L’œil parlant est une jeune association nantaise fondée en 2018 par l’artiste photographe Adeline Praud. Œuvrant pour des transformations sociales positives à travers la méthode de la photographie participative, l’association est un espace de « création, d’expérimentation, de réflexion et d’expression ». Constituée d’une douzaine de membres dont plusieurs bénévoles et trois intervenantes, L’œil parlant propose également des ateliers et stages traditionnels de formation à la photographie pour les amateurs et professionnels.
À l’origine de l’initiative, l’artiste photographe Adeline Praud. Cette dernière commence par rassembler des connaissances qui, tout comme elle, sont passionnées par la photographie et sensibles aux problématiques sociales. C’est ainsi que naît L’œil Parlant. Dès le départ, l’association prévoit de mettre la photographie participative au cœur de ses projets. Pour Armandine Penna, la photographie parle à l’inconscient et permet de révéler de nombreuses choses cachées ou taboues : « Les gens font des photos et croient qu’elles sont anodines mais en fait, en les regardant et en parlant de ces photos, il y a plein de choses qui s’expriment et se révèlent ».
« Le but n’est pas de faire de la belle photographie, mais plutôt qu’ils apprennent à s’exprimer avec la photo »
Armandine Penna
Appelée aussi Photovoice, cette approche participative de la photographie consiste à fournir à un groupe social marginalisé de petits appareils compacts qu’ils s’approprient afin de photographier eux-mêmes leur réalité. Le rôle des intervenantes comme Armandine Penna, est de faciliter le travail des participants en les accompagnant tout au long du projet à travers des conseils, discussions, feedbacks. L’objectif étant de les impliquer au maximum dans les projets qui les concernent et leur laisser, à travers ce medium, la possibilité de choisir l’image qu’ils souhaitent donner d’eux-mêmes. Lors de leur accompagnement, les membres de l’association s’appliquent également à distiller des notions basiques de la photographie afin d’apprendre aux participants à regarder leurs propres images : « On leur donne des conseils, on les accompagne et leur facilite le travail. Le but n’est pas de faire de faire de la belle photographie, mais plutôt qu’ils apprennent à s’exprimer avec la photo pour in fine leur faire retrouver une estime d’eux-mêmes et un pouvoir d’agir ».
« La photographie participative vise la création de projet impliquant à chaque étape tous les acteurs, afin de favoriser la responsabilisation de toutes et tous, et l’empowerment des participants »
L’œil parlant
L’Œil parlant intervient principalement sur des sujets autour de la marginalisation, l’invisibilisation et l’exclusion : « Nous sommes toujours dans cette démarche vers des publics empêchés ou fragiles, de victimes ou de personnes en marge », explique Armandine Penna dont le rôle en tant qu’intervenante est d’apporter un autre chemin de réflexion et de prise de conscience. À ce jour, le sujet de la violence faite aux femmes a été majoritairement traité par L’œil parlant. Cependant, l’association est en pleine expérimentation et reste ouverte à toute autre problématique. « Les participants se saisissent de l’appareil photo comme medium d’expression et de valorisation de soi », enrichit-elle.
Les projets se déroulent généralement en deux phases. La première se concentre sur la définition du projet et du plan d’action. La seconde se focalise sur la restitution au public afin de transmettre un message et peut servir à faire remonter un plaidoyer auprès des décideurs pouvant agir pour la cause en question. Elle précise : « Nous intervenons en tant que formatrices ou facilitatrices, nous ne faisons pas de photos et nous ne sommes ni thérapeutes ni psychologues, ni travailleuses sociales. Le principe de L’œil parlant est que dans tous les projets, ce soient les participants qui photographient ».
Depuis sa création, L’œil parlant a porté trois projets marquants dont l’exposition EXI(S)T(E), actuellement présentée au Stereolux jusqu’au 15 avril, et un atelier avec des auteurs de violences conjugales et intrafamiliales dans le cadre d’un appel à projet du Conseil Départemental. L’idée du premier était de travailler avec des femmes ayant un parcours de rue. Autour du thème « sortir », ces dernières, accompagnées des membres de l’association, ont photographié les endroits qui comptent pour elles, leur permettent de trouver une visibilité, du soutien et dans lesquels elles se sentent exister. Afin d’accompagner au mieux les participantes, des ateliers sont également mis en place entre les diverses séances photo : « Lors des ateliers, on apprend à faire de la photo, à regarder des images, etc. On échange. On leur donne des appareils-photo avec lesquels elles vont prendre des photos à l’extérieur. On regarde, on rediscute, on redéfinit des axes et défis. En fonction des retours, elles retournent faire des photos, reviennent et c’est ainsi qu’on construit un projet ».
Malgré sa jeunesse, L’œil parlant constate déjà les retombées positives de ses actions à travers les témoignages des participants qu’ils ont accompagnés : « Les témoignages et remerciements des participants qui vont au bout de la démarche prouvent que ces projets et notre accompagnement collectif leur font du bien. Cela induit une transformation personnelle au moins sur le temps d’atelier. Des choses se débloquent et ils ont l’impression de pouvoir sortir des choses enfouies et qui leur faisaient mal. C’est déjà génial ».
En 2022, L’œil parlant lance « OUVRIR LE DIAPHRAGME », une deuxième édition des ateliers sur les violences conjugales ouverts cette fois aux auteurs et victimes. L’idée est de faire de ce projet un outil ressource comprenant des photos et dialogues de participants pouvant servir à tous les intervenants professionnels au contact du public concerné : « Les professionnels se serviront de ces images pour faire parler d’autres personnes sur ces mêmes problématiques. L’idée est qu’à la fin, cela serve aux personnes qui y participent, mais aussi plus généralement à faire avancer la cause », conclut Armandine Penna.
Jusqu’au 15 avril 2022, exposition EXI(S)T(E), Stereolux.
4 bd Léon-Bureau, 44200 Nantes.