Chaque année en France, la date du 18 juin commémore le discours de résistance du Général de Gaulle. Lancé sur les ondes de la BBC de Londres en 1940, il appelait les Français à continuer la lutte, à s’unir pour libérer la France alors envahie par les Allemands. Dans un hôtel à Locminé dans le Morbihan, une vieille dame était tout particulièrement émue ce jour-là, quelques semaines seulement avant son décès : elle s’appelait Jeanne de Gaulle (1860-1940). Unidivers a choisi de dresser le portrait de cette femme, de cette mère née Jeanne Maillot.
“Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. La France n’est pas seule. Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialisés des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi. La flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.”
Ces mots appelant au combat, écrits et prononcés par le Général De Gaulle sur la radio londonienne le 18 juin 1940, résonnent 83 ans plus tard. Son discours s’opposait à celui du maréchal Philippe Pétain, qui la veille s’était adressé à l’adversaire allemand pour demander les moyens de mettre un terme aux hostilités pour signer un armistice.
Ce 18 juin 1940, Jeanne Maillot épouse de Gaulle, la mère de Charles de Gaulle, se trouvait réfugiée à Locminé dans le Morbihan. Elle vivait pourtant depuis un mois à Paimpont en Ille-et-Vilaine, au domicile de Xavier, son fils aîné. Mobilisé en 1939 en qualité d’officier réserviste, Xavier De Gaulle était affecté au camp de Coëtquidan à Guer dans le Morbihan. Capitaine d’artillerie, il avait pour mission d’effectuer des essais sur les matériels d’artillerie. Il trouve alors à se loger à Paimpont, soit à une dizaine de kilomètres de Coëtquidan avec sa femme Armelle et leurs enfants : Geneviève, Philippe et Henri. Il y accueille sa mère de santé fragilisée par des problèmes cardiaques depuis plusieurs mois, en mai 1940. La famille de Gaulle vit dans un appartement loué au premier étage d’une maison dans le bourg appartenant à Louis Rigolé, le boucher-cafetier de la commune.
Mais pour Jeanne De Gaulle, Paimpont est déjà son second refuge car après avoir quitté son domicile de Sainte-Adresse en Normandie pendant l’exode, elle séjourne un temps auprès de son fils Jacques à Grenoble en Isère. Le répit est cependant de très courte durée car la région de Grenoble est vite menacée par l’entrée en guerre de l’Italie. Alors sur les conseils de Xavier, Jeanne de Gaulle arrive en Bretagne le 15 mai 1940. Le 5 juin 1940, Charles de Gaulle envoie une lettre à Yvonne son épouse lui demandant de rejoindre la famille à Paimpont pour s’y mettre aussi à l’abri. Mais le 15 juin, Yvonne De Gaulle et ses enfants se réfugient à Carantec dans le Finistère auprès des Vendroux, sa propre famille.
Ce même 15 juin, Charles De Gaulle est à Rennes pour étudier la question d’un éventuel réduit breton, susceptible de résister à l’armée allemande. Pour rejoindre Londres où il prononcera son discours, le Général s’arrête à Paimpont pour saluer sa mère : (ce sera la dernière fois, il ne la reverra plus !) Le 17 juin, la Bretagne est rapidement submergée par l’avancée allemande. Les troupes restées au camp de Coëtquidan reçoivent l’ordre de se replier sur le Finistère. Xavier de Gaulle et sa famille quittent Paimpont, arrivent à Locminé dans le Morbihan et trouvent refuge dans des abris de fortune. Jeanne de Gaulle a suivi le mouvement et le 18 juin 1940 elle est en compagnie de sa petite fille Geneviève De Gaulle et loge avec elle à l’Hôtel des Voyageurs rue de Verdun à Locminé, exploité par la famille *Pizigot. Les deux femmes croisent l’abbé Thouai sur une place du bourg de Locminé : le prêtre les informe de l’appel du Général De Gaulle qu’il vient d’entendre à la radio.
Plus tard, Geneviève De gaulle relatera les faits vécus à Locminé : Nous écoutions, bouleversés, et ma grand-mère, petite dame en noir, un peu courbée, à laquelle personne ne faisait attention, tira le prêtre par la manche pour lui dire : “c’est mon fils, Monsieur le Curé, mais c’est mon fils. Mon fils est un bon français !“
La retraite sur le Finistère devenue impossible, la famille de Gaulle, à l’exception de Xavier, rentre à Paimpont. Les semaines qui suivent sont encore bien éprouvantes pour Jeanne de Gaulle. Elle apprend d’une part la mort de Charles Cailliau l’un de ses petits-fils, officier de chasseurs d’un bataillon motorisé tué en mai près de Cambrai et d’autre part la captivité de son fils Xavier.
Jeanne de Gaulle, 80 ans, pour laquelle l’état de santé s’est aggravé, est épuisée. Elle vit ses dernières heures auprès de sa petite fille Geneviève accompagnée par une jeune fille paimpontaise : Madeleine Hervé. Avec un grand dévouement, elle a assisté et soigné jusqu’au dernier instant la mère du Général. Cette dernière aurait confié à la jeune fille, avant de mourir, qu’elle priait pour son fils Charles et qu’elle était persuadée qu’il avait choisi la bonne voie. Jeanne De Gaulle s’éteint le 16 juillet 1940 dans l’appartement de Paimpont.
Jeanne De Gaulle est inhumée dans le cimetière de Paimpont le 20 juillet 1940. Son fils se rend sur sa tombe le 22 août 1944. En novembre 1949, il fait déplacer la tombe de sa mère dans le caveau familial à Sainte-Adresse.
Biographie
Jeanne Maillot est née le 28 avril 1860 à Lille dans le Nord. Le 2 août 1886, elle se marie, à l’âge de 26 ans, avec son cousin germain, Henri de Gaulle (1848-1932) de douze ans son aîné. Elle lui donne cinq enfants, une fille et quatre garçons : Xavier (1887-1955) ; Marie-Agnès (1889-1982) ; Charles (1890-1970) ; Jacques (1893-1946) et Pierre (1897-1959). Jeanne est une mère profondément attachée à la patrie et à l’amour de Dieu et qui transmet ses valeurs à ses enfants. Au décès de son époux en 1932, elle demeure dans la maison familiale de Sainte-Adresse en Normandie, jusqu’à l’arrivée des Allemands au printemps 1940.
Une autre version existe cependant. D’après Philippe de Gaulle, fils du Général, sa grand-mère Jeanne de Gaulle était à Paimpont le 18 juin 1940. Elle aurait eu connaissance de l’appel du 18 juin par l’abbé Thouault le recteur de Paimpont.
Alors Locminé, comme l’avait dit le témoin direct en la personne de Geneviève De gaulle ou Paimpont comme l’a affirmé Philippe De Gaulle ? Le texte de la plaque sur la maison de Paimpont semble donc être une restitution simplifiée de cet épisode historique…
Pour être sûr de ne pas se tromper, on peut certifier que Jeanne De Gaulle était bien en Bretagne le 18 juin 1940…
Infos
* La Locminoise Annick Pizigot, 16 ans, était la fille des propriétaires de l’Hôtel des voyageurs de Locminé. Elle entrera en résistance, tout comme Geneviève De Gaulle.
Elle s’envole pour Londres fin 1940 sous une fausse identité : Hélène Cozic. Déportée et torturée au camp de concentration de Mauthausen en Autriche, sans jamais trahir, elle décède de ses séquelles et blessures le 26 novembre 1945 dans un hôpital suisse à l’âge de 21 ans. La rue de Verdun où se trouvait l’Hôtel de ses parents, là où elle a rencontré Jeanne et Geneviève de Gaulle a été rebaptisé “rue Annick Pizigot”