Dans cette websérie documentaire en animation, la documentariste Ovidie et la comédienne et journaliste Sophie-Marie Larrouy déconstruisent les présupposés dictés par la société en matière de sexualité. Réalisée par Ovidie et Josselin Ronse d’après des illustrations de Diglee, portée par un casting de personnalités engagées et imaginée pour les réseaux sociaux, Libres ! traite avec humour et tendresse de sexualité, sans fausse pudeur ni censure. Mise en ligne mercredi 27 janvier 2021 sur arte.tv/libres, YouTube, Facebook et Instagram.
Publicité, séries, clips, pornographie, jeux vidéo, magazines, applications… Le sexe n’a jamais été aussi omniprésent dans notre environnement culturel. Nous sommes passés sans transition d’une époque où la simple évocation du sujet était totalement taboue à une ère de glorification des performances. Submergées d’injonctions et de représentations ultra-normées, les femmes ne manquent pas de conseils pour satisfaire leur partenaire présupposé masculin. On parle de plus en plus de sexe, certes, mais en parle-t-on réellement mieux ?
Adaptée du livre d’Ovidie et Diglee, Libres ! – Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels, cette série entièrement en animation n’a pas pour prétention d’indiquer aux internautes ce qu’ils sont censés faire pour « avoir une libido au top », « booster leur sexualité » et autre jargon ultra-libéral du sexe. En dressant avec humour l’inventaire des nouvelles injonctions faites aux femmes, tant en matière amoureuse et sexuelle que physique, ces 10 épisodes les invitent à s’en affranchir. Riche d’informations, le propos s’appuie sur des mises en situation qui lui apportent une bonne dose de fraîcheur et d’humour. « J’ai fait appel à Sophie-Marie pour injecter de l’énergie, avec une dimension comique qui n’était pas aussi présente dans le livre », explique Ovidie. Les deux jeunes femmes étayent leur manifeste féministe d’exemples sociologiques éloquents. Ainsi, « les cabinets de recrutement considèrent qu’une femme faisant du 36 a plus de chances de décrocher un emploi qu’une femme faisant du 42« , « 75% des 18-25 ans optent pour l’intégral ou le semi-intégral » quand il est question d’épilation du maillot.
En plus d’Ovidie et de Sophie-Marie Larrouy, plusieurs personnalités engagées et issues du milieu du stand-up et de la radio prêtent leur voix aux divers personnages de cette websérie enlevée qui traite de questions de société : les comédiens et humoristes Shirley Souagnon, Océan, Panayotis Pascot et Lison Daniel du compte Instagram « Les Caractères » ou encore les journalistes Emilie Mazoyer et Xavier Delaporte. Pour leur donner vie, le coréalisateur Josselin Ronse a retranscrit le plus fidèlement possible le trait de Diglee. « J’aime sa façon de dessiner la diversité des corps, que ce soit dans les proportions ou les textures de peau« , dit de celle-ci Ovidie.
Imaginée pour arte.tv et les réseaux sociaux (Youtube, Facebook et Instagram), cette websérie s’adresse en particulier aux 18-25 ans. « Je trouvais cela intéressant de replacer mon travail militant au cœur de la culture du numérique, qui est à la fois le problème et la solution. Dans les médias, on parle de plus en plus de sexe, ce qui permet de briser certains tabous mais s’avère aussi générateur de nouvelles normes« , souligne Ovidie.
Au programme, à visionner dès à présent : (liens de visionnage en cliquant sur chacun des épisodes, mot de passe : L1BRES)
Si les règles sont encore et toujours illustrées en bleu dans les publicités pour les serviettes hygiéniques, si ce sang n’est également jamais représenté dans les films pornographiques et si la grande majorité des femmes sont affolées à l’idée de porter un pantalon blanc dans cette période de leur cycle, c’est notamment parce que les menstruations, phénomène pourtant tout à fait naturel, sont taboues. Pour aller plus loin, ne serait-ce pas la partie visible d’une croyance plus profonde, comme quoi le sexe féminin, entre mystère et tentation, serait dangereux voire démoniaque ?
Cinquante nuances de conservatisme
Le best-seller « Cinquante nuances de Grey » s’inspire (consciemment ou non) d’un scénario initiatique typique déjà usé jusqu’à la corde, où le seul idéal masculin est celui du self-made man : archétype du rêve américain, beau, musclé, Rolex au poignet. Ici pas de prolos ni d’intellos, mais tout simplement une présence masculine forte voire paternaliste.
Comment apprendre à aimer son corps et être en paix avec sa morphologie quand tout notre environnement culturel nous fait miroiter un idéal proche de la perfection et de ce fait impossible à atteindre ? Ovidie raconte comment, dès l’âge de 6 ans, on l’a contrainte de remplacer le sucre par de l’aspartam.
Même quand la presse people s’extasie devant Demi Moore et ses dizaines d’interventions chirurgicales, c’est pour mieux se moquer d’elle quand elle se fait plaquer par Ashton Kutcher, de 16 ans son cadet. Si vieillir est perçu comme une malédiction chez les femmes, les règles ne sont pas exactement les mêmes pour les hommes.
Le phallus est surreprésenté dans notre environnement culturel, là où la vulve en est complètement absente. En termes de représentations symboliques, elle est par exemple inexistante dans l’espace public : on parle aisément de « forme phallique » pour désigner à peu près n’importe quoi de longitudinal, alors que l’expression « forme vulvaire » ne fait pas partie de nos automatismes de langage pour désigner ce qui est ovale.
Les 5 autres épisodes (cliquez sur un titre et insérez le code): La moyenne nationale, Sirop de corps d’homme, Gazon maudit, Dans l’cul Lulu, I kissed a girl .
Autrices
Ovidie est une auteure et réalisatrice spécialisée dans les questions de corps, féminisme(s) et sexualité(s). Docteure en Lettres, elles enseigne également l’écriture documentaire à l’Université de Limoges. Après avoir réalisé des fictions comme des documentaires pour Canal +, et les documentaires Rhabillage, puis À quoi rêvent les jeunes filles ? pour France 2, elle a réalisé en 2017 pour ARTE Là où les putains n’existent pas pour lequel elle reçoit le prix Amnesty International. Tu enfanteras dans la douleur, son dernier film en date, également diffusé sur ARTE, témoignait des violences obstétricales subies par de nombreuses femmes au moment de leur accouchement.
Sophie-Marie Larrouy a elle aussi plusieurs cordes à son arc ; d’abord journaliste, elle imagine et anime plusieurs podcasts : L’Émifion pour Madmoizelle où elle souhaite bousculer les tabous sur la sexualité, et pour Binge Audio À bientôt de te revoir, où elle laisse la parole libre aux invités de son choix, et On est chez nous où elle va à la rencontre des Français. Comédienne, on a pu la voir au cinéma (L’Hermine, Embrasse-moi, T’as pécho ?…), à la télévision (Derby Girl, Cheyenne et Lola) comme sur les planches. Elle a également co-écrit plusieurs ouvrages et récemment publié L’art de la guerre 2.
Diglee (ou Maureen Wingrove, de son vrai nom) est illustratrice-autrice en free-lance. Diplômée de l’école Emile Cohl à Lyon depuis 2009, Diglee travaille pour l’édition, la presse, la publicité et la bande dessinée. Vous pouvez la retrouver sur son blog, instagram, sa chaîne Youtube et sur la page de son agent Marie Bastille!
Libres ! Une série d’animation écrite par Ovidie et Sophie-Marie Larrouy Réalisée par Ovidie et Josselin Ronse d’après l’ouvrage graphique Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels de Diglee et Ovidie. À partir du 27 janvier 2021 sur les réseaux et dès à présent sur Viaméo avec le code L1BRES.
Coproduction : ARTE France, Magneto Presse, 2 Minutes (France, 2021, 10 x 3’30 »)
Lire un extrait de Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels (éditions Delcourt)