Rennes. Les Mains sales, la première publication du Marché Noir sans nausée

L’association Le Marché Noir, organisatrice du festival du même nom, livre pour la première fois une publication, Les Mains sales, imprimée chez Media graphic. Les quatre collectifs membres font appel à un auteur-éditeur, un imprimeur coopératif et présentent 42 artistes dont 13 collectifs pour une balade graphique dans l’univers des arts imprimés et de la microédition indépendante. Une campagne de précommande est en cours jusqu’au début d’octobre 2022.

Depuis 2012, l’atelier du Bourg, Barbe à papier, La Presse Purée et l’atelier L’Imprimerie (depuis 2013) se rejoignent au sein de l’association Le Marché Noir. Organisatrice du festival homonyme, cette dernière rassemble 16 artistes issus des arts imprimés qui ont à cœur de rendre visible la diversité de ce monde artistique. Pour ce faire, les quatre collectifs organisent le festival, mais réalisent également des résidences et des expositions et mettent en place des ateliers en extérieur.

Pour la première fois depuis sa création, le groupement d’artistes tente l’expérience de l’édition. Il propose une publication Les Mains sales, imprimée chez Media graphic, imprimerie coopérative rennaise depuis 1980. « Media Graphic aime sortir des standards d’impression, la notion de fabrication et d’expérimentation est importante dans leur travail », commente Éric Macé de l’atelier du Bourg et de l’atelier de L’Imprimerie. Tiré à 1000 exemplaires, l’ouvrage est une immersion dans le monde des arts imprimés manufacturés et de la microédition à travers la pratique de 42 artistes, dont 13 collectifs, issus des quatre coins de la France, et de la Belgique.

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À l’origine, le livre a été pensé comme une alternative au festival alors que la crise sanitaire de 2020 empêchait la tenue des événements culturels. L’association conçoit un livre comme le prolongement de ce que propose Le Marché Noir chaque année. « Le but du festival est de promouvoir les arts imprimés et manufacturés, que ce soit en présentant des stands ou en organisant des ateliers de démonstration et d’initiation », précise-t-il. Anna Boulanger de l’atelier du Bourg renchérit : « Comme le public ne pouvait pas rencontrer physiquement les artistes, on a fait l’intermédiaire en les invitant à répondre à une interview qui présenterait leur travail ». Cette rencontre écrite se concrétise finalement en 2022, année qui célèbre les 10 ans du Marché Noir.

Les Mains sales, en référence à ceux qui mettent les mains dans le cambouis, et sans un doute un clin d’œil à la pièce de théâtre de Jean-Paul Sartre (1948), se veut une présentation des arts imprimés dans un autre format que celui proposé durant le festival. Cependant, la publication conserve la même dynamique et ambition. « L’objectif premier était de montrer des artistes qu’on aime bien et qu’on aurait sans doute invités pour le festival s’il avait eu lieu », explique Éric. Dans un souci de diversité, l’équipe a tenté de regrouper un bel éventail d’artistes et de collectifs, reflet de la diversité des pratiques ; et ce, en mixant les techniques et procédés telles la gravure, la sérigraphie ou la typographie.

Les mains sales marché noir

Après un avant-propos de Maud de l’atelier L’Imprimerie et un texte fictif de Julien de l’atelier du Bourg, la place est laissée aux artistes invités. Aux côtés de la brève présentation de chaque collectif du Marché Noir, identifiable par une différence dans le format des pages, se trouvent les interviews des artistes et collectifs invités. Au-delà de la description de l’atelier et des influences, des entretiens personnalisés, propres à chaque pratique, naissent de leurs échanges. « Les artistes ont sélectionné les images présentes dans le livre », souligne Anna. « On leur a demandé de nous envoyer des visuels de leurs productions et un petit texte en amont pour qu’on puisse préparer l’entretien et savoir vers où ils voulaient qu’on aille. »

« Le livre est à l’image de notre manière de faire le festival. »

Éric Mahé.

Sans prétendre à l’exhaustivité, l’ouvrage donne un aperçu des artistes de leur génération. Le lecteur (re)découvrira notamment des artistes emblématiques invités à plusieurs reprises au festival ou qui l’ont marqué de par leur pratique. La sélection révèle par ailleurs la sensibilité particulière des membres du Marché Noir pour les arts imprimés proche des arts graphiques. Tous ont un point commun : celui d’imprimer eux-mêmes leur travail. Ainsi, chaque artiste présent dans Les Mains sales se charge de la création du début à la fin. « On est touchés autant par le graphisme, l’esthétique que le message. » Et autant par la figuration que l’abstraction ou la typographie. « Phileas Dog Corporation est proche de l’illustration, mais elle réalise aussi des affiches avec de la typo », donne comme exemple Éric. Fait à la main, son travail s’apparente à celui d’une graphiste.

  • Phileas Dog Corporation
  • draw-draw
  • olivier deprez
  • olivier deprez

Parmi les invités, Boris Jakobek qui travaille essentiellement à base de collages dans un jeu entre l’analogique et le numérique, entre le savoir-faire ancien et la conception contemporaine. Ou, encore, Katja Bot, fraîchement installée à Rennes. Au moyen d’une palette de techniques large, son univers figuratif teinté d’onirisme met en scène des personnages forts, sortes de divinités contemporaines, et un bestiaire d’animaux sauvages, aussi bien en noir et blanc qu’en couleurs acidulées. L’artiste s’inspire pour cela de l’histoire du lieu et de son environnement et tisse un récit dessiné où l’humain côtoie l’animal. « Draw-draw est plus axé typographie et gravure », cite Éric.

« Toujours en gravure, Olivier Deprez travaille essentiellement la taille d’épargne et la taille-douce. » Dans le premier procédé de gravure cité, l’encre se dépose dans les creux ; tandis que dans la seconde, l’encre est appliquée en surface. Ce qui est gravé sur la planche de bois, de lino, etc., reste de la couleur du papier tandis que le reste du motif prend la couleur de l’encre appliquée. Graveur, dessinateur, mais aussi théoricien, écrivain et peintre, l’artiste aux multiples casquettes place dans sa pratique un enjeu fondamental, la transmission de la gravure sur bois. « La pratique de la gravure telle qu’elle est faite majoritairement en France est peu représentée et très figurative. C’est souvent des personnes retraitées, propriétaires d’une presse et avec du temps devant eux. C’est une pratique assez chronophage », estime Eric.

  • Sophie Lecuyer
  • Sophie Lecuyer
  • Katja Bot
  • Katja Bot

L’univers de Sophie Lecuyer est quant à lui proche de l’illustration. Il est habité d’expérimentations artistiques dans lequel s’épanouit l’image imprimée. Elle matérialise sur le papier des corps ou des visages féminins au moyen d’une multitude de techniques : linogravure ou sérigraphie. Peut-être moins connu, elle utilise également le cyanotype, un procédé photographique monochrome négatif ancien, par le biais duquel on obtient un tirage photographique bleu de Prusse, bleu cyan. La douceur de son travail est parfois colorée d’une teinte rouge rendue possible grâce à la pointe-sèche, une technique de gravure à la taille-douce.

Au milieu de l’ouvrage, le lecteur découvrira l’essai Une éthique de faire de Alexandre Balcaen. Auteur et fondateur des éditions Adverse, il travaille essentiellement autour de l’édition et de la bande dessinée, et du rapport entre le texte et l’image. « Étant donnée sa pratique, on trouvait intéressant qu’il donne son point de vue, son regard sur les artistes qui ont une pratique des arts imprimés et de la microédition, des pratiques en marge de l’édition classique de l’art contemporain », renseigne Anna.

  • Les mains sales marché noir
  • Boris Jakobek
  • Boris Jakobek

Ces pratiques susmentionnées ne sont que quelques exemples qui illustrent la richesse graphique de l’ouvrage Les Mains sales. Dans le but de soutenir le projet, l’association a lancé une campagne de précommande dans laquelle il est possible de commander le livre au prix de 35 €. « Les 7 000 € souhaités permettront de payer la première partie des factures. »

Une fois la campagne close, début octobre, il sera possible de retrouver le livre pendant le festival Le Marché Noir, du 6 au 9 octobre 2022 aux Ateliers du Vent. Et par la suite, dans certains centres culturels ou institutions tel le Frac Bretagne.

Pour participer à la campagne de pré-commande

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