La soirée Halloween est déjà terminé ? Certes, mais Unidivers fait durer le plaisir avec cette nouvelle chronique BD : Ma Vie posthume, l’intégrale du regretté Hubert et de Zanzim ou le portrait d’une femme au XXe siècle. Humour macabre et aventures burlesques sont au rendez-vous de cette réédition.
Les adeptes de bande dessinée ont certainement déjà entendu parler de l’ouvrage Peau d’homme, réalisé par le dessinateur rennais Zanzim et le scénariste regretté Hubert, disparu en février 2020. Abordant des thèmes comme l’homosexualité et le travestissement, mais également l’indépendance de la femme, l’histoire a remporté le Grand Prix de la Critique ACBD 2021. Malheureusement la dernière, Peau d’homme n’a cependant pas été la première bande dessinée qui avait réuni le talent des deux partenaires de bulles.
Après une première rencontre autour du diptyque Les Yeux Verts, sortis respectivement en 2002 et 2004, Hubert et Zanzim avaient réitéré leur compagnonnage avec La Sirène des pompiers (2006) et Ma vie posthume, une BD en deux tomes, sortis successivement en 2012 et 2013. Les éditions Glénat viennent de republier cette dernière en version intégrale. Quel plaisir de retrouver, ce scénario intelligemment drôle et ces dessins parfaitement colorés pour une histoire magnifiquement fantasque. À la nouvelle couverture s’ajoute en bonus un cahier graphique qui révèle les ébauches d’une histoire qui parcourt un siècle au travers de la vie d’une vieille dame… morte.
Emma Doucet, vieille dame au caractère bien trempé, se laisse vivre depuis le décès de Pierre, son mari tant aimé. Un soir, cette fumée invétérée gravit une échelle pour récupérer ses cigarettes, cachées en hauteur par son aide-ménagère. Mais ce qui devait arriver, arrive… Emma tombe. Elle se relève de sa chute dans un drôle d’état, mais n’arrive pas à poser de mots dessus. Elle sait juste qu’elle n’a pas réussi à fermer l’œil de la nuit, qu’elle a des trous de mémoire, et que d’insupportables mouches lui tournent autour…
Un indice après l’autre, la vieille dame finit par faire face à l’effroyable vérité : elle est non seulement morte, mais, en plus, elle a été assassinée ! Qui pourrait sans prendre à une personne âgée comme elle ? Sa nièce qui veut la foutre à l’hospice pour vendre la maison ? Le maire qui lui fait gentiment comprendre qu’à son âge, elle n’a plus besoin d’une telle propriété ? Les promoteurs qui viennent taper à sa porte ? Mais le plus étrange, pourquoi n’est-elle pas simplement morte ? Pourquoi n’a t-elle pas vu la lumière au bout du tunnel ? Non, Emma est une morte-vivante, un zombie, ou quoi que ce soit qui a un ton livide et plus de pouls… Mis à part un trou dans sa poitrine, ce ton verdâtre et une lueur étrange dans son regard, personne ne peut se douter qu’elle a passé l’arme à gauche. Quelle absurdité !
Autres questions qui lui effleurent l’esprit après la prise de conscience : Est-elle la seule ? Son bien-aimé est-il, comme elle, toujours de ce monde ?
À l’instar de La Sirène aux pompiers en 2006 et Peau d’Homme en 2020, Ma Vie posthume n’échappe pas à la règle qui était devenue une des caractéristiques de la collaboration entre les deux auteurs. Hubert et Zanzim brossent en effet le magnifique portrait d’une femme qui a traversé le XXe siècle, de l’entre-deux-guerres à nos jours.
Dans une alternance de teintes, où le présent laisse place au passé et inversement, l’histoire se construit autour d’une petite fille née à la campagne, et qui, toute sa vie durant, fut avide d’indépendance, face à un père bourru et à la vision étroite quant au rôle de la femme. Une vision étriquée, mais représentative de la pensée de l’époque. Les flashs back révèlent la personnalité d’une femme forte qui sait prendre ses propres décisions et se bat pour ses valeurs. Sur la base d’une histoire fantastique, ne peut-on pas y voir le reflet d’une vie que beaucoup de femmes ont vécu à cette période ?
Emma se remémore sa jeunesse, mais surtout sa rencontre avec Pierre et son existence aux côtés de celui qui fut l’homme de sa vie. Celui qui, à une époque où le rôle principal de la femme ne se résumait qu’à concevoir un enfant et faire la popote, lui laissa la liberté de ne tomber enceinte que quand elle déciderait (merci aux préservatifs importés d’Angleterre !), pour qu’elle puisse poursuivre des études. Elle se souvient de la construction de sa maison, de l’entraide, mais aussi des bâtiments qui, petit à petit, ont pullulé à proximité, détruisant toutes les maisons alentours, mais Emma ne compte pas se laisser faire. « Je vous assure que moi vivante, elle ne sera pas vendue ! » Une phrase prononcée peut-être trop rapidement, mais ce fichu caractère l’amènera à découvrir le pourquoi elle marche encore sur ses jambes et la véritable raison de son assassinat. Seule ou accompagnée ? Telle est la question…