Bernhard Schlink revient avec La Petite-fille, publié aux éditions Gallimard. Sur fond d’un drame familial, l’auteur allemand guide son personnage principal sur la trace d’un passé gardé secret et réveille les vieux démons de l’Allemagne, ceux de la RDA et de la réunification. Il place son histoire au cœur d’une idéologie extrémiste dont a hérité une génération endoctrinée.
Le mur de Berlin est tombé la nuit du 9 novembre 1989. Mais que se passe-t-il dans la tête des allemands de l’Est? Dans une Allemagne réunifiée, certains se sentent frustrés et dévalorisés face à la condescendance de l’ouest. Si les murs de pierre tombent, les clivages idéologiques sont résistants. Depuis Le Liseur (Gallimard, 1996), Bernhard Schlink analyse la politique et l’histoire de son pays avec des histoires romanesques dominées par les tourments psychologiques de ses personnages.
Dans les années 60, lors de ses incursions dans les quartiers de Berlin-Est, Kaspar, jeune étudiant de l’ouest rencontre Birgit, jeune fille de l’est. Amoureux, Kaspar met tout en oeuvre pour organiser sa fuite vers l’ouest. Là, ils vécurent heureux ensemble pendant une cinquantaine d’années. Heureux ? Si Kaspar s’investit dans la gestion de sa librairie, Birgit papillonne d’un métier à l’autre et sombre dans l’alcoolisme. Kaspar ne parvient pas à la tirer de sa mélancolie. En rentrant chez lui, il range la maison, ramasse sa femme ivre morte pour la mettre au lit. Puis assis sur un tabouret près de son lit, il l’observe. Toujours fasciné par sa beauté et sa fragilité. Mais un soir, il retrouve Birgit morte dans la baignoire. L’appel d’un éditeur lui laisse entendre que Birgit écrivait de la poésie et un roman qu’il aimerait beaucoup éditer. Kaspar tombe des nues. Mais il cherche dans le bureau et l’ordinateur de sa femme ce qui pourrait ressembler à un manuscrit.
Le lire serait-il la trahir ? Toutefois, Kaspar veut comprendre son geste.
Et il ne s’attendait pas à découvrir qu’en quittant la RDA, Birgit y avait laissé une fille. Enceinte de Léo, un homme marié qui lui propose un étrange marché, Birgit accouche en secret. Elle charge sa meilleure amie d’abandonner l’enfant dans un orphelinat. Des années plus tard, rongée par la tristesse, le vide, Birgit aurait aimé retrouver sa fille.
« Je ne savais pas le mal que fait à long terme le silence qu’on garde. »
Kaspar sait qu’il doit accomplir ce que sa femme n’a jamais eu le temps ni le courage de faire. Très vite, il retrouve la trace de Svenja, la fille de Birgit. Après une adolescence difficile, elle s’est mariée avec Bjorn, un néo-rural Völkisch. Ils ont une fille, Sigrun, âgée de quinze ans, élevée dans une idéologie d’extrême-droite. Ayant compris l’attrait du gain de Bjorn, Kaspar invente un héritage à remettre à Sigrun à condition qu’elle passe la moitié des vacances avec lui.
Commence alors une confrontation de deux générations et deux idéologies. Svenja et Bjorn refusent que Sigrun soit corrompue avec les idées de l’ouest. Kaspar, intellectuel libéral, ne peut admettre les idées néo-nazies inculquées à Sigrun. Alors petit à petit, grâce à une lecture, à l’initiation à l’opéra, la découverte de musiciens, les voyages, Kaspar offre à Sigrun une autre vision du monde. Mais cette culture peut-elle quelque chose contre l’extrémisme. C’est tout l’enjeu de la mission de Kaspar, septuagénaire parfois dépassé par tant de violence.
« J’aime mon pays, je suis heureux de parler sa langue, de connaître les gens, que ce pays me soit familier. Je n’ai pas besoin d’être fier d’être un Allemand, il me suffit d’en être heureux. »
Si il rêve de sortir Sigrun de ce monde dans lequel ses parents l’ont plongée, en a-t-il le droit ?
Avec ce roman passionnant, Bernhard Schlink s’interroge sur le pouvoir des mots, de la culture contre le fanatisme. Au-delà de cette histoire touchante de deuil accompli et de filiation, l’auteur nous interroge sur le pouvoir de la communication, de l’échange. Le dialogue et l’amour pourront-ils faire tomber les murs de l’idéologie ?
Bernhard Schlink, né le 6 juillet 1944 à Bielefeld en Allemagne, est un écrivain allemand. Il est notamment connu pour avoir écrit Le Liseur (1995) (titre original : Der Vorleser).