Maintes fois récompensé par de prestigieux prix littéraires (Prix Goncourt du premier roman pour Une éducation libertine, Prix du livre Inter pour Règne animal ou Prix Fnac pour Le fils de l’homme), Jean-Baptiste del Amo publie avec La nuit ravagée son sixième roman. Largement inspiré de son lieu d’enfance, cette histoire illustre les peurs adolescentes, en les portant dans le genre horrifique.
Jean-Baptiste del Amo a grandi dans la banlieue toulousaine. Au cœur des années 90, une zone résidentielle peut être relativement ennuyeuse pour un adolescent. Alors, il plonge dans la littérature avec les romans de Stephen King ou de Lovecraft. Plus tard, il est fasciné par les films d’horreur. La mouche de David Cronenberg ou mieux encore A nightmare on Elm street de Wes Craven inspirent largement ce roman. Ce dernier a même donné son nom à la rue des Ormes (Elm street), lieu de la maison hantée. C’est un univers qui enflamme l’imaginaire du futur écrivain et des cinq adolescents du roman. D’ailleurs, tout part du souvenir d’une maison abandonnée dans l’environnement quotidien de l’auteur.

Thomas, Alexandre, Mehdi et Maximilien habitent Saint-Auch, une bourgade fictive proche de Toulouse. L’essor de l’aéronautique a donné une nouvelle vitalité à la région. Une superbe banlieue résidentielle voit le jour dans les années 70-80.
Quand le récit commence au début des années 90, les façades des maisons ont vieilli et des drames ont frappé la mémoire collective. Il y a d’abord eu cet accident de la route mortel puis le « suicide » du jeune Simon Laval. Une force obscure s’abattrait-elle sur les maisons et les familles de Saint-Auch ?
En tout cas, les quatre adolescents, bientôt rejoints par Lena, une nouvelle venue à Saint-Auch, tous passionnés de films d’horreur, en sont vite convaincus. En proie aux troubles de leurs familles dysfonctionnelles et contraints à l’ennui d’une région sans intérêt, le club des cinq réuni dans une serre abandonnée, s’inquiète du mystère de la maison barricadée au fond d’une impasse voisine. A-t-elle un lien avec les morts de leur entourage ?
« L’horreur venait mettre en forme leur indifférence au monde, leur étrangeté, leur absence totale de perspectives mais aussi leurs désirs profonds. »
L’adolescence est le moment de la vie où tout est vécu avec intensité. Violence familiale, maladie ou alcoolisme d’un parent, deuil, divorce, harcèlement scolaire. L’enfant subit, emmagasine la rage sans jamais oser se confier à qui que ce soit. Aussi, lorsque chacun constate qu’il peut vivre pleinement ses fantasmes ou affronter ses peurs dans la maison abandonnée, il est enclin à y retourner encore et encore. Cela devient une addiction, un besoin vital.
La maison devient ainsi le lieu où les adolescents se libèrent de leurs peurs. Un lieu où ils quittent l’enfance pour appréhender l’inquiétante réalité de la vie adulte, un lieu où se matérialise les désillusions. Mais c’est aussi un lieu dangereux où les cinq adolescents doivent se battre contre des monstres inhumains et sournois.
C’est au cœur de cette maison hantée que les délires horrifiques prennent toute leur place. Après la gentillesse du Club des cinq, le lecteur se retrouve plutôt dans un épisode de Stranger Things. Finalement, l’attrait pour les films d’horreur n’est-il pas tout simplement une manière d’affronter la peur en toute sécurité. Car chacun le sait, le mal ne se trouve pas dans des délires imaginaires ou chez les monstres irréels mais bien dans le cœur même de l’humanité.
Si vous craignez les récits d’horreur, il serait dommage de passer à côté de ce roman. Parce que c’est aussi une belle illustration de la difficile période de l’adolescence. Jean-Baptiste del Amo donne de la substance à ses personnages. Chaque adolescent essaie de grandir avec son bagage familial parfois insurmontable, d’affronter ses désirs naissants. Et ensemble, ils développent une formidable amitié, une solidarité infaillible pour affronter cette peur de la désillusion et de la mort.
En tout cas, c’est un roman particulièrement addictif que l’on peine à lâcher. Alors, oserez vous entrer dans la maison hantée ?

Jean Baptiste (Garcia) Del Amo est un écrivain français né à Toulouse en 1981. En 2006, il reçoit le Prix du jeune écrivain francophone pour sa nouvelle Ne rien faire, une fiction écrite à partir de son expérience au sein d’une association de lutte contre le VIH en Afrique autour du silence, du non-dit et de l’apparente inaction. Auteur de six romans dont plusieurs primés, ses livres sont traduits dans une quinzaine de langues. En 2019, il a réalisé son premier court-métrage, Demain il fera beau, récompensé par le prix Unifrance des diffuseurs.
La nuit ravagée de Jean-Baptiste del Amo, éditions Gallimard, 464 pages, prix : 23 euros. ISBN9782073092373. Parution : 13 mars 2025. Lire un extrait