de Langonnet

Et la gwerz, me direz-vous ? Elle n’apparait qu’à la fin du livre car c’est d’abord l’histoire de ces complotistes qui nous est racontée. Une gwerz, gwerzioù au pluriel, qu’est-ce donc ? Un long chant versifié et rimé racontant des faits divers, des événements, souvent tragiques. Écrits par des compositeurs qui en sont contemporains, ces gwerziou peuvent traverser le temps en étant recomposés, recréés, etc. Chant du peuple, universel et intemporel, c’est le mérite de l’association culturelle, Dastum, d’avoir collecté cette mémoire orale de Bretagne depuis un demi-siècle1.

Restait donc cette inconnue Marie Tammdu. Olivier Le Dour va-t-il dorénavant être un passeur de gwerzioù comme ceux que nous avons mentionnés auparavant ? Toujours est-il que nous avons droit ici aux 4 versions qu’il aura retrouvées (toujours cette rigueur et ce goût de l’exactitude chez lui), 34 couplets en breton et traduits en français dans sa version la plus longue. Nul doute que tous les bretonnants et jusqu’aux Bretons d’autres rives seront heureux de la découvrir et de les remercier, lui et son grand-père, de l’avoir sauvée de l’oubli et ainsi de lui redonner vie.

Na ba’r blez mil eizh kant tri uigent ha daou-zeg,
Oa arriuet ur malleur ba parres Langoned…

Olivier Le Dour, La gwerz de Mari Tammdu, préface d’Eva Guillorel, éditions à l’Ombre des mots, 220 pages, 22€. Parution : 15 octobre 2024

L’ouvrage peut être commandé dans toutes les librairies ou directement sur le site Internet de la maison d’édition

1 Cf Les portes du large : https://www.portesdularge.com/

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Jean-Louis Coatrieux
Jean-Louis Coatrieux est spécialiste de l’imagerie numérique médicale, écrivain et essayiste. Il a publié de nombreux ouvrages, notamment aux éditions La Part Commune et Riveneuve éditions.

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