L’économie automobile en Asie et au Vietnam > Bien loin du Pays de Cocagne

On entend beaucoup de choses sur le marché automobile asiatique, résumé souvent au seul marché chinois. Bien loin d’un eldorado, il est aussi complexe que les autres marchés continentaux et souffre lui aussi de la crise mondiale. Regardons l’exemple d’un pays en voie de développement : le Vietnam.

Après une reprise nette en 2011 (autour de 100 000 ventes pour une population de 87 millions), le marché automobile sombre à nouveau en 2012. Sur les 6 premiers mois, les ventes sont en berne (baisse de 30 %), mais des tendances se confirment. Pour rappel, le top des marques était le suivant : Toyota avec 45 % du marché puis Kia, Chevrolet, Ford et Honda. Les groupes VW, Renault, PSA et BMW ne sont pas présents en dehors d’importations à titre individuel. Citroën vient de s’y relancer avec le même importateur qu’Audi ce qui ne peut lui garantir que des ventes confidentielles non comptabilisées dans les statistiques de l’association vietnamienne des constructeurs.

Cette année, la montée en puissance des Coréens Kia et Chevrolet (filiale coréenne de l’américain GM) se confirme, mais Toyota est reparti seul vers les sommets.

Si Kia (groupe Hyundai) avait profité de l’arrivée de nouveaux modèles (+64 % de vente), c’est maintenant le tour de Chevrolet avec la montée en puissance de sa nouvelle gamme. Mais Toyota a vu l’arrivée de la Camry 2012 (une grosse berline comparable à une Peugeot 607 ou Renault Lattitude)  et de nouvelles versions du 4X4 LandCruiser pour asseoir sa domination à nouveau. Nissan ne sauve sa tête que par un seul modèle nouveau, un MPV. Nous avions prévu la déliquescence de Honda qui s’obstine à ne pas renouveler ses modèles. Il n’en était pas de même avec Ford dont on pouvait espérer mieux avec la nouvelle Fiesta mais qui manque de compétitivité sur les segments clés du marché. On notera la présence sporadique du constructeur chinois Cherry, surtout présent au nord du pays (frontière avec la Chine).

Ce revirement des ventes a bouleversé la répartition des segments. En effet, le segment des petits véhicules (A) est durement touché. Les classes moyennes ne peuvent plus s’offrir leur première voiture, inquiètes de l’avenir. Les gros véhicules du segment M1, m2 ou SUV perdent peu, montrant que ce sont bien les classes supérieures qui ne pâtissent pas trop de cette crise. Le MPV, regroupant les minivans et monospaces, montre aussi une tendance à la baisse : transport en commun par excellence ou prisé par les taxis, il subit aussi de plein fouet le manque de ressources des classes moyennes et inférieures.

Du coté des modèles, il n’y a pas vraiment de nouveauté, mais des remplacements. Le Segment A reste dominé par les Coréennes Kia et Chevrolet. Le Segment B voit surtout la percée de la Chevrolet Aveo qui rafle la deuxième place derrière l’intouchable Toyota Vios (une version à coffre de notre Yaris nationale). Le segment M1 voit aussi la percée du Chevrolet Lacetti (La Cruze en version 5 portes), mais qui reste loin derrière la Corolla et la Kia Forte dont les ventes se tassent. Le segment M2 voit la reprise de pouvoir de la Toyta Camry face à la Cruze, la concurrence étant inexistante. Enfin, le renouvellement du Toyota Fortuner porte ses fruits avec une domination sans partage dans le segment du SUV où Ford, Honda et Mitsubishi se partagent les miettes.

La crise s’annonçant encore durable, en plus de l’inquiétude autour de nouvelles taxes,  le marché automobile risque de rester en sommeil en 2013 (les experts locaux tablent sur une légère reprise) et confirmer les positions actuelles, du moins dans le trio de tête. La reprise du crédit n’est pas encore assez forte pour compenser l’inquiétude de la clientèle, contrairement aux pays voisins qui voient les ventes doubler. À noter que Renault était présent au Vietnam Motor Show 2012 avec aussi BMW, Audi, Mercedes et Porsche, confirmant que le luxe reste une valeur sure pour aborder ce marché en devenir.

Ces signaux font que les investisseurs étrangers sont frileux dans ce secteur, tandis qu’en Thaïlande, les ventes explosent à nouveau. Il en va aussi d’une régulation du marché bien différente selon les pays, le Vietnam préférant souvent maitriser un marché qui pose déjà des problèmes d’infrastructure. Si des autoroutes et voies express sont en construction dans les grandes villes et dans les secteurs fortement industrialisés, la cohabitation moto-auto est encore complexe causant de très meurtriers accidents de la route. Sans tomber dans la paralysie des Bangkok ou Pékin, Hanoi et Ho-Chi-Minh Ville, les 2 pôles rivaux du pays, doivent évoluer pour faire face à ce défi tout en accueillant les indispensables transports en commun que sont le métro et le train à grande vitesse, prévus entre 2015 et 2020.

Ce sont les industries du textile, de l’agroalimentaire et l’agriculture qui poussent à la modernisation des infrastructures pour permettre de meilleures exportations permettant de manière indirecte le développement d’industries technologiques comme l’automobile avec tout ce que cela comprend de sous-traitants qui pourront ainsi employer le vivier de main-d’oeuvre qualifiée qui doit s’expatrier dans les pays voisins (Chine, Thaïlande et surtout Corée, Japon….). Entre développement aveugle et attentisme, le Vietnam est un des nombreux exemples de la diversité du marché asiatique.

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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