Le visage de Toutankhamon révélé par l’IA…

visage de Toutankhamon
Le visage de Toutankhamon

Depuis sa découverte en 1922 par Howard Carter, la figure du pharaon Toutankhamon n’a cessé de fasciner. Son masque funéraire est devenu une icône de l’Égypte antique, mais derrière cette parure dorée, que savons-nous réellement de son visage ? Une récente initiative numérique menée par des utilisateurs du logiciel d’intelligence artificielle Midjourney tente de répondre à cette question en reconstituant le « vrai visage » du jeune pharaon. Si le résultat frappe par son réalisme, il soulève aussi de nombreuses interrogations quant à la rigueur scientifique de telles approches.

Tutankhamun's 'True Face' Revealed in Startling AI Images After Bombshell DNA Discovery!

Un visage généré par IA : quelle base pour l’imagination ?

Les images, largement relayées par le Daily Express, montrent un adolescent au teint clair et aux traits doux, avec une certaine « lueur juvénile » (selon les termes de la presse britannique). Elles s’appuient sur des descriptions génériques et sur les résultats des analyses ADN publiées en 2010 par une équipe dirigée par le Dr Zahi Hawass, ancien directeur du Conseil suprême des antiquités égyptiennes.

Les chercheurs avaient révélé que Toutankhamon souffrait de plusieurs affections : une nécrose osseuse, une déformation du pied (pied bot), une légère scoliose, ainsi que des signes de paludisme. Il est également issu d’un mariage consanguin, ce qui a accentué certaines pathologies génétiques. Ces éléments ont été cruciaux pour les reconstructions médico-légales antérieures, mais ils n’ont pas directement guidé l’IA dans sa création.

Reconstitution faciale : science versus IA générative

En 2005 déjà, une équipe internationale d’anthropologues et de médecins légistes avait réalisé une reconstitution scientifique du visage de Toutankhamon à partir de son crâne, analysé grâce à un scanner CT (tomodensitométrie). Le résultat, plus anguleux, montrait un adolescent aux pommettes hautes, à la mâchoire étroite et au menton fuyant, avec des éléments cohérents avec les anomalies osseuses révélées par l’examen.

À l’inverse, Midjourney ne s’appuie sur aucune structure osseuse réelle. Il génère des images à partir de prompts textuels, traitant des corpus d’images déjà existants, souvent occidentalo-centrés, et sans accès aux données médicales de la momie. Le rendu est donc artistique, non médical.

Une dérive « photoréaliste » ?

Le réalisme visuel des images produites par l’IA pose un dilemme : plus elles semblent crédibles, plus elles risquent d’être perçues comme des vérités historiques. Or, elles sont des constructions hypothétiques sans fondement anatomique rigoureux. Elles s’apparentent davantage à une esthétique contemporaine de la jeunesse masculine qu’à une reconstitution rigoureuse d’un roi de la XVIIIe dynastie.

Le Dr Salima Ikram, égyptologue à l’American University in Cairo, souligne d’ailleurs que « l’usage des outils numériques pour réimaginer le passé est passionnant, mais il faut maintenir une séparation claire entre interprétation artistique et rigueur archéologique ».

Entre pédagogie et illusion

Ces images peuvent néanmoins jouer un rôle pédagogique. En rendant les figures historiques plus « humaines », elles attirent un public plus large vers l’égyptologie. Mais il est crucial de les accompagner d’une explication claire sur leur nature spéculative. Le danger serait de voir l’IA devenir une source d’autorité visuelle là où l’incertitude règne.

Vers une IA archéologique plus précise ?

Des projets plus scientifiques émergent, comme les reconstructions basées sur des analyses morphologiques, en collaboration avec des paléoanthropologues, où l’IA assiste les experts plutôt qu’elle ne les remplace. C’est le cas de certains travaux réalisés au Louvre ou au British Museum, qui utilisent l’IA pour raffiner des modèles 3D à partir de scanners haute définition.

Toutankhamon, mort à 19 ans vers 1323 av. J.-C., reste entouré de mystères. Mais une chose est certaine : l’IA, si elle est bien encadrée, peut être un puissant outil de médiation scientifique, à condition de ne jamais substituer l’imaginaire à la vérité des os…