L’élevage intensif bovin ne semble pas prêt de s’arrêter. Malgré l’image bucolique de vaches mangeant paisiblement dans les champs qui laisse penser le contraire. Non loin d’Abbeville dans la Somme, un projet d’« Usine à vaches » crée le scandale depuis 2011. Il vient d’être validé par la préfecture.
À l’origine de ce projet, d’abord prévu pour 1000 vaches laitières et 750 veaux et génisses (rappelons qu’il n’y a pas de lait sans veau), il y a la Société Civile d’Exploitation Agricole, dirigé par un ancien du BTP, Michel Ramery et l’agriculteur Michel Welter. Ces deux dirigieants ont intégré au projet un méthaniseur* afin de le faire valider en 2011 au plan environnemental et de rentabiliser l’installation grâce à des subventions venues soutenir ce degré de puissance inédit dans une exploitation agricole.
Mais entre le bien-être animal, les questions environnementales (émissions de souffre et mélanges du méthaniseur), l’alimentation et le traitement médical des bovins (l’utilisation d’antibiotiques étant évidemment tolérée par des dérogations sanitaires) et le fait que le quota laitier de la région est déjà atteint sans recours à ce type d’installation, de nombreux boucliers se sont levés. Dès lors, le projet a été réduit à 500 bovins. Il reste néanmoins la plus grande exploitation nationale de ce type : 500 bovins cloitrés dans un hangar sans jamais voir de pâturage. Les détracteurs s’inquiètent : de telles conditions ne favorisent-elles pas les maladies et un recours massif aux médicaments ? Cette gestion sanitaire pour certains plus que douteuse risque de prospérer avant qu’un) (rare) contrôle ne vienne y mettre bon ordre.
Jean-François Cordet est préfet de la Somme et de Picardie. Doté d’un parcours de centre gauche, il a été directeur de cabinet de Christian Nucci et d’Olivier Stirn lorsqu’il était ministre du gouvernement Rocard en 1988. Il a mis fin aux réticences de son prédécesseur à peine arrivé en fonction au mois d’août 2012. José Bové est monté au créneau pour faire suite à cette décision, mais il peine à entraîner avec lui les députés de la Somme. De fait, la filière viande devient le jouet d’intérêts et d’investisseurs attirés par des profits immédiats.
Avec l’affaire Findus-Spangherro, le grand public a découvert que les produits les moins nobles sont maintenant récupérés pour faire du minerai. Il faut ajouter les problèmes d’E-Coli (renconré chez Spangherro en 2011), l’anti-inflammatoire phénylbutazone retrouvé dans la viande — seules parties pour l’instant émergées de cet iceberg. Il y a tout lieu d’examiner ce qui se passe réellement dans cette filière avec des moyens conséquents et plus diversifiés que la simple analyse ADN. Des enquêtes durant ces 3 dernières années ont montré que la viande est devenue une bombe à retardement compte tenu de la masse de médicaments et produits chimiques utilisés pour la produire.
La France est l’un des pays européens où les contrôles sanitaires sont les moins fréquents. Les effectifs de la DGCCRF sont en baisse constante tandis que les lieux à contrôler sont en hausse : – 19% en 5 ans selon le rapport présenté au Sénat en 2011. Avec des procédures d’audit qui ne sont pas inopinées, les contrevenants aux règles les plus élémentaires ont tout le temps d’assurer leurs arrières. Le puçage des animaux est imposé désormais pour les troupeaux dans un but affiché de « sécurité alimentaire ». Pourtant, a contrario, le puçage facilite l’industrialisation de la filière viande pour l’agroalimentaire. Ainsi autocontrôlés, les contrôleurs ne mettront de moins en moins le nez dans des circuits complexifiés où les conditions de bien-être, d’hygiène et de traçabilité sont régulièrement détournées. De plus en plus d’éleveurs se dressent face à cette dérive de l’agriculture. Cette dernière étrangle les petits éleveurs et promotionne des filières « tout-viande » intensives et sans contrôles. Il est urgent que citoyens et producteurs agricoles se retrouvent ensemble pour proposer une autre voie.
Le 3 mars à Paris aura lieu une manifestation unitaire contre la Malbouffe, l’Agriculture intensive, partant de 13 h de la Gare Montparnasse avant d’aller aux portes du Salon de l’Agriculture. Des bus sont affrétés de plusieurs grandes villes de France (Rennes, Bordeaux, Abbeville, Amiens….), l’évènement étant sur une page Facebook avec les liens utiles.
* Un méthanisateur est dans l’agriculture écologique un réservoir de fumier construit de façon que l’on tire un maximum de méthane du fumier en décomposition biologique.