Alors que la condition animale fait débat, un droit des animaux émerge dans plusieurs pays pour les défendre et les protéger. Le documentaire Les animaux ont-ils des droits ? de Martin Blanchard et Marianne Cramer propose une investigation fouillée qui décrypte les enjeux de cette évolution et ses limites.
Aujourd’hui, la sensibilité des animaux, êtres vivants dotés de capacités cognitives étonnantes, ne fait plus aucun doute. Les travaux de scientifiques, comme ceux de la célèbre primatologue Jane Goodall dans les années 1960, ont permis de modifier notre rapport aux animaux. Avec l’appui des mouvements de défense des animaux, la science a progressivement fait du statut des animaux une question de société. Les animaux ont beau avoir le statut d’« êtres doués de sensibilité », des vidéos-chocs viennent régulièrement nous rappeler la réalité de la condition animale, comme récemment les images d’abattoirs de l’association de défense animale L214.
Comment sortir de cette contradiction ? Se battre pour une exploitation plus mesurée de nos amies les bêtes, en respectant leur bien-être ? Ou bien, comme le prône le courant abolitionniste, en finir avec tout asservissement de l’animal par l’homme ? Cela signifie alors la fin des produits animaux dans nos assiettes, celles des cobayes dans les laboratoires, plus de numéros de dressage dans les cirques.
De la Suisse, où l’avocat Antoine Goetschel a été rémunéré par le canton de Zurich pour plaider la cause des bêtes, aux Pays-Bas où un parti politique pour les animaux a été créé, les initiatives se multiplient depuis plusieurs années à travers le monde pour faire évoluer la condition animale. Mêlant enquête de terrain et éclairage d’experts et de philosophes, ce tour d’horizon révèle l’intérêt croissant du public et du droit sur la question animale, en interrogeant ses limites.
Entretien avec le réalisateur Martin Blanchard
Comment expliquez-vous l’intérêt grandissant pour la condition animale ?
Martin Blanchard : C’est un long cheminement qui arrive à maturité. Les avancées scientifiques ont montré que les animaux possèdent des capacités cognitives étonnantes. Les associations de protection des animaux ont également joué un rôle dans cette prise de conscience, largement relayée par les réseaux sociaux. On le voit en France à travers les réactions autour des vidéos de L214 sur les conditions scandaleuses d’abattage des animaux. Il est d’autant plus difficile de rester indifférent au sujet qu’il touche à notre quotidien, notamment à notre alimentation. À terme, par exemple, nous consommerons certainement de moins en moins de viande.
Avez-vous rencontré des difficultés durant votre enquête ?
Mon but n’étant pas de filmer les réalités de l’industrie agroalimentaire, nous n’avons pas sollicité les abattoirs, ce qui aurait sûrement été compliqué. Nous souhaitions avant tout poser les bases théoriques d’un débat transversal, qui aborde certes les conditions d’élevage et d’abattage, mais aussi la question des animaux de compagnie ou encore de l’expérimentation animale. Durant le tournage, c’est ce sujet qui s’est révélé le plus sensible. Sous la pression de l’opinion publique, cette partie de la recherche fondamentale est remise en cause. Les chercheurs sont confrontés à des obstacles inédits, comme la réticence d’élus à financer un projet d’animalerie pour l’expérimentation.
Peut-on envisager une société sans abattage d’animaux ?
Les abolitionnistes réclament même la fin de toute exploitation animale, ce qui aurait des répercussions très concrètes : plus d’élevage, donc aucun aliment d’origine animale dans nos assiettes, plus de laine ni de cuir, plus d’équitation, ni de dressage dans les cirques, ni de zoos… Et, bien sûr, plus d’expérimentation animale. C’est un tel changement civilisationnel qu’il est difficile de se prononcer. La question suscite un débat intense au sein même du mouvement de défense animale. Car l’élevage et la domestication façonnent notre relation à l’animal depuis la révolution néolithique. C’est un pan de notre culture humaine. C’est pourquoi il était important de faire le point.
Un nouveau statut juridique pourrait-il améliorer la condition des animaux ?
C’est l’une des pistes envisagées dans le film, mais il en existe beaucoup d’autres. À titre personnel, je crois plus à une prise de conscience collective, notamment en matière d’alimentation, pour respecter l’environnement et le bien-être animal. La révolution sera peut-être morale avant d’être juridique.
Propos recueillis par Hélène Porret
Les animaux ont-ils des droits ? Documentaire de Martin Blanchard. Écrit par Martin Blanchard et Marianne Cramer. Coproduction : Arte France, what’s up films (France, 2016, 1h30mn)
ARTE THEMA 13 décembre à 20 h 50 : Les animaux ont-ils des droits ? Débat 22 h 35 L’avocat des chimpanzés