Lucile Peytavin calcule le coût de la virilité (toxique) en France

Dans Le coût de la virilité, Lucile Peytavin estime ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme des femmes. Du moins, plutôt que de se comporter comme des femmes, ce que la France économiserait si l’actuel pourcentage des hommes qui présentent des comportements violents et toxiques n’était plus qu’un lointain et désolant souvenir.

Le sous-titre est maladroit, un peu trop provocateur. Il fait sans doute peur aux hommes en des temps où beaucoup d’entre eux se sentent menacés par la montée des féminismes.

Pourtant le raisonnement est imparable. Pourtant, femme et hommes, nous en sommes tous victimes, et sans doute tous responsables, à des degrés divers.

Spoiler : l’autrice estime le coût de la virilité toxique à 95,2 milliards d’euros par an, soit plus d’un tiers des recettes nettes perçues par l’Etat… A titre de comparaison, le budget de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports est de 76 milliards d’euros par an… Celui du déficit annuel de la France de 72,8 milliards.

Comment en arrive-t-elle à ce résultat ? En faisant tout simplement ce qui aurait sans doute dû être fait depuis longtemps : une analyse genrée des statistiques de la délinquance. Car en France, comme partout dans le monde, « les hommes sont responsables de l’écrasante majorité des comportements asociaux. »

Lucie Peytavin mesure donc les dépenses publiques allouées à la prévention, à la condamnation et à la compensation des violences pour chaque sexe, en déduit le différentiel entre les hommes et les femmes, différentiel qui correspond au coût de la virilité toxique.

La liste semble inépuisable. Elle a surtout un coût. Un coût direct pour l’État, qui dépense chaque année des milliards d’euros en services de police, judiciaires, médicaux et éducatifs pour y faire face. Et un coût indirect pour la société, qui doit répondre aux souffrances physiques et psychologiques des victimes, et subit des pertes de productivité et des destructions de biens. Pourtant, cette réalité est presque toujours passée sous silence.

A la lecture de son analyse, on s’étonne d’ailleurs avec elle de la difficulté d’obtenir des données statistiques de la délinquance ventilées par sexe… alors que 96,3% des détenus écroués et 93,6% des personnes suivies en milieu ouvert, par exemple, sont des hommes. 96% des personnes incestueuses sont des hommes. 97% des personnes mises en cause pour des délits sexuels sont des hommes. 100% des terroristes des attentats du 13 novembre 2015 étaient des hommes, etc.

Le calcul financier rendu possible par le travail de Lucie Peytavin n’est cependant pas l’aspect le plus intéressant du livre – même s’il est spectaculaire. Sa démonstration des racines du mal l’est encore plus. Car elle démontre surtout qu’on ne naît pas homme violent, on le devient. Et c’est finalement sur les raisons de cette surreprésentation des hommes comme principaux auteurs des violences, donc sur les conséquences de la virilité érigée en idéologie culturelle dominante, qu’elle nous invite à réfléchir.

In fine, tout n’est-il pas, comme toujours, question d’éducation ?

Essai Le coût de la virilité, Lucile Peytavin, Editions Anne Carrère, 17,50 euros, Paru le 5 mars 2021, ISBN : 978-2-84337-999-4.

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