L’édition 2015 de La Route du rock aura dû essuyer moult infortunes ! Annulation « loufoque » d’une tête d’affiche internationale, météo désastreuse… Malgré une préparation au cordeau et enthousiaste, nul n’est à l’abri de telles calamités. Toutefois, loin de ces considérations, ces conditions pessimistes auront eu l’avantage de mettre plus encore en avant l’intelligence sourcilleuse d’une programmation ambitieuse…
Route du Rock – Jour 1 – Objectif gadoue
Ça se profile mal, à l’arrivée au fort Saint-Père. Malgré les prières, la météo a vu juste… Sur la route qui mène à Saint-Malo comme au Fort, le déluge est torrentiel. De violentes bourrasques déchirent l’air et soulèvent les tentes. Les voitures s’embourbent en rentrant sur le parking. Qu’on se le tienne pour dit, on va en baver… Mais qu’importe les tempêtes, le festivalier est une espèce rare que rien au monde ne pourrait arrêter. Il a son billet en poche depuis des jours, des semaines, des mois, et ce ne sont pas les caprices du temps breton qui vont l’empêcher de profiter de son festival ! On sort les bottes, les ponchos et on mouille le maillot. C’est parti !

Le Fort se remplit timidement quand Wand prend possession de la scène des remparts. C’est au jeune groupe garage qu’incombe la lourde tâche d’ouvrir le festival, alors que la pluie vient tout juste de s’arrêter. Même s’ils conservent leurs capuches par peur qu’elle ne reprenne, les festivaliers s’amassent doucement devant cette première curiosité. Les Californiens distillent leur son parfois psyché, parfois grunge avec ces hésitations d’écriture qui distinguent les jeunes groupes, mais qu’on leur pardonne aisément. Les premiers pogo sont lancés et des mares de boue se forment devant la scène. Passée pourtant la première moitié du concert, le groupe peine à nouer avec le public et les compositions se perdent dans les expérimentations guitaristiques. Des deux côtés de la scène, on commence à se lasser et une dernière ballade solo – ou complainte, on ne saurait dire – vient expédier le concert. Wand quitte la scène en nous laissant sur notre faim. Triste final pour ce premier live…
Mais serait-ce à cause du temps que les groupes triment pour que la sauce prenne ? The Thurston Moore Band, pourtant tête d’affiche de la soirée côté rock, lance difficilement ses premiers riffs sur la foule. Le premier morceau passe comme un ange. Mais comme un bon vieux diesel qui prend son temps pour démarrer puis rugir, Thurston Moore lance Speak to the Wild et la machine est lancée. Le rock métallique et les riffs surabondant et mathématique du quatuor envahissent le Fort. Qu’on aime ou qu’on aime, on ne pourra en vouloir à T. Moore de rester fidèle à lui-même. Les nuages commencent à se dissiper. Devant, on commence sérieusement à headbanguer et à laisser la musique prendre le dessus. 
Et les amateurs de riffs n’ont pas fini de savourer ! Car c’est au tour de Fuzz, dernière émanation de Ty Segall, de s’emparer de la scène du fort et d’y déverser son stoner endiablé. Distorsion crasseuse, cheveux longs et une batterie furieuse, un instant on a cru revoir Led Zeppelin ou Black Sabbath s’inviter à La Route du Rock. Ty Segall, pour notre plus grand plaisir, ne mâche pas ses coups sur ses fûts. Une ode bluesy surgit à la volée, mais ce sera le seul répit pendant de ce concert. On headbangue à l’envie pendant que les trois compères, maquillés à la Marylin Manson, martèlent leur rock 70’s et décrassent les oreilles vierges des retardataires. On en peut plus à la fin, mais on en redemande encore.



Heureusement, pour conclure la soirée – la programmation est vraiment bien faite – Ratatat a sorti le grand jeu. L’électrorock illuminé des New-Yorkais a embrasé le fort et littéralement enseveli son public sous les lasers et ses rythmiques. De quoi rassasier ceux qui ne l’auraient pas été, mais ce n’était que le premier soir.
P.S : Mention spéciale à ce sombre inconnu en salopette qui a exécuté des heures durant la danse de la pluie dans la gadoue, et qui en a entraîné plus d’un avec lui !
Route du Rock – Jour 2 – Surprises et confirmations
La vie de festival a repris ses droits sur le fort Saint-Père en ce deuxième jour de Route du Rock. Sous le soleil défilent quelques nuages épars, de très bon augure pour cette soirée. Seuls vestiges du mauvais temps d’hier, l’odeur de la paille mouillée, jetée en urgence sur les flaques de boue qui s’étalaient hier devant la scène des remparts. Il est 18h et les festivaliers commencent à errer sur le site dans l’attente des concerts. On traîne encore au camping ou on taille le bout de gras aux comptoirs, ici ou là. C’est aujourd’hui que Björk aurait dû fouler la scène du Fort, mais il n’en sera rien, l’artiste islandaise ayant décidé de ne plus jouer son dernier album sur scène. Elle s’en expliquait sur Facebook. Les nouvelles compositions seraient trop douloureuses pour elles à chanter. Si elle laisse les organisateurs de La Route du Rock comme les festivaliers écœurés, ils ne sont pas résignés pour autant. L’affluence promet d’être impressionnante ce soir. C’est que ça bouchonnait très vite en arrivant sur le Fort.
La soirée commence doucement, mais sûrement avec Only Real, dont la pop chamallow a tôt fait de faire vibrer les festivaliers encore engourdis par la soirée de la veille et les nouveaux arrivants venus quand même spécialement ce samedi – Non, Björk tu n’emporteras pas ton annulation au paradis. La nonchalance et le je m’enfoutisme adolescent de l’artiste fonctionne merveilleusement bien sur scène. On commence à danser timidement, et on savoure cette mise en bouche un peu sucrée. Tout de suite, on ne regrette pas d’être revenu à Saint-Malo.


The Soft Moon profite de la tombée de la nuit pour installer son atmosphère hantée. Le rock sombre du californien et ses cris doivent s’entendre jusqu’à Saint-Malo, pendant que la basse tambourine de façon oppressante. Dommage que la formule ne s’épuise dans ces textures sonores hallucinées qui siéent au studio, mais peinent un peu en live. Ce climat angoissant, cette ambiance noire et crispée, c’est finalement Spectres qui l’impose et la martèle définitivement ce soir à coup de larsen. La performance du groupe n’est pas des plus communicatives, mais le post-punk lacéré et implacable du groupe, l’urgence paranoïaque de leurs compositions sont sacrément efficaces.
Arrive alors le concert de Foals, finalement autant attendu que la performance de Björk. Il faut croire ce live maudit puisque le bassiste du groupe, tombé malade dans l’après-midi, ne pourra jouer ce soir. Mais coûte que coûte, et comme un pied de nez à la diva islandaise qu’ils remplacent, Foals a décidé que le concert aurait bien lieu ! C’est donc leur backliner qui tiendra la basse. Le quatuor déchire la nuit avec un premier morceau rock bien acéré et s’empare de la scène avec une simplicité effarante, pendant que de l’autre côté du fort, on danse et on se défoule allègrement dans la paille. Rien à redire sur la performance des Anglais qui confirment n’être plus la découverte d’il y a quelques années.
C’est fini pour ce samedi. Mais il ne reste déjà plus qu’une journée. « Quoi ! Déjà ?! »
Route du Rock – Jour 3 – Consécration rock
Troisième journée à la Route du Rock et non des moindres. Festivalier ! Toi qui as déjà survécu à ces deux premiers jours, pour ta dernière soirée, tu seras comblé ! Que tu aimes le rock ou l’électro, encore une fois, la programmation s’annonce riche en émotions.

Ce premier live terminé, le voyage pour la scène du fort dévoile un public plus dispersé que la veille à la même heure. Pas de Björk, ni de Foals ce soir, mais on attend tout de même Ride encore qu’à un horaire plus tardif. Se réserverait-on au camping pour la deuxième partie de soirée ? Enfin, ce ne semble pas être pour Father John Misty que le fort ne se remplira pas davantage. Le (très) mauvais ersatz du John Lennon période post-Beatles en fait définitivement trop sur scène. Le hipster qui se voulait crooner ne séduira pas grand monde avec ses singeries. 

C’est avec le retour de Ride que l’on conclura en beauté ce festival. Histoire d’en prendre plein la vue et ne pas risquer d’être déçu. Dès les premières notes, on replonge vingt ans en arrière, dans les années Blur et Oasis. La noisy illuminée et entêtante des Anglais doit encore résonner à Saint-Malo à l’heure où ces lignes sont écrites. Jouissif. Il est temps de partir. Il faut reprendre la route. Mais pour se faire pardonner de ne pas chroniquer les concerts de Dan Deacon, de The Juan Mac Lean et de Jungle, on vous laisse ici retrouver tous les concerts enregistrés par Arte TV, des petits bouts de cette 25e édition qui vraiment fut un excellent cru.
