Léa Chevrier présente son projet sur les compositrices effacées de l’histoire de la musique à l’occasion de sa sortie de résidence au conservatoire de Rennes ce vendredi 6 octobre 2023. Décompose/Recompose est une installation sonore et audiovisuelle en co-production avec Retroviseur Productions, et en collaboration avec la réalisatrice Laureline Amanieux.
« En 15 ans d’études de musique au conservatoire, je n’ai jamais joué de partition écrite par des femmes », déclare Léa Chevrier. Ce constat se présente comme une opportunité de projets : sa découverte de l’existence de femmes compositrices dès le Moyen-Age donne naissance à un premier parcours sonore pour l’abbaye de Sorde en 2019, Trobairitz (troubadour au féminin). Son intérêt pour les femmes qui ont marqué l’histoire de la musique s’intensifie et elle approfondit ses recherches et sa pratique autour du son et de l’effacement systémique des compositrices avec un second projet Décompose / Recompose, pour lequel elle entame une troisième résidence le lundi 2 octobre au conservatoire de Rennes.
Spécialiste de l’époque baroque, Léa Chevrier se renseigne d’abord sur cette période, elle découvre « cette femme, Élisabeth Jacquet de la Guerre, qui jouait à la cour de Louis XIV, très connue de son vivant, mais qui ne l’est presque plus ». Étonnée de ne jamais en avoir entendu parler, Léa développe l’ambition d’instruire sur ces femmes qui ont eu un impact « aussi important que Bach ou Mozart. Il y a au moins eu 800 femmes compositrices professionnelles en Europe entre le moyen-âge et le début du XXe siècle ».
Plusieurs mécanismes d’effacements différents sont notables, elle explique : « les musicologues au XXe siècle sont souvent des hommes, ça ne veut pas dire qu’ils sont tous sexistes, mais ils parlaient plus de leurs amis hommes que des femmes » Elle ajoute : « Louise Farrenc était l’une des compositrices les plus connues du XIXe siècle, hommes et femmes confondus, la critique l’encensait et dans le premier dictionnaire de musicologie, elle est décrite comme telle ». Son effacement est progressif et frappant, le deuxième dictionnaire parle d’elle comme une professeure de musique au conservatoire avant de devenir « la femme d’un compositeur ».
« On connait tous des airs de musique classique composés et joués par des hommes, l’objectif ultime serait que ça devienne le cas pour les femmes ». Léa Chevrier construit une installation sonore dans ce but. Pour des questions de droit d’auteur, elle rejoue elle-même des morceaux qu’elle trouve sur des partitions ou sur internet, enregistre des chants et compose un audio de 20 minutes qui constitue la première étape de son installation.
La restitution de résidence se construit et s’adapte aux différents espaces qu’elle utilise. Elle continue : « huit pupitres fabriqués par une artisane sont équipés de vibreurs dans lesquels j’envoie du son, les vibrations font office d’enceintes ». Les sons envoyés, ce sont des voix qui essaient de chanter, représentatives des femmes compositrices. Des chants dérangés par des bruits de papier qui se déchirent ou qui brûlent, qui sont lancés dans des hauts parleurs tout autour de l’installation. Des bruits qui dérangent pour « représenter le patriarcat ». La présentation se poursuit avec huit courts documentaires réalisés par Laureline Amanieux. Huit compositrices seront présentées avec le mécanisme d’invisibilisation qu’elles ont subi.
Une première pour ce projet : Léa Chevrier installera au conservatoire un « mini karaoké » avec des phrases simples à chanter. En phase de test, l’idée est que les morceaux chantés par les visiteurs puissent se retrouver dans l’installation tout en gardant la structure, « les voix à l’intérieur pourraient être interchangeables ». Pour cet exercice accessible, avec des morceaux simples, la seule règle est de chanter à peu près juste. « Je veux que ces compositrices entrent dans la culture générale, que les hommes et tous ceux qui ne s’identifient pas au genre féminin puissent aussi participer », précise-t-elle en mentionnant qu’il manque des voix graves à la composition.
« L’objectif pour cette installation, c’est qu’elle devienne une vraie exposition qui reste quelques semaines à un endroit ». Un projet prometteur pour Léa Chevrier qui a déjà des promesses de diffusions venant de l’association Bon accueil à Rennes ou encore de l’Opéra comique de Paris.
Infos pratiques
Parcours sonore en visite libre vendredi 6 octobre 2023 de 17h30 à 19h (compter environ 30 minutes de visite + karaoké)
Présentation, échange avec l’artiste et mini concert de 19h à 20h
Gratuit
Conservatoire de Rennes – Site Blosne
Place Jean Normand / Métro : Ligne a / Station Le Blosne