Le Pont Albert-Louppe à Brest, volonté des hommes, puissance du béton

Outre l’histoire longue et difficile de l’implantation d’un pont dans la rade de Brest, environnement à fortes contraintes, Le Pont Albert-Louppe, une oeuvre d’exception de Françoise Sio’chan retrace comment grâce à la volonté et la ténacité des habitants assistés de quelques hommes remarquables, des ingénieurs aux élus, un pont fut enfin construit entre 1926 et 1930, reliant le Léon et la Cornouaille.

pont albert-louppe

Au sommaire du livre, trois grandes parties : la genèse du projet de pont sur l’Élorn, la construction du pont, le matériau béton par un ingénieur savant :

– ses travaux expérimentaux et théoriques,

– le pont Albert-Louppe, une affirmation de la puissance du béton.

Il aborde nombre de spécificités scientifiques et techniques utilisées lors des études de la construction du pont.

La signification historique du pont Albert-Louppe (dit aussi pont de Plougastel) est considérable.

Dés son achèvement, en 1930, le pont Albert-Louppe s’inscrit comme une construction emblématique de la rade de Brest et se pare d’une dimension patrimoniale forte. Il est un espace d’approche et de contemplation d’un site grandiose. Il est très rapidement inclus dans de nouveaux itinéraires touristiques.

Ici, l’équilibre et l’ordre des formes font ressortir des émotions d’ordre esthétique et oublier les idées préconçues et parfois hostiles à ce matériau béton.

Majestueux, impassible, immuable dans la rade de Brest, ce pont paraît indestructible.

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© Françoise Sio’chan

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C’est au moyen d’un bac embarquant passagers – tant des commerçants que des résidents en villégiature en maisons de campagne –, animaux, charrettes, voitures que s’effectue le franchissement de la rivière l’Élorn entre Brest et Plougastel au point dit du Passage. L’embarquement est souvent difficile. Des plaintes sont exprimées. À la fin du XIXe siècle, des solutions sont proposées : un bac à vapeur, un pont flottant, un pont transbordeur, un pont suspendu. En 1913, le projet d’un troisième réseau de chemins de fer départementaux rend indispensable la construction d’un pont franchissant la rade de Brest. La guerre interrompt tout projet. Dans les années 1920, ce projet de pont réapparaît. Le trafic du bac augmente. Le département du Finistère va s’employer à réunir les conditions politiques, économiques, financières et techniques de sa réalisation. Albert Louppe (1856-1927), homme politique républicain, polytechnicien, ingénieur des Mines, ancien dirigeant de poudrerie, veut faire aboutir ce projet de pont. C’est un ouvrage d’exception qui s’impose au-dessus de la rivière de Landerneau. Un concours s’ouvre en 1923.

plougastel pont albert louppe

Outre une implantation très restreinte, l’ouvrage doit présenter une disposition particulière, complexe à concevoir et à réaliser dans un site remarquable. Il doit pouvoir combiner l’accueil de différentes voies de circulation : piétonne, routière, ferroviaire. Parmi les propositions des concurrents va se se distinguer une des solutions de l’entreprise Limousin – procédés Freyssinet.

Parmi ces procédés Freyssinet, en ces années-là, il faut retenir la mise au point de certains principes de construction et méthodes d’exécution suivants : l’application du décintrement par vérins, la mise en vibration mécanique du béton, la mise au point de contres roulants, l’adaptation du béton à des mécanismes complexes.

Il faut rappeler des œuvres remarquables : les ponts de Villeneuve-sur-Lot, de Tonneins sur la Garonne, de Saint-Pierre-du-Vauvray, les hangars pour dirigeable d’Orly …

Défiant un espace, prouesse technique signée Eugène Freyssinet ( 1879-1962), le pont, construit selon des techniques originales ou innovantes, marque l’apogée des ouvrages d’art en béton armé.

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© Françoise Sio’chan

Son édification exigera une organisation logistique rigoureuse. Le chantier du pont, ouvrage d’une dimension imposante, est prévu sur plusieurs années, exigeant une mise en œuvre de procédés nouveaux et originaux, résultant des études de procédés et systèmes dus pour l’essentiel à l’ingénieur Eugène Freyssinet :

– Ainsi pour ce problème, qui sera constant tout au long du chantier de construction, celui des difficultés de transport des matériaux. La conception d’un funiculaire par l’ingénieur permit le déchargement des bateaux dans le chenal, l’approche et la manipulation des coffrages, des armatures et des bétons, cela parfois sous forts coups de vents ;

– Ou encore pour ce cintre en bois unique pour la construction de trois arches.

pont albert louppe
Fonds Association Eugène Freyssinet

Un cintre unique pour la construction des arches

Pour la construction des arches, un seul cintre en bois, fut utilisé. Mis en place par flottage, il est employé successivement pour l’exécution de trois arches égales de 186,40 m.

Le 7 août 1928 

En ce début août, à quatre mois écoulés, ce premier arc à démouler, la manœuvre préparée pour son déplacement, était planifiée à nouveau sur la base d’un protocole de concertation.

Un avis aux navigateurs fut diffusé par les services des Ponts et Chaussées les informant du déplacement imminent du cintre, de la dangerosité de la rivière en raison de la présence de flotteurs supportant des câbles métalliques faiblement immergés. Les risques concernaient même les embarcations à faible tirant d’eau comme les canots de pêche et de plaisance sur une distance de 500 mètres dans la zone en amont du pont. La passe et le chenal côté Kerhuon étaient empruntables. L’avis annonçait l’interdiction de la navigation les jours suivants : les 6, 7 ou 8 août, sur 500 mètres en aval comme en amont sur toute la largeur de l’Élorn.

L’opération débuta dés l’aube et se clôtura à midi, comme elle était programmée.

Le public, peu avisé du jour choisi et en cette heure matinale, était absent. La nécessité de tenir éloignée toute personne étrangère aux abords du chantier et de cette zone d’intervention avait été anticipée.

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© Françoise Sio’chan

Le Pont Albert-Louppe, une oeuvre d’exception, de Françoise Sio’chan, éditions du Parapluie Jaune (librairie Dialogues Brest), en vente sur place ou en ligne.

Contact Librairie Dialogues, Brest : 02 98 44 88 68 ou boutique@librairiedialogues.fr

LE PONT ALBERT-LOUPPE EN CHIFFRES :

Dimensions

Longueur totale: 888 m

Portées principales (trois arches encastrées) : 186, 40m

Viaducs d’accès : 8 travées de 18 m de portée

Largeur du tablier : 9 m

Hauteur de l’arc : 27,5 m

Matériaux employés

Béton : Volume total : 26 000 m³

Acier : Poids des armatures : 2 500 T

Main d’œuvre : Présence de 230 ouvriers

Françoise SIOC’HAN est ingénieur d’études en histoire de l’architecture, du génie civil et côtier et histoire des techniques de construction. Elle est co-auteur, avec Stéphane Sire, du livre Le pont de l’Iroise. Hommage à la rade de Brest (Presse des Ponts), publié en 2016. Elle vous invite à découvrir une histoire d’Hommes, une histoire du Béton.

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